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Jurisprudence

Laurent Gbagbo subit une défaite à la Cour de justice de l’UE

(BRUXELLES2 à Luxembourg) La Cour de justice de l'UE a, ce mardi (23 avril), rejeté les pourvois de l'ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, et de certains de ses proches (*) contre les sanctions européennes mises en place après les élections ratées de l'automne 2010. La victoire de Alassane Ouattara aux élections du 28 novembre 2010 n'avait pas été reconnue par Laurent Gbagbo et les siens. Et un nouveau cycle de violences s'était enclenché. L'Union européenne avait, alors, décidé de prendre des sanctions propres (gel des avoirs et interdiction de visas) contre l'ancien président ivoirien et plusieurs de ses proches.

Les juges réunis en Grande chambre - une des formations les plus solennelles de la Cour - ont estimé que les arguments des plaignants, notamment le non-respect des délais de procédure et de la force majeure n'étaient pas acceptées. Ils ont ainsi entériné la décision du tribunal de première instance du 13 juillet 2011 déclarant irrecevables leurs recours même s'ils ont corrigé une « erreur de droit ». Ils n'ont, en revanche, pas suivi les conclusions de l'avocat général Cruz Villalón qui recommandait à la Cour d’annuler les ordonnances du Tribunal et de lui renvoyer ces affaires pour qu’il statue sur la recevabilité des recours, estimant qu'il aurait dû avoir « une plus grande conscience des principes constitutionnels en jeu, et notamment du principe du droit de la défense ».

Le délai de recours est impératif

La publication d'un avis vaut-elle communication individuelle ? C'était en gros la première question à laquelle devaient répondre les juges.

On sait que la décision "sanctions" sur la Cöte d'Ivoire prévoit « la possibilité d’une communication par la publication d’un avis dans les cas où l’adresse de la personne concernée n’est pas connue du Conseil ». Un avis avait ainsi été publié au Journal officiel, respectivement les 18 janvier et 7 avril. Et les juges n'entendent pas remettre en cause cette procédure palliative. « De tels avis sont de nature à permettre aux personnes concernées d’identifier la voie de recours dont elles disposent pour contester leur inscription sur les listes en cause ainsi que la date d’expiration du délai de recours » rappelle la Cour se référant à un jugement précédent, dans l’affaire Bamba (arrêt du 15 novembre 2012, C-417/11 P).

L’erreur du tribunal a été de considérer que le délai commençait à la date de la publication au JO de la décision de sanction et non de l’avis d’information. Mais dans les faits cela revient au même. « Même si le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les délais de recours commençaient à courir à compter des dates de la publication des actes litigieux, ces délais étaient expirés le 7 juillet 2011, date de l’introduction des recours », constate la Cour.

Pas de cas de force majeure

La Cour rejette également l'argument des plaignants et consorts qui estimaient que la situation de conflit qui régnait en Côte d'Ivoire les empêchait de recevoir une notification de la sanction. Les juges estiment qu'on ne peut faire valoir, « de manière générale », la situation de conflit armé pour empêcher les délais de courir. Il faut « présenter (des) éléments permettant de saisir en quoi, et pendant quelle période précise, la situation générale de ce conflit et les circonstances personnelles invoquées les (ont) empêché d’introduire leurs recours en temps utile. » Ce que n'ont pas fait les plaignants. La finalité même d'un délai de recours est de « sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit » rappelle la Cour. Et celui-ci doit donc être interprété strictement.

La Cour n'a ainsi pas directement répondu à l'argument présenté par les juristes du Conseil estimant qu'il n'y avait pas de cas de force majeure. Car « la crise postélectorale en Côte d’Ivoire et la violence associée à cette crise auraient été provoquées par le refus de M. Gbagbo et de ses collaborateurs de céder le pouvoir au président élu. Ces circonstances ne seraient dès lors pas étrangères aux requérants ». NB : la définition de la force majeure communément admise est la « réalisation d’un événement étranger à la personne qui veut s’en prévaloir ».

(*) Avaient fait un recours : Pascal N’Guessan (ancien Premier ministre), Alcide Djédjé (proche conseiller), Katinan Justin Koné (ancien ministre délégué au Budget et à la Participation) et Akissi Danièle Boni-Claverie (ancienne ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant).

Télécharger l'arrêt C-478/11 et autres

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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