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La nouvelle mission de la PESD, “Eusec Somalia”, se dessine

(BRUXELLES2) La volonté française de promouvoir une mission européenne de formation des forces de sécurité somaliennes est connue. Après Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, qui avait lancé un appel à ses homologues européens "à participer à l'effort de formation des forces somaliennes", lors de sa visite à Djibouti, Hervé Morin, le ministre de la Défense, l'a encore redit lors de son déplacement dans l'Océan indien. "L'effondrement du pays est la cause de la piraterie. Il faut traiter aussi les causes". Pour parvenir à "la restauration" de l'Etat somalien, "il faut donner les moyens au gouvernement somalien de reconstruire et de reconstituer progressivement les éléments assurant la sécurité et la stabilité du pays", a précisé le Ministre. "Nous, nous faisons cet effort. Ce que nous espérons, c'est que d'autres pays européens le fassent". 

Une dizaine de pays participant ? Est-ce l'effet de cet appel ou, comme le remarque un diplomate en poste à Bruxelles, « une prise de conscience de la faisabilité de l’opération », sans doute un peu des deux. Toujours est-il qu'aujourd'hui à Bruxelles, il existe une atmosphère plutôt favorable la mise en place de cette misson. « Personne n'a émis d'objection - poursuit ce diplomate -. Bien sûr, il reste un certain nombre de questions à régler, notamment le suivi des militaires formés, mais on sent un lent mouvement ». A Göteborg, fin septembre, on comptait ainsi trois à quatre pays soutenant l'opération : outre Chypre et le Luxembourg qui participent déjà à  l'expérimentation française - Chypre en fournissant des moyens, le Luxembourg en finançant l'opération - l'Allemagne avait manifesté son soutien à l'opération, ainsi que l'Espagne, de façon plus timide. Ils sont aujourd'hui une petite dizaine de pays aujourd'hui à soutenir plus ou moins activement cette nouvelle mission PESD. La Pologne et la Finlande étudient ainsi sérieusement leur participation avec l'envoi de formateurs, l'Autriche et la Hongrie ont également un préjugé favorable mais "n'ont pas encore pas pris de décision" comme nous l'a confirmé un diplomate. C'est ce qu'on pourrait nommer l'effet "Eufor Tchad".

La mission Eusec Somalia, premiers contours

Options discutées. A Bruxelles, les experts ont commencé, depuis plusieurs semaines, à travailler sérieusement. Un papier d'options a ainsi été distribué aux différentes délégations en octobre (c'est le deuxième papier après celui distribué en juillet). L'objectif est d'arriver à une décision politique au Conseil des Ministres de la Défense/Affaires étrangères de fin novembre, approuvant un Concept de gestion de crises (CMC), ce qui permettra de lancer le processus de planification opérationnelle. Celle-ci devrait être assez rapide. Car l
a mission "Eusec Somalia" sera assez légère en termes d'effectifs : environ 100-150 personnes.

Une mission civile, pour l'entraînement. La mission "d'assistance à la réforme de sécurité, incluant un entraînement des forces
somaliennes
" serait une mission "civile" au sens européen. Ce qui signifie que la planification et le suivi de l'opération est assuré par le CPCC ("l'Etat-major civil" de l'UE).
Elle viserait, en premier lieu, à l'entraînement des militaires somaliens. Le nombre n'est pas exactement fixé, mais il s'agirait de quelques milliers (entre 2 et5000 personnes). La formation serait assez sommaire, de quelques semaines (3 à 6 semaines), calquée sur le modèle français, destinée avant tout à "former l'esprit de groupe, le respect de ladiscipline, les notions tactiques de base, l'évolution en unité, l'utilisation des armes". Auquel s'ajouterait un volet "droits de l'homme" et "droit international humanitaire" dans l'esprit européen. Elle se déroulerait dans des lieux situés hors de Somalie. Trois pays sont désignés pour l'instant : Djibouti, Tanzanie, Ouganda.

... avec un volet "paiement" des soldats. La mission européenne ne s'arrêterait pas à l'entraînement. Mais concernerait ensuite le paiement des soldats. "Rien ne sert de former des soldats si ensuite on ne peut le payer" assure un militaire européen. "Ils vont se volatiser et retourner dans leurs foyers ou chez les rebelles" complète un autre. La mission vise donc à assurer un paiement des salaires pour préserver leur présence dans l'armée somalienne. Cela pose plusieurs problèmes : contrôler la chaîne de paiement (l'expérience acquise dans l'opération Eusec Congo pourra être utile), éviter le dérapage financier et contrôler le budget nécessaire (pour éviter une tendance
inflationniste à l'afghane), avoir une présentation politique qui concilie les visions différentes des Etats membres en matière de coopération militaire. Payer des armées d'Etats tiers sur le budget de l'Union européenne peut, en effet, paraître choquant à certains pays ou contraire à la politique "civile" de l'UE. Une des pistes suivies pourrait donc être de soutenir (financièrement et de façon logistique) l'Union africaine qui serait chargée de verser l'argent aux Somaliens (ce qui est déjà fait pour les soldats de l'Amisom, le budget européen payant en partie les forces de la paix africaines déployées en Somalie).  


L'engagement américain

Présence diversifiée. Ce qui facilite l'engagement européen et lève les éventuelles réticences, c'est l'engagement américain très net envers la Somalie. Un engagement très diversifié : entraînement de soldats, livraisons d'armes légères et d'équipement à l'armée du GFT, et apport financier. Fin juin, les Etats-Unis auraient déjà livré au moins 40 tonnes d’armes et de munitions aux forces du gouvernement transitoire somalien, pour un montant aux alentours de 10 millions d’euros, selon un représentant du Département d’État. Les Américains aident
également à l’entraînement des forces
somaliennes, via les Djiboutiens, en "fournissant des tentes" et divers matériels. Un support logistique est également apporté aux Ougandais et Burundais qui forment actuellement les seules troupes de l’AMISOM. On sait également que c'est une société américaine qui forme les policiers somaliens en Jordanie...

NB : Les premiers soldats somaliens formés par la France, de façon bilatérale à Djibouti, sont arrivés mardi à Mogadiscio, en provenance de Djibouti dans un avion privé. Selon les sources somaliennes, les troupes ainsi formées seraient au nombre de 800. Ce qui ne correspond pas au chiffre fourni par les Français qui parlent d'environ 500 personnes formées en deux temps (150 en août, 350 en octobre). 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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