Pour l’UE, la solution en Afghanistan ne peut (plus) être seulement militaire
(BRUXELLES2) La réunion informelle des ministres des affaires étrangères qui vient de se dérouler à Stockholm les 4 et 5 septembre (dénommée Gymnich du nom de chateau allemand où elle s'est déroulée la première) n'aura pas failli à la tradition. Il y a l'ordre du jour prévu... et les évènements qui le bousculent. L'année dernière, c'était la Géorgie et le conflit avec la Russie (lire réunion d'Avignon). Cette fois, l'Afghanistan et le Pakistan. L'Afpak - comme le dénomme les spécialistes - était bien à l'ordre du jour. Mais il s'agissait de faire le point sur les possibilités des Etats membres de l'UE de renforcer leur implication (et leur poids) dans la région, et surtout de mieux coordonner leur action.Le bombardement de l'OTAN sur deux camions citernes aux mains de rebelles (1), a bouleversé la donne. Même si son bilan varie selon les sources, le nombre de victimes - entre 54 et 90 victimes ou tués dont plusieurs civils (2) -, a suscité la consternation parmi les Ministres et des commentaires qui ont donné l'impression que l'UE condamnait l'action militaire. C'est vrai en partie (tous les 27 ne semblent d'ailleurs pas unanimes sur ce point). Mais selon moi, le débat et la condamnation sont ailleurs (cette fois de façon plus consensuelle). C'est davantage le "tout militaire", la nécessité de revoir la stratégie menée en Afghanistan par les occidentaux qui semble en débat et en critique. Autrement dit : l'action civile et politique doit-elle un complément à l'action militaire (comme semble le demander à l'UE le Danois Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN), ou l'action civile doit-elle primer ou commander ? A écouter Carl Bildt, le ministre
suédois des Affaires étrangères qui présidait la réunion, la réponse semble claire. Du moins quand on l'écoute lors la conférence de presse finale. Quelques extraits que j'ai retenus.
Le tout militaire ne suffit plus. « La perception de ce que nous faisons en l’Afghanistan paraît parfois essentiellement militaire. En termes de dépenses, c’est vrai. L’opération militaire coûte cher. » Et aussi en termes pertes (humaines). « Plusieurs pays ont perdu des forces. » faisant référence aux soldats français et polonais décédés vendredi et dans la nuit. « Nous faisons là un sacrifice pour la sécurité du peuple d’Afghanistan. Mais on ne pourra pas gagner par la solution militaire uniquement. Cela pourra se faire par un processus de stabilisation (peace building), politique, économique et civil. Et les instruments de l'UE sont là».
l’Afghanistan une meilleure "gouvernance" sur plusieurs aspects : lutter contre la production du pavot, contre la corruption - plus que ça n’a été fait -, renforcer l’État de droit, (...). Et cela prendra du temps (…) Tous les ministres l’ont bien rappelé. Nous sommes en Afghanistan pour de longs temps. »
plusieurs milliards euros par an. (…). Mais nous avons besoin d’une meilleure coordination, pour être sûr d’obtenir un effet que nous voulons ».
NGV
(1) Je préfère ce terme à celui de talibans qui recouvre tellement de réalités qu'il n'en est plus exact. On peut remarquer aussi la présence de
ces rebelles maintenant dans le Nord, ce qui confère une certaine extension du pouvoir de nuisance hors des bastions habituels de la rébellion.(2) Décompter les victimes d'une action violente (attentat ou bombardement) est toujours très délicat. Selon les informations de l'AFP, après avoir affirmé que toutes les victimes étaient des "talibans", l'Alliance atlantique a confirmé qu'il n'y avait pas que des talibans. Puis le gouvernement afghan a parlé de 90 victimes (tués et blessés) dont de nombreux civils, ajoutant que c'est "inacceptable". Dimanche matin, le gouverneur de la province citait un bilan plus précis : 54 tués - 48 hommes "armés" (ce qui n'est pas tout à fait pareil que des "talibans") et 6 civils (dont un enfant) -, et 15 blessés - dont 2 "talibans". Ce qui confirme peu ou prou le premier bilan.
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