Des conclusions « défense » en forme de feuille de route. Au rapport !
(BRUXELLES2) Les conclusions des conseils des ministres sur la défense européenne sont souvent assez rituelles rappelant ce qui a été fait dans l'année et annonçant des décisions prochaines assez courantes : prolongation ou annonce d'opérations, lancement de projets... Un texte souvent administratif et quelque peu ennuyeux (il faut l'avouer). Celles qui viennent d'être adoptées (*) doivent cependant être regardées à la loupe. Car, sous ces dehors rituels, se cache autre chose. Un peu comme une reprise en main de la lente dérive qui avait marqué ces derniers mois, vers une baisse continuelle des ambitions que ce soit en termes d'opérations ou d'outils de gestion de crise.
Du pain sur la planche pour six mois
Il y a d'abord la planification de plusieurs nouvelles opérations situées en Afrique : le renforcement des capacités maritimes dans la Corne de l'Afrique, l'étude d'éventuelles missions au Sahel ou en Libye, la prolongation de l'opération Atalanta, ainsi que le lancement de 11 projets capacitaires par l'Agence européenne de Défense. En reliant, tous les paragraphes, les uns aux autres, elles forment une véritable feuille de route que les Etats membres ont voulu tracer, donnant à la Haute représentante le mandat pour développer et renforcer l'Europe de la défense. Comme l'a expliqué cet après-midi, devant le Parlement européen, l'ambassadrice polonaise au COPS, Beata Peksa-Krawiec, c'est une « politique de petits pas. Et nous avons du pain sur la planche pour six mois ».
Des rapports à la pelle jusqu'à une possible strategic review
Plusieurs rapports d'étape ou dates butoirs pour aboutir à des accords ont, en effet, été fixés : sur les nouvelles missions, les battlegroups, la refonte des procédures de gestion de crises, le mécanisme Athena, l'activation de l'Ops-center, les procédures de génération de force, le renforcement des capacités militaires ...
De façon générale, les 27 ont surtout demandé à la Haute représentante de leur faire un "rapport de progrès" sur tous les aspects de la PSDC en général dans les six mois, « d'ici juin 2012 ». Une opportunité que pourrait saisir la Haute représentante pour faire un état des lieux ambitieux en traçant des perspectives, et des lignes de force, tel un "Livre blanc". Même si le terme n'est pas prononcé, il n'est pas interdit. Et dans la version anglaise "reviewing progress made", on n'est pas loin de la "Strategic review" engagée par les Britanniques pour leurs propres forces.
Une demande croissante d'action européenne
Le contexte est parlant. Il y a une demande croissante pour que l'Union européenne devienne un « acteur stratégique mondial, plus capable et plus cohérent », précisent les conclusions. Les 27 soulignent l'importance de la PSDC « comme un élément essentiel de cette approche globale » et insistent sur les « nécessaires progrès » à accomplir. Ils réitèrent ainsi « le plein engagement pour maintenir les engagements actuels sur les missions en cours de la PSDC » alors qu'ils « envisagent de nouvelles actions de la PSDC ». Il faut utiliser « de manière efficace et activement toute la palette des instruments à disposition dans la prévention des conflits et la gestion de crises ».
Evaluation et valeur ajoutée nécessaires pour les missions de la PSDC
Les 27 endossent la nécessité d'améliorer la performance de la PSDC, notamment à travers l'évaluation des résultats, le 'benchmarking', l'étude d'impact, l'identification et l'application des retours d'expérience (lessons learned) tout comme le développement des meilleures pratiques. Ils fixent aussi ce qu'on peut retenir comme cinq critères à l'utilisation des missions de la PSDC : 1) la valeur ajoutée, 2) sur la base de besoins identifiés, 3) avec des objectifs clairs, 4) des stratégies de sorties, 5) pour aboutir à des résultats durables.
Nouvelles missions : décisions à prendre d'ici la fin de l'année ou début 2012
Les 27 ont demandé à la Haute représentante d'accélérer le travail préparatoire sur l'opération PSDC au Sahel dans l'objectif d'un nouveau rendez-vous fixé « d'ici la fin de l'année (2011) » pour examiner les suites à donner. Ils ont réaffirmé la disponibilité de l'UE à prêter assistance à la Libye, sur un nombre variable de secteurs, notamment la réforme du secteur de sécurité et la gestion des frontières. Des « options pour une possible action de la PSDC » devraient être élaborées début 2012 selon les deux conditions fixées par le SEAE : le principe de l'appropriation par les Libyens et la coopération avec l'ONU. Sur l'opération anti-piraterie Eunavfor Atalanta, n'ayant pu, pour des raisons de procédure, la prolonger jusqu'à 2014, les ministres ont convenu de revenir sur la question début 2012 en vue d'une décision. Quant à la mission de sécurité sur l'aéroport au Sud-Soudan, ils ont pris « note » du travail en cours.
