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Libye, Mali, Algérie… les fâcheries s’accumulent. Barkhane s’enrhume

(B2) Les propos du président français Emmanuel Macron se succèdent selon le même rituel : taper fort, provoquer, faire les titres et attendre les réactions pour tenter de faire bouger les lignes. Au rythme actuel, le risque est cependant bien réel de voir les auteurs acteurs présents sur place en profiter. Ca passe ou ça casse

La guerre perdue de la Libye

Avec la Libye, les relations ne sont pas au beau fixe. Paris a choisi de soutenir le camp Haftar — aux côtés de la Russie — contre le gouvernement reconnu par la communauté internationale de Tripoli. Haftar n'a pas réussi à l'emporter. Un échec militaire. Son adversaire n'a pas vaincu totalement. Mais soutenu par la Turquie, il a réussi à casser l'offensive et reprendre l'initiative.

Une situation compliquée au Mali

Avec le Mali, les relations sont de plus en plus délicates depuis le premier coup d'état et encore plus depuis le second. Paris maintient pratique l'invective le gouvernement de Bamako. « Le premier ministre malien est l’enfant de deux coups d’État. Donc la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle » lâche Emmanuel Macron fin septembre sur RFI (lire : Carnet 02.10.2021). Ce qui va placer très vite les militaires dans une position difficile : comment maintenir une force militaire dans un pays en critiquant vertement son gouvernement, même considéré comme non légitime ?

La critique de la nation algérienne

Alors que le travail de mémoire sur la guerre d'Algérie a été engagé courageusement, le président tape non seulement sur ses dirigeants, mais aussi sur le pays. Recevant des petits enfants de la guerre d'Algérie, le 30 septembre, Emmanuel Macron dénonce « une rente mémorielle » du pouvoir contre la France. Il s'interroge surtout sur « la construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? » comme le rapporte Le Monde qui a assisté à la rencontre. Un propos qui provoque l'étonnement des historiens et la colère à Alger. L'Algérie rappelle son ambassadeur à Paris et, surtout, interdit aux avions militaires français le survol de son territoire (ce qui provoque un détour pour les avions se rendant au Mali ou au Niger).

Une situation de plus en plus compliquée

Pour la France qui prétend stabiliser le Sahel, l'équation va commencer à devenir très vite compliquée. Et pas seulement au plan logistique. Comment mener une intervention militaire, sans les deux pays clés que sont la Libye et l'Algérie, en termes d'hinterland du conflit malien. L'Algérie qui a hébergé les seules négociations de paix existantes jusqu'à ce jour, et a donné un coup de main aux forces françaises dans le Nord du Mali (en leur octroyant un ravitaillement en pétrole).

Un chemin tracé pour les adversaires de la France

Dire son fait aux gens de façon brutale est intéressant. Cela provoque le débat, au point de vue journalistique ou doctrinal. Au niveau politique, c'est moins évident. Pour reprendre la formule usitée à l'égard de François Hollande : « Un président peut-il dire ça ? ». On voudrait faciliter le travail des Russes — qui cherchent à reprendre leurs marches africaines anciennes — et à la Turquie — qui veut s'y établir — qu'on ne s'y prendrait pas autrement. La France a déjà perdu toute emprise sur le conflit syrien. Elle a dû s'effacer sur le conflit libyen devant l'Allemagne qui a repris le flambeau de la négociation. Elle risque demain la même gifle au Sahel ou au Maghreb.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Une franchise à contours variables. Bizarrement, la critique de la nation ou de l'État de droit cède d'ailleurs le pas avec certains pays. Rien sur l'Égypte (où un coup d'état a aussi porté au pouvoir le maréchal Abdel Fattah al-Sissi), peu de choses sur le Tchad (avec un coup d'état, lire : Deux semaines après la mort d’Idriss Deby, le Tchad toujours au bord du précipice). Quant à la Russie, Paris reste sur une position traditionnelle française, équidistante entre la critique et l'amitié. Une position traditionnelle qui a traversé les gouvernements et les époques depuis la Seconde guerre mondiale. On peut ainsi avoir des élections, emportées toujours par le même personnage, Vladimir Poutine, qui alterne les postes de direction de président / premier ministre, en contournant allègrement la Constitution, sans que cela suscite un froncement de sourcils. 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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