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Conseil européen, Commission, Haut représentant… Les candidats au ‘top chef’ de 2019 ?

(B2) A l'heure où le casse-tête du Brexit résonne dans toutes les têtes, s'intéresser aux possibles têtes de l'Europe de demain parait illusoire. « Il est beaucoup trop tôt » m'ont ainsi confié plusieurs acteurs, diplomates et observateurs patentés de la scène européenne, que j'interrogeais...

Donald Tusk au Conseil européen comme Jean-Claude Juncker à la Commission européenne vont quitter la scène européenne. Qui pour les remplacer ? (crédit : Conseil de l'UE)

Et, pourtant... tout le monde y pense ! D'ici juin ou juillet 2019, au plus tard, il faudra en effet avoir choisi un président de la Commission européenne. Ce qui va enclencher en cascade le choix des autres têtes européennes, à commencer par son alter ego, le président du Conseil européen, le ou les présidents du Parlement européen, ainsi que le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère (1).

A la Commission européenne

Le prétendant officiel est Manfred Weber, candidat du parti populaire européen. Il revendique, si son parti arrive en tête lors des élections européennes (comme cela semble être toujours le cas dans les sondages), de présider la Commission européenne. Un destin logique qui se heurte à trois problématiques : certains membres du Conseil européen ne semblent pas décidés à promouvoir ce système des SpitzenKandidat ; l'homme qui a certaines qualités ne correspond pas aux critères non écrits à ce poste ; il est le représentant d'un parti, ce qui peut entraîner certains clivages au moment du vote au Parlement européen (lire : Que cache la candidature de Manfred Weber à la Commission ?). Son destin naturel le conduirait donc plutôt à briguer la présidence du Parlement européen.

Le challenger possible est le Français Michel Barnier qui a pour lui de nombreux avantages, un profil bien connu des chefs d'Etat et de gouvernement, comme du Parlement européen, des amitiés et des réseaux qui vont au-delà de sa chapelle politique, un vrai profil européen comme on les aime à Bruxelles (lire : Michel Barnier à la présidence de la Commission européenne ?). Encore faut-il que Emmanuel Macron, seul décideur en son âme et conscience en matière de poste à la Commission européenne le veuille. Si la France 'veut le poste', « il sera difficile de lui refuser » indique un fin observateur consulté par B2.

La candidature de Margrethe Vestager, un temps évoquée (surtout par quelques éléments de La république en marche), semble peu réaliste... aujourd'hui. La Danoise n'a pas vraiment le soutien de son gouvernement, premier critère pour ce poste. Elle a les handicaps de son pays, qui ne participe pas à toutes les politiques européennes. Enfin, elle n'appartient pas au parti majoritaire (PPE) au plan européen, puisqu'elle émarge au parti social-libéral danois (RV). Rideau... Lire : La fin du rêve Vestager à la tête de la Commission 2019 ?

La présidence du Conseil européen

Au Conseil européen, c'est le nom de Mark Rutte, qui revient régulièrement comme une antienne. Le Premier ministre néerlandais (Libéral) pourrait reprendre le rôle d'intercesseur et de modérateur des chefs d'Etat et de gouvernement. Encore faut-il qu'il veuille quitter son poste national... et que les autres chefs d'État et de gouvernement le veuillent. Le rôle de père fouettard des Pays-Bas que ce soit dans la crise monétaire sur le rôle de l'Euro 'fort' ou vis-à-vis des pays d'Europe de l'Est, en indélicatesse avec certains chapitres de l'Etat de droit, et son positionnement pour le moins adepte du moindre engagement européen, pourrait l'exposer à quelques vetos 'clairs' ou discrets, l'empêchant toute candidature. Chances : 1 sur 4.

Un challenger possible est la Lituanienne Dalia Grybauskaite (-). Adepte du franc parler, bonne connaisseuse de certains dossiers européens — elle a géré le portefeuille de l'Agriculture —, elle a quelques avantages : être une femme, représenter l'Europe de l'Est, et ne pas être encartée dans un parti politique. Même si elle n'est pas très éloignée des chrétiens-démocrates, elle a souvent dû gouverner en cohabitation avec un gouvernement formé de sociaux-démocrates, paysans et verts. Quoi de plus éclectique. De plus, elle est disponible, car son mandat de président (non renouvelable) se termine en mai. D'une certaine façon, elle incarnerait une certaine continuité avec Donald Tusk. Adepte du franc-parler, elle a toujours le mot juste quand elle arrive dans les réunions du Conseil européen. Ce qui l'assure d'une certaine célébrité dans la presse. Encore faut-il qu'elle veuille. Aux dernières nouvelles, l'intéressée a dénié être candidate. Mais ce genre de déni cède rapidement. Score : 2 sur 4.

