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La France évite l’embargo contre sa viande

(archives) Au prix d’un compromis sur la généralisation des tests et l’interdiction des farines, Jean Glavany a pu sauvegarder l’essentiel... et la filière bovine française

Enfermés durant dix-sept heures, au cours d’une des ces réunions marathon dont l’Europe a le secret, les quinze ministres de l’agriculture ont, hier à Bruxelles, réussi l’exploit de faire taire leurs divergences.

Prévu à l’origine pour n’être qu’un point parmi d’autres de l’ordre du jour, la question de la vache folle a, en effet, occupé la majeure partie des débats, tant en salle que dans les couloirs. A plusieurs reprises, les discussions ont achoppé, la séance a été interrompue, les conciliabules se sont multipliés. Ce n’est donc qu’à 8 heures du matin, à l’heure où le jus noir coule dans les tasses, que le président en titre du conseil, Jean Glavany a pu faire son compte rendu. Tel un missi dominici annonçant une bulle papale, le ministre français de l’agriculture, un peu harassé, semblait visiblement soulagé d’annoncer que « L’essentiel avait été sauvegardé ». Le compromis trouvé place la France dans une situation inconfortable.

Certes, le principe de précaution est conforté. L'utilisation des cadavres dans l’alimentation des animaux de ferme va être exclue. Mais l’interdiction des farines animales ne sera pas de sitôt généralisée. Le Conseil des ministres a préféré sagement botté en touche. La Commission européenne est ainsi chargée du sale boulot : pondre un rapport qui évaluera « les enjeux sanitaires, économiques et environnementaux de leur utilisation ». Autrement dit, préparer le retour aux farines animales.

Certes la campagne de tests va être étendue : à partir du 1er janvier prochain, pour les bovins à risque, à partir du 1er juillet 2001, pour les bêtes « saines ». Mais ce programme ne concerne que les seuls bêtes de plus de 30 mois — et non ceux de plus de 18 mois comme le réclame le Parlement européen. Au passage le Portugal obtient une décision de principe visant à lever l’embargo dont sa viande est l’objet. De plus, les modalités de sa mise en oeuvre restent à fixer « à la lumière de l'expérience acquise ». Les pays « indemnes » (Finlande, Suède, Autriche) pourraient ainsi ne pas être tenus aux mêmes obligations que les autres.

Ce qui fait hurler la parlementaire socialiste Dagmar Roth Behrendt : « on ne devrait plus permettre à ces ministres rétifs de prononcer les mots de 'protection des consommateurs' et de 'transparence' et les menacer d'une motion de censure ! » Cependant, la France a échappé au pire. Seule contre tous, accusée par certains diplomates de ne pas suffisamment assumer son rôle conciliateur de présidence, Jean Glavany a su manœuvrer pour repousser l’embargo sur la viande française.

La menace reste cependant réelle. Le comité scientifique directeur européen doit se prononcer avant la fin du mois sur la levée des « mesures nationales » (interdiction des viandes françaises) ou leur renforcement (l’embargo). « Un comble » pour le ministre de l’Agriculture. « A force de prendre trop de précautions, on en arrive à se méfier de notre viande qui est la mieux protégée et la mieux sécurisée d'Europe ». A qui la faute ? rétorquent en chœur les spécialistes du dossier...

Nicolas Gros-Verheyde

(paru dans France-Soir, novembre 2000)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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