[Actualité] En mer Rouge, les Houthis ne désarment pas. Les Américains répliquent. Le front allié se fissure
(B2) En mer Rouge, les échanges de tirs s'enchaînent entre les Alliés et les rebelles Houthis. La coalition durcit le ton, mais la division affleure. Américains et Britanniques militent pour des frappes préventives. Et passent à l'action. La plupart des Européens sauf les Pays-Bas redoutent une escalade et préfèrent une posture défensive.
Un destroyer américain visé
Un « missile de croisière antinavire a été tiré » depuis les zones houthis du Yémen vers le destroyer « USS Laboon (DDG 58), dans le sud de la mer Rouge », dimanche (14 janvier) vers 16 h 45 (heure de Sanaa), annonce l'US CentCom, le commandement américain responsable pour la zone du Proche-Orient. Le missile a « été abattu à proximité de la côte d'Hodeïda par des avions de combat américains ». « Sans blessé ni dommage » est-il précisé.
Une première frappe sur les bases des Houthis au Yémen
On peut y voir une réplique à une frappe menée par les forces américaines contre un site radar Houthi au Yémen. Une première série de frappes a été faite dans la nuit de jeudi à vendredi (12 janvier). A 2 h 30 (heure de Sanaa), les forces du commandement central américain, en coordination avec le Royaume-Uni ont mené des frappes conjointes sur des cibles houthistes. Objectif : « dégrader » la capacité des Houthis « à poursuivre leurs attaques illégales et imprudentes contre les navires américains et internationaux et la navigation commerciale dans la mer Rouge ». Cible visée : « les systèmes radar, les systèmes de défense aérienne, ainsi que les sites de stockage et de lancement de systèmes aériens sans pilote d’attaque unidirectionnelle, de missiles de croisière et de missiles balistiques ».
Un soutien minimal
Frappes menées « avec le soutien de l'Australie, du Canada, des Pays-Bas et de Bahreïn » est-il précisé. Mais « sans aucun lien et (bien) distinctes de l’opération Prosperity Guardian, une coalition défensive de plus de 20 pays opérant dans la mer Rouge, le détroit de Bab al-Mandeb et le golfe d’Aden » prend bien soin de préciser le communiqué US. Notons qu'un seul pays de l'UE — les Pays-Bas — a été associé à la coalition ad hoc sous direction américaine. « Un soutien non opérationnel » prend bien soin de préciser le gouvernement de La Haye.
Seconde frappe
Une seconde frappe a été menée par l'USS Carney (DDG 64), un destroyer américain de la classe Burleigh Burke, dans la nuit de vendredi à samedi (13 janvier), à 3 h 45 (heure de Sanaa), à l'aide de missiles d'attaques terrestres Tomahawk, visant un « site radar Houthis ». Une sorte « d'action de suivi ». La première n'ayant pas a priori tout à fait atteint sa cible ? Ces frappes « n'ont aucun lien et sont distinctes de l'opération Prosperity Guardian, une coalition défensive de plus de 20 pays opérant dans la mer Rouge, le détroit de Bab al-Mandeb et le golfe d'Aden » prend bien soin de préciser cette fois le commandement américain. Une manière de se dédouaner d'une opposition interne bien présente.
L'attaque de grande ampleur
Ces frappes se veulent une réplique à l'attaque « de grande ampleur » menée par les Houthis mardi (9 janvier). A 21h16 (locales), une salve de 18 drones de type OWA, deux missiles de croisière et un missile balistique sont lancés simultanément depuis des bases yéménites, visant des navires en mer Rouge, indique l'US CentralCom. Tous interceptés par les efforts combinés des avions F18 des quatre navires américains — USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69), USS Gravely (DDG 107), USS Laboon (DDG 58), USS Mason (DDG 87) — et le britannique HMS Diamond (D34). Aucun blessé ni dommage n'est signalé (1).
Désapprobation discrète de la plupart des Européens
La plupart des alliés européens des Américains — France, Italie, Espagne notamment de façon visible, Grèce de façon plus discrète— désapprouvent ce type de frappes ou, plutôt, s'ils ne s'y opposent pas, ne veulent pas y être associés. Quelques uns ont ainsi signé la déclaration US du 3 janvier (Danemark, Allemagne, Pays-Bas...) condamnant les attaques houthis. Mais pas la France ni l'Espagne par exemple. Et la liste des soutiens se réduit au fil des évènements. L'Italie (et la Norvège hors UE) ont ainsi marqué le coup refusant de signer la dernière déclaration sur les frappes de rétorsion, ne partageant pas automatiquement la même définition de la légitime défense (cf. Carnet 16.01.2024). Ne parlons pas de la Turquie qui a une autre appréciation du conflit au Proche-Orient que les Américains. De façon autonome, les 27 s'organisent plutôt pour préparer leur propre opération (lire : [Confidentiel] Face aux attaques des Houthis en mer Rouge, une opération européenne se planifie…).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : [Verbatim] La tactique des Houthis à l’épreuve en mer Rouge. La réaction des marines (E. Slaars)
- Selon la comptabilité des forces maritimes, les forces houthis ont mené, depuis le 19 novembre 2023, début des hostilités contre les navires de la marine marchande, pas moins de 28 attaques contre des navires (surtout des porte-conteneurs) près du détroit de Bab-el-Mandeb, dans le sud de la mer Rouge et dans le golfe d’Aden, utilisant pour cela drones d'observation et explosifs, missiles balistiques antinavires, et missiles de croisière.