Autre candidat possible, le Finlandais Juha Sipilä du parti du centre (Kesk / ALDE) pourrait se retrouver rapidement disponible si son parti subit une défaite aux législatives. Il a l'avantage de venir d'un pays 'modeste', situé aux confins de la Russie, donc bien averti des risques et des menaces de la nouvelle configuration à Moscou, d'être membre de l'Euro et d'avoir joué un rôle non négligeable et positif dans la crise migratoire. Il est bien vu à Paris comme à Berlin, ce qui n'est pas un désavantage. Il est discret, mais très présent dans les jeux européens. Score : 2 sur 4.

Enfin, le Belge Charles Michel (Libéral / ALDE) pointe le bout de son nez dans la sphère européenne, en 'roue de secours' d'une possible non reconduction à la tête du gouvernement belge après les élections générales de mai prochain. L'article du quotidien Le Soir le mentionne expressément. Même si le Premier ministre belge n'a pas jusqu'à présent montré d'appétence spécifique pour les dossiers européens, il s'y montre plus intéressé que son prédécesseur Elio di Rupo. Si on peut avoir du mal à y croire, il faut toujours se méfier des Belges quand leurs yeux frétillent. Ils n'ont pas leur pareil pour arriver à leurs fins (cf. le précédent de Herman Van Rompuy). Score : 1 sur 4.

Le poste de chef de la diplomatie européenne

Comme Haut représentant de l'UE, c'est l'inconnue totale. Les potentiels candidats pour succéder à Federica Mogherini au poste de Haut représentant le 1er novembre prochain ne se bousculent plus vraiment au 'portillon'. Pour plusieurs 'grands' pays (France, Italie, Pays-Bas...), le poste n'a pas vraiment d'intérêt, car le Haut représentant est trop occupé par les affaires étrangères, et peu disponible sur les sujets 'économiques' ou de politique intérieure, compétences primaires de la Commission européenne. B2 a fait le tour des candidats potentiels ou éventuels, dans un papier soupesant les avantages et handicaps de chacun (lire : Commission 2019. Les candidats au poste de Haut représentant ne se bousculent pas. Six noms possibles et éventuels ?).

L'actuelle ministre allemande Ursula von der Leyen (CDU/PPE) a fait son temps à la tête de la Défense allemande. Et celle qui a été, un temps, perçue comme une possible rivale de Angela Merkel n'a plus d'espoir de ce côté-là. Un nouvel avenir européen lui permettrait de rebondir sur un terrain, les affaires européennes, où elle est à l'aise et a obtenu certains résultats. Le Slovaque Miroslav Lajcak (S&D) ne dédaignerait pas non plus revenir dans la sphère européenne après son mandat à la présidence de l'OSCE. Mais le champ d'action plus limité de la diplomatie slovaque lui ouvrirait davantage le poste d'un commissaire / haut représentant adjoint, chargé de l'élargissement et du voisinage. Un candidat espagnol pourrait aussi faire irruption, Josep Borrell (S&D) le cas échéant. Mais son âge pourrait être un sérieux handicap. Et un autre / ou une autre espagnole pourrait être choisie. Ce qui correspond à la volonté de Madrid de s'imposer sur la scène diplomatique.

Quelques challengers ont été évoqués. Mais ils ne remplissent pas vraiment tous les critères. C'est le cas du SpitzenKandidat social-démocrate, Frans Timmermans qui a le même handicap que M. Vestager : il n'est pas soutenu par son gouvernement. Le Belge Didier Reynders (Libéral) aurait pu être un excellent Haut représentant. Mais il a annoncé cette candidature pour le poste de secrétaire général au Conseil de l'Europe. La Suédoise Margot Wallström (S&D) aurait pu également se profiler. Elle remplit une bonne partie des critères (expérimentée, sociale-démocrate et femme). Mais, comme pour Josep Borrell, son âge pourrait être un handicap. Sauf à reprofiler le poste de Haut représentant dans une dimension plus politique et moins coureur du globe. Sujet à suivre...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire notre dossier N°67. Elections européennes 2019

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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