[Portrait] Berlusconi, cet Européen atypique
(B2) Le décès de Silvio Berlusconi, lundi (12 juin), boucle une époque de la vie politique italienne, faite de frasques et démêlés judiciaires, mais aussi d'une partie de la vie européenne. Parfois malgré lui. Quelques souvenirs de ses passages à Bruxelles et Strasbourg
La mise sur orbite de Martin Schulz
Quand il arrive ce 2 juillet dans l'hémicycle de Strasbourg, pour présenter les priorités de la présidence italienne de 2003, Silvio Berlusconi est en forme. Il exulte, prenant en main la destinée de l'Europe. Mais face aux attaques de plusieurs eurodéputés — le libéral britannique Graham Watson, l'écologiste italienne Monica Frassoni etle social-démocrate allemand Martin Schulz, il lance à ce dernier : « Je sais qu’un producteur en Italie est en train de préparer un film sur les camps de concentration nazis. Je vais vous proposer pour le rôle de kapo. » Et d'ajouter, tout sourire au milieu de quelques applaudissements, et d'un silence gêné : « Vous serez parfait ! ».
Son vice-premier ministre Gianfranco Fini, chef de l'Allianza Nationale, assis à ses cotés se renfrogne. Il a perçu la bourde immense du chef. Mais quelques minutes plus tard, Berlusconi persiste et signe. « M. Schulz m’a gravement offensé sur le plan personnel, en gesticulant et en utilisant un ton qui est inacceptable dans un Parlement comme celui-ci. Je me suis exprimé sur le ton de l’ironie. Si vous n’êtes pas capables de comprendre l’ironie, j’en suis désolé. Mais je ne retire pas ce que j’ai dit, de manière ironique, si M. Schulz ne retire pas les insultes personnelles qu’il m’a adressées. »
Cela déclenchera une crise entre Rome et Berlin. Le chancelier allemand Gerhard Schroeder exigera des excuses de l'Italie. Accessoirement, cela lance la carrière de l'eurodéputé SPD, jusqu'à là parfaitement inconnu. Il prendra la tête du Parlement européen dix ans plus tard, durant deux mandats consécutifs de deux ans et demi, de 2012 à 2017.
L'écheveau de la Constitution européenne
Le travail mené sous la présidence italienne de 2003 pour aboutir à la Constitution européenne avait fait s'arracher les cheveux des diplomates les plus placides. Le dirigeant de Forza Italia menait en effet des entretiens en confessionnaux avec les uns et les autres des dirigeants européens. Mais parfois sans assistant pour prendre les notes et enregistrer la teneur des conversations, en promettant un peu tout et n'importe quoi. Il avait fallu alors quelques semaines à la présidence suivante, l'Irlandaise pour démêler l'écheveau et remettre sur pied la négociation.
Une constante : la défense européenne
En matière d'Europe de la défense, point souvent oublié de la biographie du dirigeant de Forza Italia, il était partisan d'une armée européenne. Et de façon constante.
(Nicolas Gros-Verheyde)