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La commissaire Georgieva à la réponse de crise: « Yes I Do »

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(BRUXELLES2) La commissaire Kristilina Georgieva a réussi, haut la main, hier, son examen de passage au Parlement. Il n'y a pas eu besoin d'attendre la fin de l'audition ni la réunion des coordinateurs pour le savoir. Déjà, au milieu de l'audition, les principaux coordinateurs se concertaient, tout sourires. Et à plusieurs reprises, des applaudissements nourris avaient ponctué ses réponses. Moins d'une
heure avant la fin de l'audition, le Britanique Cashman (S&D) donne l'adoubement, résumant publiquement le sentiment général : « Je suis très impressionné par vos réponses, votre engagement, votre connaissance des dossiers, votre honnêteté intellectuelle, Madame. Je n'ai pas d'autres questions. Je pense que nous pouvons passer à la confirmation ». La Française Eva Joly (Verts), qui préside l'audition, enchaîne : « Je pense qu'il y a consensus ».

Yes sir ! Le «Yes Sir » de Georgieva franc — vibrant et direct en réponse à l'interrogation du Tory Britannique, Nirj Deva —  serez-vous « la voix des sans-voix ? », au besoin en vous battant au sein du collège des commissaires — a porté. En reprenant l'expression fétiche des militaires américains, Georgieva a assurément montré à la fois son volontarisme, son ambition européenne et son sens de la formule. Trois choses qui plaisent toujours au Parlement européen.

Le francais je l'apprendrai. L'audition se termine. L'heure est à la conclusion, moment toujours délicat. Georgieva sort un petit moment d'émotion, tout à fait politique au demeurant. « C’est aujourd'hui l’anniversaire de ma mère qui a 89 ans. J’aurais du être à ses côtés aujourd'hui. Mais je suis parmi vous. Ma mère a toujours cru en l’Europe ; elle a connu la guerre ; elle a connu la division de l’Europe. Elle voulait que j’apprenne le Français. » Et d'ajouter dans un Français qui doit dater de la veille, mais très charmant: « Si je suis confirmée, je ferai l’effort d’apprendre le français ». Cela déclenche une salve d'applaudissement. Inutile de préciser que si elle était à l'université, sa lettre de confirmation porterait "avec les félicitations du jury".

Une Ashton bis. A la sortie, tous les participants de l'audition se précipitent pour saluer la commissaire en sortant. C'est assez classique. Mais là, un courant est manifestement passé. Les députés ont trouvé "leur" commissaire. « Nous avons un interlocuteur » réume la Française Michele Pfeiffer (PPE / UMP). Une commissaire qui se hisse dans le Top 5 des meilleurs commissaires assurément. Comme l'a commenté sentencieusement le Luxembourgeois Charles Goerens (PPE) à la sortie de l'hémicycle : « Me Ashton serait bien avisée de lui laisser le champ libre ».

La réponse de crises : plus rapide, plus unie, plus européenne


"Ma première priorité, c'est Haïti". La Commissaire l'a confirmé également de sa conférence de presse, c'est « sa priorité numéro 1 : assurer d'abord l'urgence, ensuite la reconstruction ». « Il faut agir de façon décisive, pour continuer à délivrer des secours immédiats, surtout des abris, la nourriture et des soins. Le défi est immense. Nous devons apporter des abris pour environ 1 million d'Haitiens, des soins médicaux et post-opératoires pour des dizaines de milliers de personnes. » avait-elle expliqué lors de son exposé introductif.
Ensuite, « nous devons démarrer le travail de la reconstruction et du développement à long terme. »

"Tirer les leçons". Plus généralement, Georgieva entend tirer, déjà, les premières leçons de la réponse européenne sur Haïti.  « Que pouvons nous faire pour avoir une Europe plus rapide, plus unie et plus visible lors de la prochaine catastrophe ? » s'est-elle interrogée. Georgieva propose trois directions d'actions.
1° La préposition de stocks (nous l'avions déjà vu lors de la crise du Tsunami, c'est essentiel) ;
2° La communication : « il faut penser autant à la communication qu’à l’action car ce que croient les gens, c’est ce qu’ils voient » ;
3° « On peut mieux coordonner la réaction européenne, je ne sais pas pourquoi cela n’a pas été fait mais il faut montrer que l’Europe ce n’est pas 27 + 1 »

