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L’attentat de Bombay montre la pertinence d’un schéma d’évacuation UE

(BRUXELLES2) Le récent attentat de Bombay est la preuve - ultime - que l'idée d'avoir un concept d'évacuation commun pour les ressortissants de l'UE est plus pertinent que jamais. Il ne s'agit pas d'avoir un PC 24/24 à Bruxelles ni d'avoir une flotte commune prête à partir. Mais de coordonner les moyens, de déterminer, pays par pays, quel est l'Etat (ou les Etats) qui le plus à même de pouvoir procéder à l'évacuation des ressortissants. Un peu comme la France l'avait fait au Tchad face à l'attaque rebelle en février dernier.

Nécessité physique et psychologique

L'exemple de l'attentat en Inde le montre bien. L'évacuation des ressortissants européens ne concerne pas seulement des pays "à risque" ou dénué de structures d'accueil (hopital) ou des hypothèses très typiques (guerre internationale type Géorgie ou conflit civil type Tchad) mais peut aussi concerner des pays a priori stables et dotés de structures - comme l'Inde - et tout type de catastrophe (naturelles, technologique) ou le terrorisme. Dans ce cas, il s'agit bien sûr de mettre "à l'abri" les ressortissants mais aussi de les rassurer, "en les rapatriant" dans le pays d'origine (ou dans un pays plus sûr). Même si a priori ils pourraient rester sur place. Il s'agit parfois d'une opération tout autant psychologique (rassurer les familles, l'opinion publique) que physique. Et de communication. Il est vrai que quand un citoyen voit arriver dans un pays meurtri par une catastrophe ou une attaque, un représentant de "son" consulat ou d'un autre consultat européen. Immédiatement, "on" se sent rassuré. Mais celui-ci n'a, généralement, qu'une envie : quitter au plus vite ce "foutu" pays.

L'exemple de l'évacuation au Tchad - organisation centralisée ?

Du 2 au 9 février 2008, les forces françaises présentes dans le pays (dans le cadre bilatéral « Epervier ») avaient accueilli 1750 personnes  au camp « Kosseï », à l’aéroport N’Djamena, placé sous protection française. La plupart (1402) avaient été mis en sécurité à Libreville (Gabon), par 19 rotations d’avions. Les évacués provenaient de 79 nationalités: 42% de Français, 15% environ de ressortissants européens (suisses, allemands, italiens, britanniques…). Plusieurs diplomates de pays tiers (Chinois, Egyptiens, Russes) ont aussi été pris en charge. Une opération héliportée avait même dû être menée pour dégager des diplomates allemands et américains, bloqués dans leur ambassade. Le cas du Tchad est très spécifique car l'évacuation s'est déroulée à la fois dans des "conditions idéales" - la France disposant sur place non seulement d'une base, à proximité de l'aéroport, mais aussi d'un hôpital et de moyens héliportés propres, était la seule de fait à pouvoir intervenir dans un contexte conflictuel de forte intensité - difficilement reproductibles dans un autre lieu.

L'exemple de la Géorgie - concertation des moyens ?

Lors de la guerre en Géorgie au mois d'aout, aucune évacuation centralisée n'avait été menée. Chaque pays ou groupe de pays s'était organisé comme bon lui semblait. Mais simplement une concertation des moyens. Si la France avait très vite envoyé sur Tbilissi un avion militaire - qui avait pris en charge des citoyens d'autres nationalités - chaque Etat avait pratiqué sa propre politique. Les Pays-Bas (qui avaient sous leur coupe les citoyens belges) avaient simplement affrété un bus vers l'Arménie, laissant ensuite chacun se débrouiller. Les Allemands avaient fait pareil Les Polonais (qui avaient pris en charge les Tchèques) avaient envoyé un avion vers l'Arménie rapatrier leurs citoyens... Cela s'était bien passé. Mais de l'avis de certains évacués, ce n'était pas vraiment idéal. Cela avait été un peu le royaume de la débrouille. La solution "française" - la plus directe - ayant été plus appréciée que le "largage" à Erevan...

Avion C-135 avec son module lits de réanimation (4 postes)

Moyens mobilisés pour l'Inde

"Un avion doit partir sous peu avec une équipe médicale et une équipe d'évacuation de la sécurité civile", a déclaré la ministre française de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, lors de la réunion des Ministres de l'Intérieur de l'UE, qui se tenait le 27 novembre à Bruxelles. L'Espagne devrait aussi faire de même, a annoncé son homologue espagnol.

Avancer vers une vraie coordination des moyens

La présidence française de l'UE a proposé, avant le dernier Conseil des ministres de la Défense, le 10 novembre, de développer un véritable concept d'évacuation des citoyens de pays en crise, en recourant à des moyens militaires (lire : Exercice d'évacuation de ressortissants à défaut d'un concept commun). Projet qui a suscité quelque réticences de certains Etats membres (l'Italie, les Pays-Bas notamment peu enclins à partager leurs moyens ou à recourir à des moyens militaires pour cela). C'est un concept plus souple qu'une organisation centralisée (type Tchad) mais plus ferme qu'une simple concertation des moyens (type Géorgie). L'Etat-major de l'UE y travaille depuis plusieurs années déjà (voir le projet de concept). L'exemple de l'attentat en Inde et le prochain exercice de projection de base aérienne avec mise en place d'une cellule d'évacuation de ressortissants (Lire : Le scénario de l'exercice Bapex 2008) devrait peut-être convaincre les hésitants.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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