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La Belgique en opérations militaires. Entre discours et réalité…

(B2) Combien de militaires sont engagés ? Dans quelles zones ? Dans quel cadre (bilatéral ou multilatéral) ? Avec qui (OTAN, UE, ONU) ? C’est à toutes ces questions que répond, avec des éléments statistiques à l’appui, une étude inédite de l’Institut royal supérieur (belge) de défense. Avec des résultats surprenants

(Crédit : ministère belge de la Défense / Archives B2)
  • La leçon de cette étude est fort intéressante. Car ce n’est pas en Afrique — malgré l’histoire et les dires — que la Belgique s’engage le plus, même au niveau européen.

Une présence militaire aujourd’hui réduite à 200 hommes

Au début de l’année 2021, il y avait plus de 1200 Belges en opération. Dont seuls 200 hommes sont sur le sol africain, principalement au Sahel. La contribution belge aux opérations multilatérales de maintien de la paix en Afrique « ne représente qu’environ la moitié de l’ensemble des effectifs déployés [par les Belges] sur le sol africain ». Au niveau militaire, les Belges sont ainsi présents en Somalie (EUTM Somalie, EUNAVFOR Atalanta), au Mali (EUTM Mali) et en Centrafrique (EUTM RCA). Au niveau civil, ils sont présents au Niger (EUCAP Sahel Niger), au Mali (EUCAP Sahel Mali) et en Centrafrique (EUAM RCA). Les autres sont présents dans le cadre de coopérations bilatérales (voir plus bas).

Un pic temporaire en 2017

Ces dernières années, la Belgique n’envoie qu’un nombre limité d’hommes. Et dans des fonctions non combattantes. Elle apporte néanmoins un soutien opérationnel et fournit des équipements. À l’image de son engagement au Mali à partir de 2013 où des hélicoptères Agusta sont d’abord déployés « en soutien à Serval », avant d’être « redirigés vers EUTM Mali jusqu’à la fin de l’année ». Par la suite, entre 70 et 90 militaires sont envoyés pour « assurer la protection du camp de formation de Koulikoro ». Le commandement belge de la mission (juillet 2016 – janvier 2018) s’accompagne « d’une augmentation de la présence militaire belge », avec un « pic » atteint courant 2017, mais qui reste temporaire. D’une manière générale, « l’effort militaire belge chute brutalement à partir de 2018 et continue de décroître en 2019 et 2020 ».

Contributions militaires belges aux opérations PSDC en Afrique (2013-2020) (graphique tiré du rapport)

Un engagement en dents de scie depuis 1994

Pourtant, la Belgique avait l’habitude d’intervenir davantage dans les opérations multilatérales, ayant à cœur de se présenter comme un partenaire fiable, particulièrement en Afrique centrale. Ainsi, « neuf des 20 opérations onusiennes auxquelles la Belgique a participé eurent pour théâtre différents pays africains ». Au niveau européen, la Belgique a participé à 29 des 37 missions et opérations de l’UE, dont 16 se situaient en Afrique (neuf civiles et sept militaires). Dans les deux cas, cet engagement s’est fait par phases, suivant une « dynamique en dents de scie ». Avec un point de rupture en 1994, suite aux opérations menées en Somalie et au Rwanda. Les réticences de la classe politique belge « quant à un engagement militaire dans les anciennes colonies étaient en réalité présentes bien avant le revers de la MINUAR [Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda, déployée d’octobre 1993 à mars 1996] ». Mais cet épisode a durablement marqué les esprits et a renforcé « le principe de précaution dans le choix des engagements opérationnels belges, en particulier en Afrique ».

Participation belge aux opérations de maintien de la paix en Afrique 1990-2020 (graphique tiré du rapport)

Fin des années 90, la présence qui change de nature

Au niveau politique, l’autrice du rapport y voit la conséquence des conclusions de la commission sur le Rwanda publiées en 1999, qui recommandent de « [ne plus fournir] de contingents aux opérations de l’ONU menées dans des pays avec lesquels elle a entretenu jadis des relations coloniales ». La Belgique se retire alors de toutes les missions onusiennes en Afrique. Mais elle poursuit et renforce sa participation aux côtés des Nations Unies dans les Balkans.

Début des années 2000, retour en Afrique centrale

Il faut attendre le début des années 2000 pour que l’Afrique centrale redevienne une zone stratégique, sous l’impulsion de deux ministres, Louis Michel (MR) aux Affaires étrangères et André Flahaut (PS) à la Défense. Francophones, ils mettent en avant la connaissance belge des pays de la région, du terrain et des acteurs, et insistent pour utiliser cette expertise afin de stabiliser la région.

Préférence aux partenariats bilatéraux

L’engagement belge en Afrique centrale se fait alors de plus en plus à travers « un engagement bilatéral fort, tant à travers la politique de coopération au développement qu’à travers la politique étrangère et de défense ». Formation de militaires, soutien capacitaire et stratégique comme au Mali, au Bénin ou en Tunisie, aide à la préparation des opérations au Burkina Faso… Le contenu de ces partenariats bilatéraux est assez proche de ceux des missions de formation de l’Union européenne (EUTM). Mais l’aspect bilatéral permet aux Belges d’avoir le sentiment de mieux contrôler la situation et d’être plus efficaces, contrairement aux opérations multinationales (UE, ONU) lorsqu’elle n’a pas le commandement. NB : des partenariats existent aussi avec la République démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda (l’un des plus actifs) mais peu d’actions concrètes sont menées, quand les accords ne sont pas suspendus suite à des élections (comme au Burundi, où l’accord a été suspendu de 2015 à 2019).

(Agnès Faure, st.)

  • « La Belgique et le multilatéralisme en Afrique : entre rhétorique et pratique », Myrto Hatzigeorgopoulos, Institut royal supérieur de défense, Sécurité & stratégie 148, Bruxelles, 66 p., juin 2021. A télécharger ici
Un engagement à géométrie variable : des raisons économiques...
D'un point de vue budgétaire, le budget de la Défense « a globalement décliné depuis le début des années 1980, de sorte que la manne financière disponible pour les opérations s’en est trouvée considérablement réduite ». La crise économique de la fin des années 2000 a amplifié ce problème.

 ... et politiques
La politique étrangère belge vis-à-vis de l'Afrique dépend aussi de la composition du gouvernement. Les ministres francophones ont un intérêt plus marqué pour la région centrafricaine, alors que les Flamands ont traditionnellement un penchant plus atlantiste. En fonction de la composition de chaque gouvernement, les priorités et les partenaires privilégiés varient.

Rédaction de B2

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