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Afghanistan, une “guerre compliquée” à l’issue incertaine

 

L'Amiral Guillaud (crédit : Ministère Français de la Défense)

(BRUXELLES2) La France va renforcer ses effectifs en Afghanistan, passant de 3750 soldats à 4000avec le déploiement d’une OMLT et d’instructeurs supplémentaires, a confirmé l'Amiral Guillaud, lors d'une audition au Sénat (français) le 2 juillet. Audition intéressante quand on en lit le compte-rendu. Le chef d'Etat-Major des armées ne se cache pas derrière son petit doigt: c'est une guerre, difficile complexe, meurtrière, sans bataille décisive. Et l'évaluation ne pourra pas se faire fin 2010 comme prévu mais plutôt à l'été 2011. C'est-à-dire à la date envisagée, coté américain, pour les premiers retraits. On est loin, ici, des communiqués triomphalistes de l'OTAN d'il y a quelques mois.

Une guerre difficile, complexe, meurtrière

C'est une « opération difficile » a reconnu l'Amiral Guillaud. « L’Afghanistan pour nous, militaires, c’est une guerre compliquée, une guerre, meurtrière, une guerre inscrite dans la durée. Les soldats à (chaque) sortie sont harcelés par les tirs ou les IED insurgés. Nous recensons en moyenne 5 à 7 accrochages par semaine. Elle est compliquée parce qu’elle nous oppose à un ennemi invisible et prêt à tout, un ennemi dont la règle est l’absence de règle. Elle est d’autant plus compliquée que nous ne voulons pas de dommages collatéraux qui font le jeu des talibans. C’est pour cela que nos règles d’engagement et d’ouverture du feu sont particulièrement encadrées. Plus des trois-quarts des victimes civiles sont le fait des insurgés ! Elle est meurtrière aussi : depuis 2002, ce sont 44 de nos soldats qui ont donné leur vie pour que la population afghane retrouve la paix, 8 depuis le début de l’année. Cette guerre enfin, est une guerre de patience et de persévérance : patience et persévérance de nos hommes sur le terrain, persévérance aussi des afghans, patience des opinions publiques occidentales. »

Sans bataille décisive

L'Amiral reconnaît ainsi qu'en Afghanistan, « la « décision militaire » ne sera pas suffisante. Il n’y aura pas de bataille décisive qui emportera la décision de façon définitive. Gagner en Afghanistan, c’est donner confiance aux Afghans dans leurs institutions, c’est séparer la population des insurgés et faire comprendre à ces derniers que leur action est vaine. Il faut d’abord gagner « la bataille des perceptions ».

2010, une année charnière...

« 2010 est une année charnière, « critical » pour reprendre l’expression du général Mac Chrystal : d’abord pour le gouvernement afghan, la Jirga de paix du mois dernier a réuni 1600 participants - dont 20% de femmes – sélectionnés par le gouvernement. Aucune délégation de l’insurrection armée n’était officiellement représentée. Ne nous leurrons pas, cette Jirga avec sa résolution finale en 16 points n’apporte pas d’avancée concrète. Mais sa portée est éminemment symbolique : le président Karzai obtient un consensus national qui le mandate pour sa politique de réconciliation. La conférence de Kaboul en juillet sera l’occasion de mesurer la détermination du gouvernement afghan et d’apprécier les premières initiatives de sa politique de « réconciliation ».

Pas de véritable bilan à l'automne, plutôt à l'été 2011

Et l'Amiral de poursuivre, 2010 « c’est aussi une année charnière pour la coalition, les résultats du « surge » (augmentation importante mais raisonnée des effectifs) sont attendus. Le général Petraeus appliquera la même stratégie que son prédécesseur, le général McChrystal. Mais, il apparaît de plus en plus évident qu’il sera difficile d’avoir un bilan consolidé à l’automne, pour la conférence de l’OTAN à Lisbonne. C’est mon avis. L’été 2011 pour évaluer les premiers effets de ces opérations me semble plus réaliste. J’espère que cette évaluation sera positive ! »

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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