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Blacklisté par les Chinois, l’eurodéputé Michael Gahler témoigne

(B2) C’est l’un des dix Européens, dont cinq eurodéputés, mis sur la liste noire des autorités chinoises. En représailles aux sanctions décidées par l’Union européenne lundi (22.03) pour les violations des droits de l’homme dans la région du Xinjiang. Une surprise, mais pas tant…

Michael Gahler a été reçu hier (lundi) par le président du Parlement européen, David Sassoli, avec d’autres députés européens inscrits sur la liste noire de la Chine. (crédit : Parlement européen)
  • Député européen depuis 1999, l’Allemand Michael Gahler (PPE/CDU), est coordinateur pour le parti chrétien-démocrate (PPE) à la commission des Affaires étrangères.

Pourquoi pensez-vous êtes plus précisément ciblé ? 

Outre mon engagement constant en faveur de la démocratie et des droits de l’homme et la dénonciation des déficits respectifs en Chine, ma position de président du groupe d’amitié avec Taïwan au Parlement européen aura probablement aussi joué un certain rôle.

Ces sanctions vous surprennent-elles ? 

Je ne m’attendais pas à être la cible des représailles chinoises, mais je ne suis pas fondamentalement surpris par les sanctions elles-mêmes. Cependant, il y a pire que d’être interdit d’entrée dans le pays par un gouvernement qui maintient un million de personnes dans des camps de travail forcé, simplement parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pense notamment aux gens qui sont retenus dans le pays et emprisonnés comme otages politiques, comme le citoyen suédois Gui Minhai ou les deux Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.

Avez vous déjà été menacé de près ou de loin par les autorités chinoises au titre de vos activités de parlementaire ? 

Je suis pratiquement sûr que les Chinois me surveillent, notamment dans le cadre de mes activités de défense de Taïwan. Mais je n’ai jamais été directement menacé.

Pourquoi pensez-vous qu’ils vous surveillent ?

Les méthodes de travail des services de surveillance chinois sont bien connues. Je suppose que ces méthodes seront également utilisées contre nous, Européens, chaque fois que les dirigeants chinois verront leurs intérêts menacés. Nos paroles franches et nos critiques justifiées à l’égard des violations des droits de l’Homme commises à l’encontre de leurs propres citoyens et de la menace militaire pesant sur les États voisins ne sont évidemment pas familières aux dirigeants de Pékin et ne sont pas les bienvenues – mais c’est précisément la raison pour laquelle nos paroles sont nécessaires.

Avez-vous le souvenir de sanctions ayant déjà visé des députés européens? 

Je me souviens de deux cas où des députés européens ont été la cible de sanctions étrangères. Dans le premier cas, peu après le tournant du millénaire, le Zimbabwe a sanctionné plusieurs députés européens, dont moi-même, pour avoir critiqué les élections parlementaires et présidentielles dans ce pays. Le deuxième cas que je connais s’est produit en 2014, lorsque la Russie a imposé des sanctions aux députés européens en réponse aux sanctions de l’UE liées à l’annexion illégale de la Crimée.

Le Parlement européen se réunit demain (mercredi) et jeudi. Doit-il marquer le coup ? Et comment ?

Notre session plénière ne devrait pas être perturbée par la réaction excessive des dirigeants chinois. Le Président du Parlement a déjà condamné lundi les mesures chinoises comme étant injustifiées et inacceptables. Nous évoquerons la nouvelle situation en temps utile dans nos organes compétents, tels que la commission des affaires étrangères, la commission du commerce ou la délégation pour les relations avec la République populaire de Chine.

(Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser)

Échange par courriel, en français, entre lundi et mardi 22 et 23 mars

Emmanuelle Stroesser

Journaliste pour des magazines et la presse, Emmanuelle s’est spécialisée dans les questions humanitaires, de développement, d’asile et de migrations et de droits de l’Homme.