Capacités civiles : un cadre réglementaire de génération de force
Faute d'avoir atteint les objectifs fixés dans les "Headline Goals 2010", les 27 avaient l'année dernière, tout bonnement, décidé d'en repousser l'application. Ils rappellent aujourd'hui combien la « recherche de synergies entre le développement de capacités civiles et militaires » est nécessaire, pour la gestion de crises à l'Européenne, et répondre à la fois aux lacunes existant et à la demande grandissante dans ce domaine.
Ils fixent un délai : au 1er semestre 2012 à la Haute représentante et à la Commission pour ensemble réexaminer les moyens d'améliorer la génération de force « dans un cadre réglementaire solide ». Ils demandent aussi aux Etats membres d'avoir des stratégies plus efficaces permettant l'utilisation de personnels civils, en provenance de différents ministères (Affaires étrangères, Intérieur, Justice, Finances...). Cela passe aussi par « davantage de formations, des incitatifs de carrière... » pour permettre de disposer de personnels motivés et qualifiés pour les missions de la PSDC.
Les contours d'une politique industrielle de défense
La crise frappant, les 27 ont voulu intégrer ces nouvelles contraintes dans le travail capacitaire. Il ne s'agit plus seulement - comme auparavant - de résoudre les lacunes constatées mais de « développer la coopération en matière de capacités militaires sur des bases plus systématiques et à long terme ». Les Etats membres doivent indiquer sur quels projets ils prennent le "lead". La situation sera examinée en avril 2012. Et les 27 rappellent l'engagement pris par les chefs de défense de l'UE d'établir ou d'élargir des projets de coopération d'ici la mi-2012.
Ils veulent ainsi examiner en détail « l'impact de la réduction des dépenses de défense sur les capacités, notamment l'impact possible sur les capacités technologiques et industriels à maintenir et développer en Europe ». L'agence européenne de défense (EDA) sera chargée de ce travail. Et demandent à la Commission comme à l'EDA d'accélérer la recherche de « synergies », notamment en intégrant ces préoccupations dans le futur programme cadre de recherche et technologies à l'horizon 2020.
Amélioration de la réaction de crise : au rapport.
Les 27 ont endossé la création d'un entrepôt permanent pour les équipements civils en 2012 et la redéfinition des procédures. Mais ils aussi demandé à la Haute représentante de plancher sur différents sujets pour améliorer la réaction de crises. Il en sera ainsi sur les battlegroups et leur interaction avec des éléments civils (voir article séparé), rapport attendu au 1er semestre 2012.
Les procédures de gestion de crise, procédures qui datent un peu puisqu'elles remontent à 2003, doivent aussi être revues, estiment les 27, qui demandent à la Haute représentante de faire des propositions, en suivant quelques principes. Il faut avoir des "mandats clairs" et des "capacités renforcées" pour les structures de gestion de crises, notamment entre la CMPD et l'Etat-Major de l'UE (la CPCC n'est pas citée en tant que tel, mais on peut y penser), pour « permettre une planification anticipée, et plus efficace, permettant une prise de décision plus rapide au niveau politique, l'amélioration des échanges d'informations, l'identification de synergies civilo-militaires et une étroite coopération avec les organisations internationales ». On peut préciser que ce travail a déjà été entamé au sein du SEAE. Le général de Kermabon est spécialement chargé de faire une mission d'étude et de proposition.
Rapport sur la coopération avec l'ONU
La coopération internationale notamment avec les structures onusiennes de gestion de crises a aussi été examinée, les 27 demandant - là encore - à la Haute représentante de faire des propositions pour des actions concrètes qui devront être prises à la première moitié de 2012. Dans le même sens, ils l'encouragent à continuer ses efforts pour faciliter la coopération entre l'UE et l'OTAN, notamment sur les théâtres d'opérations, où les deux organisations travaillent côte à côté (Afghanistan, Kosovo...). Ils valident ainsi le processus de contacts, notamment entre les différents niveaux des deux administrations.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(*) Texte qui n'est disponible qu'en anglais, pour l'instant. Traduction personnelle.
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