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Entre les 5 Étoiles et la Ligue du Nord, le torchon brûle. En cause : les secours en Méditerranée

(B2) Entre la ministre italienne de la Défense Elisabetta Trenta (Mouvement 5 Etoiles) et le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini (Ligue du Nord), cela n’a jamais été l’amour fou. Très vite, les couteaux ont été tirés. Mais là on atteint un niveau rarement atteint où les tirs à boulets rouges et les accusations de roublardise fusent

Les images officielles où E. Trenta et M. Salvini sont ensemble sont rares. Ici lors de l’anniversaire du groupe spécial d’intervention des Carabinieri (crédit : difesa.it octobre 2018 archives B2)

Salvini accuse Trenta de favoriser l’immigration

Le bouillant leader de la Ligue du Nord reproche à la ministre de Défense « de vouloir mettre d’autres navires de la Marine à la mer. [Ce qui va] attirer de nouveaux départs et de nouvelles opportunités pour les passeurs ». Elisabetta Trenta réplique, accusant Matteo Salvini de monter en épingle le moindre fait de sauvetage, voire de le provoquer.

La réplique de Trenta : Salvini est un manipulateur

« Lorsque Malte a accordé la permission au voilier Alex de l’ONG Mediterrannea d’accoster (1), il était en haute mer attendant l’arrivée des patrouilleurs qui auraient dû accompagner le voyage à La Valette. Mais personne n’est arrivé. Et le navire a décidé de se diriger vers Lampedusa » raconte la ministre de la Défense dans un entretien au Corriere della Serra le 7 juillet dernier. « Le général Pietro Serino, mon chef d’état-major, a appelé le préfet Matteo Piantedosi, lui offrant l’appui des navires militaires. Nous avons clairement indiqué qu’avec nos navires, nous pouvions gérer le transfert immédiat des migrants à Malte. Il était préférable de les éloigner de nos côtes, car même publiquement les autorités de La Valette avaient déclaré être prêtes à les accueillir. »

Silence quand intervient la marine en soutien

« Nous étions disponibles, prêts, pour un soutien maximal. On nous a dit que nous n’en avions pas besoin. À partir de ce moment, aucune demande du ministère de l’Intérieur n’est arrivée. Salvini a choisi le silence, total, mais institutionnellement seulement. » Sur les réseaux sociaux, il était plus prolixe. NB : L’arrivée d’un navire à Lampedusa sert davantage le discours politique du ministre de l’Intérieur que le respect d’un accord de bonne coopération avec Malte.

Une erreur d’abandonner Sophia

« Ce qui est arrivé ces derniers jours aurait pu être évité (2). Je l’avais dit à Matteo Salvini : sans l’opération Sophia, les ONG reviendront. Il n’a pas voulu m’écouter. Et maintenant il se plaint » assure la ministre de la Défense. « Le choix de ne plus avoir de navires [dans l’opération Sophia] a affaibli l’activité de supervision, désormais confiée aux seuls aéronefs, comme en témoigne l’augmentation des ‘atterrissages fantômes‘. »

Quatre navires à Mare Securo, dont un dans le port de Tripoli

Quant à la Marine italienne, elle « continue de s’acquitter des tâches institutionnelles traditionnelles de défense des frontières maritimes, de sauvegarde des intérêts nationaux et de la sécurité de notre communauté » L’opération ‘Mare Securo’ est toujours présente « devant les côtes libyennes » (2). « Nous avons quatre navires déployés (3), y compris le Caprera au port de Tripoli pour une assistance technique aux garde-côtes libyens. »

Du respect pour les militaires

La ministre monte aussi au front pour défendre ses militaires injustement accusés. « Je trouve inapproprié qu’il [Matteo Salvini] attaque toujours les militaires. Je l’ai déjà dit plusieurs fois et je le répète: il faut du respect ». Ce qui s’est passé à Lampedusa, lorsque la capitaine de Sea Watch, Carola Rackete, a forcé le blocus et est entrée dans le port « est un spectacle que je n’approuve pas ». Cela met également en danger la vie de nos officiers de la Guardia di Finanza ».

(NGV)

  1. Le Premier ministre Giuseppe Conte et son homologue maltais Joseph Muscat ont conclu un accord exhortant ensuite tous les ministres à coopérer, indique le quotidien italien.
  2. Le navire Alex a décidé, malgré l’interdiction de pénétrer dans les eaux territoriales italiennes, de rentrer dans le port de Lampedusa. Les 59 migrants à bord ont pu être débarqués. Mais le bateau a été séquestré par les autorités.
  3. L’opération prévoit un maximum de six unités, cinq avions et un contingent de 754 personnes, précise la ministre.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).