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Le Parlement revendique un rôle accru

Élu au suffrage universel depuis 25 ans seulement, le Parlement européen a acquis un rôle désormais incontournable. Si les rapports avec les deux autres institutions, Commission européenne et Conseil des ministres, les points de friction ne manquent pas.

(archives B2) Au fil des traités successifs (Acte unique, Maastricht, Amsterdam), le Parlement européen a obtenu des pouvoirs accrus. Les représentants des citoyens votent désormais la plupart des lois européennes et peuvent les amender. Ce pouvoir de " codécision " avec le Conseil des ministres n'est pas une simple clause de style. Bien souvent, observe Yves Pietrasenta, député Vert, « les amendements qu'on dépose passent. C'est un travail de fourmi, mais les fourmis font des cathédrales ».

Les moyens de pression des eurodéputés

Couramment, avant le vote, une négociation informelle s'engage entre le député rapporteur du dossier et le ministre compétent pour examiner, article par article, les points d'accords possibles. Le texte peut alors être adopté sans navette supplémentaire. Le Parlement a des moyens de pression, à commencer par l'arme suprême : le droit de veto. Il peut l'apposer en dernière lecture s'il ne s'estime pas satisfait. Le rejet final de la directive sur les services portuaires, en novembre dernier, du règlement sur les OPA auparavant, a contraint la Commission européenne à plancher sur un nouveau texte.

Deuxième moyen de pression : la discussion du budget et surtout le contrôle de son exécution. Sous la férule de Diemut Theato (chrétienne-démocrate allemande), la commission de contrôle budgétaire n'a pas épargné durant cette législature les commissaires concernés. Neil Kinnock ou Michaele Schreyer peuvent témoigner de quelques mauvais quarts d'heure notamment lors de la découverte de fraudes à l'Office européen de statistiques.

Troisième moyen de pression : la justice. Les points de friction, essentiellement avec le Conseil des ministres, ne manquent pas. Le Parlement reste, en effet, simplement consulté sur des affaires aussi sensibles que les questions sociales, de fiscalité ou de justice. Les députés n'hésitent donc plus à saisir désormais la Cour de justice européenne au nom de la sauvegarde des libertés publiques et des droits de l'homme. Une requête en annulation a ainsi été déposée en décembre contre la directive sur le regroupement familial. Même sanction pour la signature d'un accord avec les États-Unis sur la transmission de données personnelles des passagers de compagnies aériennes.

Bras de fer

« Nous partageons l'impératif de la lutte contre le terrorisme, mais nous ne sommes simplement pas convaincus que brider des libertés y concourt », justifie la libérale néerlandaise, Johanna Boogerd-Quaak. Le Parlement a même carrément refusé de donner son avis sur un autre texte, légitimant des vols charters pour expulser les étrangers en situation irrégulière, bloquant ainsi toute la procédure. Notre rôle « n'a pas été pris au sérieux », explique Adeline Hazan (PS). Sans attendre le résultat de son avis, le Conseil des ministres européens avait, en effet, déjà entériné, un projet de texte. Ce bras de fer n'est pas près de se terminer, le projet de Constitution actuellement sur la table ne donnant pas vraiment de pouvoirs supplémentaires au Parlement dans ces matières.

(Nicolas GROS-VERHEYDE) - Paru dans Ouest-France, mai 2004

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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