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“Discours de guerre” de Winston Churchill



(BRUXELLES2) Riche idée que les éditions Tallandier (collection Texto) ont eu de rééditer les discours de Winston Churchill, en édition bilingue (anglais – français), s’il vous plait. Avec une petite introduction, forte utile à chaque fois, rédigée par Guillaume Piketty. L’édition bilingue est savoureuse. Car sa langue maternelle, Churchill la manie simplement, avec des mots précis et clairs. Le ton paraît ainsi parfois plus direct ou abrupt qu’en français. Et certaines des phrases prononcées peuvent prendre tout leur sens, en ce 70e anniversaire du déclenchement de la 2e guerre mondiale. Ainsi ce discours prononcé à la Chambre des Communes, le 3 septembre 1939, lors de la déclaration de guerre. « Il ne s’agit pas de se battre pour Dantzig ou de combattre pour la Pologne. Nous nous battons pour préserver le monde entier de cette peste qu’est la tyrannie nazie et pour défendre ce que l’homme a de plus sacré. Il ne s’agit pas d’une guerre pour la domination, pour l’agrandissement de l’empire ou pour un profit matériel ; il ne s’agit pas d’une guerre qui priverait une nation de sa lumière ou l’écarterai du progrès. Il s’agit essentiellement, d’une guerre destinée à établir et restaurer la dignité de l’homme. »

Du sang, des larmes. Le tory Churchill, partisan d’une politique de fermeté contre l’Allemagne, vient d’accepter de rentrer dans le gouvernement de Neville Chamberlain, à qui tout l’oppose. Celui-ci lui propose cependant de retrouver le poste de Premier lord de l’Amirauté – qu’il avait occupé entre 1911 et 1915. Et le nouveau ministre a cette phrase, restée dans l’histoire, et reprise par d’autres ensuite : “Winston is back“. Ou ce discours du 13 mai 1940 quand il vient d’être nommé Premier ministre: «Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur».

La bataille est perdue.
Quelques jours plus tard, le 19 mai, alors que le corps d’armée du général allemand Guderian vient d’enfoncer les forces françaises sur la Meuse, et que la “bataille fait rage en France et dans les Flandres“, il a cette phrase « Notre tâche n’est pas seulement de gagner cette bataille mais de gagner la guerre » – parole reprise dans une autre tournure par De Gaulle un mois plus tard. Mais ces discours, ce ne sont pas que des phrases. C’est aussi l’histoire que nous avons parfois tendance à oublier comme cette parole : « j’ai reçu des dirigeants de la République française (…) l’assurance sacrée que, quoi qu’il arrive, ils se battront jusqu’à la fin, qu’elle soit amère ou glorieuse. » Cette parole ne sera pas tout à fait tenue… Mais il garde confiance aux Français.

Que Dieu protège la France.
Dans un discours prononcé le 14 juillet 1940, plutôt pessimiste, il dresse une vraie ode à la France: « Certains d’entre nous vivront assez pour voir un 14 juillet où la France libérée se réjouira à nouveau dans sa grandeur et sa gloire, et se dressera à nouveau comme le champion de la liberté et des droits de l’homme. Quand cette aube se lèvera, car elle se lèvera, l’âme de la France se tournera avec compréhension et reconnaissance vers ces Français et ces Françaises, où qu’ils soient, qui, à l’heure la plus noire, n’ont pas désespéré de la République. » Il développera la fibre francophile qui l’anime le 21 octobre 1940 dans un “Dieu protège la France” vibrant avec ces mots « Français, reprenez vos esprits avant qu’il ne soit trop tard ! ».

Des moments tragiques avant le dénouement. Mais le 20 août 1940, c’est le décompte sauvage des pertes : « 92 000 tués, blessés, prisonniers et portés disparus, civils inclus »… De quoi faire frémir. Et l’histoire se déroule au fil des discours : l’Alliance avec la Russie, les temps funestes de 1941 et 1942, avec son maître mot « N’abandonnez jamais », puis la période 1943-1944, plus heureuse, mais qui reste terrible. « Le prix du sang pour la libération », rappelle-t-il le 28 septembre 1944, « Il n’existe pas de mot pour traduire l’horreur » le 19 avril 1945 après la découverte de l’étendue des camps de concentration. En passant par les moments clés : le Jour J, le 6 juin 1944, la
conférence de Yalta et la question de la Pologne, en février 1945 ou la capitulation et la paix, le 8 mai 1945… A lire absolument et à relire.

(éditions Taillandier, collection Texto,  410 p., 12 euros)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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