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Bouclier anti-missile, état de la négociation

(B2) La semaine dernière a été plutôt active sur l’implantation du bouclier anti-missile américain dans deux pays d’Europe centrale : un accord a été signé entre Américains et Tchèques tandis que la négociation continue de patiner coté polonais. Les Russes ont, de nouveau, réagi fortement à cette implantation promettant des mesures de rétorsion. Les Américains préférant temporiser en promettant de traiter Russie et Europe comme des « partenaires égaux ». Et la présidence de l'UE - par la voie de Nicolas Sarkozy - a pris – pour la première fois - une position plus claire sur la question, précisant que si la question du bouclier antimissile est avant tout une question de souveraineté nationale, le « minimum serait (qu’elle) fasse l’objet d’une concertation et d’une discussion entre nous ». Une position qui tranche nettement avec toutes les prises de position jusqu’ici suivies par les présidences de l’UE et Javier Solana, qui estimaient que ce débat ne devait pas avoir lieu au niveau européen, mais qui rejoint le point de vue de la plupart des groupes politiques au Parlement européen.

Accord tchèque
Un accord « de principe » a été signé, le 8 juillet, entre les Américains et les Tchèques, pour l’installation d’un radar américain sur le sol tchèque dans le cadre du bouclier américain anti-missiles. Les négociations sur l’accord-cadre pour une collaboration industrielle entre la République tchèque et les Etats-Unis ont également été terminées. Une liste de 119 institutions scientifiques et industrielles tchèques a ainsi été établie, à titre de « partenaires stratégiques potentiels » pouvant être engagés dans les projets liés au système américain de défense antimissile. En revanche, la signature de l’accord de coopération SOFA, qui doit réglementer le séjour des soldats américains sur le sol tchèque, a été reportée, la question de la fiscalité applicable au personnel américain, devant stationner dans le pays, restant en discussion.

Les Russes menacent
Aussitôt la signature connue, la Russie a réagi, au moins en paroles. "Le rapprochement d'éléments du potentiel stratégique américain du territoire russe" poussera la Russie à "prendre des mesures adéquates pour compenser le potentiel menaçant sa sécurité nationale", a assurée le ministère russe des Affaires étrangères, dans une déclaration. "La Russie ne va pas se livrer à l'hystérie - a précisé le président russe Dmitri Medvedev, à l'issue du sommet du G8 à Toyako (Japon) - mais réfléchir à des mesures de rétorsion", sans s'étendre sur la nature de ces mesures.

Les Etats-Unis temporisent
Tenant à rassurer tant la Russie que l’Europe, les Américains ont redit leur volonté de les traiter en "partenaires égaux". "Nous recherchons une coopération stratégique pour empêcher les missiles d'Etats voyous, comme l'Iran, de menacer nos amis et nos alliés", a expliqué, mercredi 9 juillet, Gordon Johndroe, un porte-parole de la Maison-Blanche. "Nous voulons mettre au point un système entre les Etats-Unis, la Russie et l'Europe dans lequel tout le monde participera en tant que partenaires égaux", a-t-il ajouté.

Les "Patriot", clés de la négociation polonaise
Entre polonais et américains, les discussions continuent. Si le Premier ministre polonais Donald Tusk estimait, mercredi, que son pays pourrait trouver une solution avec Washington dans les deux semaines, affirmant que les Etats-Unis "commençaient à comprendre" la position de Varsovie, qui souhaite un important investissement américain dans sa défense aérienne, cette position est généralement jugée comme optimiste. Selon un sentiment partagé par nombre d’observateurs polonais, un accord pourrait ainsi ne pas être conclu en juillet mais seulement après les élections présidentielles aux Etats-Unis (novembre 2008). Certes la Pologne semble aussi avoir réduit ses exigences à une seule batterie de missiles « Patriot », composée au maximum de 8 rampes de lancement équipées de 4 missiles immédiatement opérationnels, selon le quotidien Rzeczpospolita (le service étant assumé par une centaine de soldats américains). Mais elle ne veut pas d’une implantation temporaire, d’un an comme proposé par les Américains. "Nous voulons que cette batterie (de Patriot) soit placée de façon permanente sur notre territoire", a dit le ministre de la Défense, Bogdan Klich, dans un entretien au journal Dziennik. Les contacts avec les deux candidats potentiels à la présidence ont d’ailleurs pris un tour très officiel après les rencontres avec le Ministre des affaires étrangères polonais, Radoslaw Sikorski : selon celui-ci, si le républicain John McCain a approuvé la thèse polonaise, selon laquelle l’accord sur le bouclier devrait  augmenter la sécurité des deux pays, le candidat démocrate Barack Obama, en revanche, « se serait montré beaucoup plus sceptique vis à vis du bouclier ».

 (NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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