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le projet de concept européen d’évacuation des ressortissants

(B2)Dans un document, préparé par l'Etat-Major de l'Union européenne, dont j'ai obtenu une copie, les militaires décrivent ce que pourrait être un concept UE d'évacuation des citoyens avec l'utilisation de moyens militaires. « Ce sont les Etats membres qui sont avant tout responsables de la protection et de l’évacuation de leurs citoyens » explique ce document « Mais dans certaines circonstances, ils peuvent recourir à l’Union européenne ».

Le « Concept » décrit donc les principes pour l'usage des moyens militaires dans des opérations d'évacuation face à différents scénarios, en abordant également certains aspects spécifiques (légaux par exemple).

Un lent historique. Les opérations menées lors du Tsunami en Indonésie, en décembre 2004, ou au Liban, en juillet 2006 ont, en effet, « montré la nécessité de poursuivre la réflexion sur
les opérations d’évacuation, qui peuvent impliquer des moyens militaires de l’UE ». A la suite de l’exercice en 2006 "Evac 06", le COPS a d'ailleurs demandé aux experts militaires de réfléchir à
un concept européen de crise. L’opération Eufor RD Congo a aussi "montré le besoin pour les forces militaires déployées qui mènent les opérations d’urgence, de plans d’urgence aussi bien qu'un besoin des Etats membres d'informer le commandant de force sur leurs plans d'évacuation ».

Trois niveaux d'alerte. Si l’environnement est à chaque fois nouveau et imprévisible », le concept européen définit plusieurs scénarios en fonction des niveaux d’instabilité.
1er niveau, « permissif » : pas de résistance ou d’action hostile à l’évacuation, l’Etat « hôte » est d’accord, voire soutient l’évacuation. L’utilisation d’avions civils, réguliers ou charters, et de bateaux est possible. Les forces militaires ne sont pas nécessaires d’un point de vue sécuritaire mais peuvent être utiles comme support logistique ou pour des transports ou traitements médicaux d’urgence.
2e niveau, « incertain » : le gouvernement « hôte » n’a pas le contrôle effectif total de son territoire. Il existe des éléments, armés ou non armés, organisés ou désorganisés, qui créent un climat d’insécurité et une menace pour des évacuations.
3e niveau, « hostile » : le personnel doit être évacué dans des conditions de désordre civil ou d’action terroriste. Une force militaire est nécessaire pour établir des périmètres de sécurité, escorter les convois. Les forces de sécurité du pays hôte ne peuvent apporter un soutien, voire peuvent contrarier l’opération. Dans tous les cas, une opération d'évacuation a pour but "de déplacer des non-combattants menacés dans un pays étranger dans un lieu sûr. Ce déplacement peut être temporaire ou permanent".

La réponse européenne peut être aussi diversifiée que les circonstances. L'UE peut recourir à une force dédiée, tel un Groupe tactique (Battle group). L’utilisation d’une force européenne (mission ou opération PESD) déjà dans la zone peut être envisagée ou l’Etat-major européen peut développer un "plan d’urgence" spécifique. Si l’usage d’un « groupe tactique n’est pas approprié », l’opération peut être conduite en recourant à la notion de Nation-Cadre, sa désignation étant alors faite « aussi vite que possible » entre les Etats concernés. La coordination et la coopération possible peuvent être facilités à travers des échanges continus d’information au niveau stratégique à Bruxelles ou au niveau opérationnel dans le pays concerné.

La base juridique de l'intervention dépend largement "de l’attitude et de la disponibilité" des autorités du pays concerné. Le manque de temps ne permettra généralement pas la négociation d’un accord sur le statut des forces (SOFA), précisent les experts. Mais, « autant que possible » des autorisations diplomatiques et arrangements supplémentaires pourront être négociés. Si cela est impossible, les forces européennes pourront être « en position de conduire cette opération de façon indépendante ».

L’usage de la force sera limité à "la légitime défense" et "proportionné" - c'est-à-dire "ce qui est nécessaire pour protéger la vie des personnes évacuées, ainsi que la liberté de mouvement". Si l’opération prend la forme d’une mission PESD, « les instruments habituels, y compris une Action conjointe, sont requis ». Dans tous les cas, l’évacuation devra être « menée sur une base volontaire, les citoyens des Etats membres pouvant refuser d’être évacués ».

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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