"EU Fast, une bonne idée". Faire EU Fast, Avoir une Capacité de réponse rapide de l'UE en cas de catastrophe ? « Oui pour moi cela va de soi » a-t-elle répondu. « La question n'est pas tant de savoir s'il faut le faire. J'en suis convaincue », faisant référence notamment au rapport de Michel Barnier sur EuAid. « Mais pourquoi cela n'a pas marché dans le passé. Qu'est-ce qui a bloqué ? Et comment on peut avancer dans le futur. ». « Ce n'est pas la peine de relancer le projet si c'est pour aboutir à un nouvel échec » m'a-t-elle ainsi confiée à la sortie de l'audition. Le moment décisif pourrait être rapide puisque le président Van Rompuy a décidé de mettre ce sujet à l'ordre du jour du Conseil informel du 11 février prochain. « Nous allons avoir une discussion intensive dans les prochains jours ».

Renouveler les approches. Georgieva s'est prononcée en faveur d'une diversité d'approche. Oui « à un catalogue des disponibilités des Etats membres (comme le catalogue des capacités civiles en matière de PeSDC), c'est une bonne approche, encore plus avec la situation actuelle, où la crise économique oblige à avoir des moyens limités ». Oui à continuer le projet expérimental « feux de forêts ». Mais il faut aussi « être créatif dans les instruments » a-t-elle commenté. « A la Banque mondiale, par exemple, nous avions réfléchi à une assurance catastrophes naturelles. Haïti avait cette assurance, payée par le Canada. Et Haïti touchera 8 millions d’euros ».

Partager le  fardeau. « Je suis tout à fait favorable au partage des charges » a-t-elle expliqué. « J’ai un rôle à jouer pour plaider une participation plus active des Etats membres, particulièrement dans les nouveaux Etats membres. Même si nos conditions financières sont difficiles, nous sommes engagés. Maintenant je ne suis pas vraiment au courant de comment se passe exactement le partage des charges, et je dois me renseigner pour savoir ce qu’on peut faire au niveau communautaire dans l’avenir. » a-t-elle aussi reconnu.

 

L'action humanitaire: préserver les voies d'accès aux victimes, dénoncer les abus


Etre neutre. C'est l'alpha & omega de l'action humanitaire pour la commissaire, qui a ainsi fixé les limites de son pouvoir. « Nous devons êtres neutres. Nous avons un objectif : délivrer l’aide humanitaire (...) et accéder aux victimes. » Donc pas d'expression politique sur certains sujets qui puisse nuire à cela. « Maintenant s'il s'agit de sauver des femmes et enfants — a-t-elle ajouté —, je prendrai la parole. Si cela est nécessaire, pour attirer l’attention, alors oui, je le ferais. Yes I do ! ».

"Yes I Do". « Je serai l'avocat pour le respect du droit international humanitaire et je parlerai fort quand des travailleurs humanitaires sont tués, des prisonniers sont maltraités, les viols utilisés comme une arme et la destruction des vies innocentes ».

Ouvrir l’accès à Gaza. Posé à plusieurs reprises, la commissaire a fixé sa ligne de conduite : « Le plus important pour nous est de plaider
pour l’accès à la région. Il faut savoir pourquoi on n’a pas accès. Si la raison sont les biens militaires : on doit avoir soit une liste négative, soit une liste positive. Mais ce qui est important : il faut agir ensemble et parler d’une seul voix. Nous devons apporter un appui maximal pour les travailleurs humanitaires.
»

Un corps de volontaires européens "dès 2011". L'article 214 du Traité (*) prévoit la mise en place d'un corps humanitaire de volontaires européens. La commissaire entend oeuvre pour que ce corps soit créé dès 2011. Tout en reconnaissant que: « C’est très optimiste, je suis d’accord. (...) Mais, en 2011, il y a un symbole c’est l’année du volontariat. Et nous avons un mandat du Traité. » Deux questions sont à définir, selon elle : « le budget et la motivation de ce service. Sur le budget, ce serait injuste de le financer avec le budget de l'aide humanitaire qui diminuerait en conséquence, il faut donc trouver des fonds pour que cela fonctionne. Ensuite, il faut savoir à quoi ce corps de volontaires va servir. On pourrait prendre exemple sur Ingénieurs sans frontières. (...) Le terme qui compte dans ce projet c’est « volontaires » : ce n’est pas automatiquement tous les pays, ce n’est pas un corps de volontaires désignés d’office. »

(*) «
5. Afin d'établir un cadre pour des contributions communes des jeunes Européens aux actions d'aide humanitaire de l'Union, un Corps volontaire européen d'aide humanitaire est créé. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, fixent son statut et les modalités de son fonctionnement »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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