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L’assaut israélien sur le Mavi Marmara. Des témoignages militaires éclairants

(BRUXELLES2) Peu à peu au fur et à mesure des retours des différents militants de la flottille pour Gaza, les témoignages arrivent et sinon la vérité, les différents points de vue se précisent. Il semble ainsi que des combats se sont bel et bien déroulés sur le pont du Mavi Marmara, le navire turc "amiral" de la flottille (1). Mais une bataille totalement inégale. D'un coté des pistolets chargés de balles de 9mm tirés parfois à bout portant, parfois dans le dos ; de l'autre coté des canifs et couteaux de cuisine et des barres de fer. Et, jusqu'à présent l'armée israélienne n'a pu trouver aucune autre arme à bord...

NB : le dernier bilan fait toujours état de 9 morts (Turcs dont un a la nationalité américaine) et d'une bonne trentaine de blessés dont 2 sont entre la vie et la mort.

Le témoignage d'un militant Irlandais, ancien marine US : victimes de mauvais traitements

Un témoignage intéressant vient d'être publié dans Hurriyet. Ken O'Keefe un citoyen irlandais, ancien marine américain de la guerre du Golfe, qui raconte la lutte contre les militaires israéliens sur le pont du Mavi Marmara, ainsi que les mauvais traitements subis ensuite. Il a été ainsi battu à deux reprises, au cours de sa détention avant son expulsion vers Ankara.

Il raconte s'être battu mais "pour défendre nos vies et la liberté", mais essentiellement pour désarmer les soldats israéliens qui venaient d'arriver par hélicoptère et prenaient pied sur le pont supérieur. Il reconnaît aussi avoir subtilisé aux commandos le pistolet 9 mm qu'il portait. Mais pas pour l'utiliser. « J'ai pris le pistolet volontairement, et je l'ai désarmé. Nous n'avons pas utilisé ces armes contre des commandos israéliens. (...) Nous nous sommes battus pour défendre nos vies ». Dans un escalier, il neutralise - avec l'aide d'autres militants - trois hommes des commandos. « Ils ont abaissé leurs armes, avec désespoir. (...) Je voyais la peur dans leurs yeux. J'ai regardé dans les yeux ces trois enfants comme un père en colère. Ils croyaient qu'on allait les tuer. Nous les avons libérés. Ils étaient étonnés » (1).

  • Ken-marine-ship
    Ken O'Keefe est un personnage. Né en 1969, en Californie, ancien marine et vétéran de l'Irak en 1991, il a renoncé à la nationalité américaine en 2001 et possède un passeport irlandais (de par sa grand-mère), d'Hawaï et de Palestine. Sur son site, il explique qu'il a alors souffert, comme plusieurs centaines de soldats, du "syndrome du Golfe" ayant été forcé de subir injections et médicaments et ayant été exposé à de l'uranium appauvri au Koweit. A Hawaï, il crée une société "Deep Ecology" qui entend sauvegarder la faune maritime.
  • Son intérêt pour Gaza n'est pas né d'hier. Il est marié avec une Palestinienne, Fadiwa Dajani, née et vivant en Grande-Bretagne après que son père ait été expulsé de Palestine en 1948. Pendant le siège de 2008, capitaine du navire "Free gaza", il réussit à forcer les barrages israéliens avec 2 bateaux qui ont embarqué avec 46 autres personnes dont Laureen Booth, journaliste et militante des droits de l'homme, qui est aussi la belle-soeur de Tony Blair (l'ancien Premier ministre). Laureen avec qui il a fondé une entreprise d'intérêt social, Aloha Palestine, avec l'ambition d'établir un service de ferry maritime entre Chypre et la Palestine.
  •  (crédit photo : website de  Ken O'Keefe - prise en 1991 au moment de la guerre du Golfe)

L'autopsie effectuée par les médecins turcs révèle des tirs nourris

On peut ainsi lire dans le quotidien britannique The Guardian un extrait de l'autopsie pratiqué par les médecins turcs sur les corps des
militants rapatriés en Turquie. Il est éclairant... Sur les neuf corps, ont été retrouvés pas moins de 30 balles. Celles-ci ne proviennent pas de balles perdues ou de tirs par ricochet, précise le médecin, vice-directeur de l'institut turc< de médecine légal. Elles sont intactes et témoignent donc d'un tir direct.
L'intention de tuer semble évidente. Cinq des activistes se sont retrouvés ainsi avec une balle dans la tête. Un des militants (celui qui a la double nationalité turque et américaine) a été tué à bout portant (à 45 cms). Plusieurs d'entre eux ont reçu également des balles dans le dos. Lire : Gaza flotilla activists were shot in head at close range.

Commentaire : Il semble bien ainsi que les commandos aient cédé à une peur panique et tiré dans le tas. Précisons que si les commandos
marines sont normalement formés, entraînés et équipés pour faire face à des situations d'assaut et d'action armée, ils ne sont pas entraînés et armés pour effectuer du maintien de foule. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que des militaires, employés dans ce type d'action, dérapent... Une version qui semble confirmée par le témoignage d'un soldat israélien ayant participé à l'assaut.

Le témoignage d'un soldat israélien qui a participé à l'assaut : des tirs paniques

"Nous n'avions pas d'autre choix" c'est ainsi que s'exprime le sergent-chef S., un des marines qui a mené l'assaut sur le Mavi Marmara, interrogé par notre confrère du Jerusalem post sur la base des Shayetet (2) au nord d'Israël.

Descendu par l'hélicoptère  par l'hélicoptère Black Hawk sur le pont, il ne s'attend pas à trouver ce qu'il appelle une "bataille rangée" et devant faire face à des "mercenaires meurtriers". Le commandement du commando est décapité. Aussitôt arrivé, explique-t-il, nous avons été "immédiatement attaqués". Il voit ainsi à coté de lui "trois de ses commandants blessés, un par un tir à l'estomac, l'autre par un tir au genou, le troisième semblait inconscient, le crâne fracturé par une barre de fer". Il prend le commandement, pousse les blessés contre un mur du pont supérieur, ordonne à ses hommes de créer un périmètre de sécurité autour et de commencer à traiter les blessés, puis forme un second périmètre et sort son pistolet Glock 9 mm.

Faisant face à "une douzaine de mercenaires" et "convaincus que ses vies sont en danger, lui et ses camarades ouvrent le feu". A lui seul, S. descend 6 hommes. « Il n'y avait aucun doute que c'étaient des terroristes — explique-t-il —. Je pouvais voir la rage meurtrière dans leurs yeux. Et qu'ils voulaient nous tuer ». Une version qui concorde en tous points avec la version officielle. Un officier supérieur des Shayetet, le lieutenant-colonel T.,  assiste d'ailleurs à l'entretien avec le journaliste du Jerusalem Post, et complète au besoin la version de son homme.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Le journal turc Hurriyet publie plusieurs séries de photos notamment sur les soldats israliens blessés et les blessés et morts des militants prises à bord du Mavi Marmara.

(2) Pour en savoir plus sur ces commandos voir le site de mon ami Merchet:  Secret Défense: Shayetet 13, les commandos-marine d'Israel.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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