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Juger les pirates : pas dans mon jardin, disent les Européens

(BRUXELLES2, humeur) Alors que les juridictions kenyanes ont rejetté toute compétence pour juger au Kenya les pirates appréhendés en haute mer, notamment ceux pris par les forces européennes (1), il semble devenir urgent pour les Européens d'adopter une position un peu plus courageuse sur le traitement judiciaire des pirates.

Coté européen, c'est pour l'instant le calme plat...

J'avais déjà posé la question dans le passé (2) et publié une analyse sur le sujet (3). J'ai aujourd'hui repris le bâton du pélerin pour tenter de savoir où en était la transposition dans l'Union européenne de la convention de Montego Bay et des résolutions du Conseil de sécurité sur la nécessité de poursuivre les pirates. Résultat : ... c'est la course à la défausse. Chaque direction générale et commissaire continue de rejeter la question sur l'autre. Finalement j'ai posé la question au point presse quotidien de la Commission européenne. Une question qui n'était pas surprise puisque j'avais demandé depuis plusieurs jours une réponse. Et la réponse est... : « on ne sait pas. Nous revenons vers toi dès que nous en savons plus ». En bas des marches, un porte-parole de la Commission s'en tire par une pirouette expliquant qu'il s'agit d'une compétence des Etats membres. Et que la Commission européenne n'a pas de compétences en la matière. Cela revient, en fait, à un aveu d'échec. voilà...

Honnêtement comment peut-on convaincre les Etats africains de changer leur loi pénale, pour transposer la convention de Montego Bay, puis dans un second temps d'accepter de poursuivre les pirates chez eux, si les pays européens ne veulent même pas franchir le début du premier pas, exigé des Etats africains, à savoir : étudier comment se doter d'une loi moderne et conséquente.

Car il faut le rappeler, en haute mer, c'est d'abord la loi du pavillon qui compte - celle du bateau agressé, du bateau agresseur ou du bateau qui a pris les pirates sur le fait. En clair, d'un point de vue juridique, les Etats européens sont tout autant concernés que les Etats africains. D'un point de vue économique, c'est encore plus le cas. Mais c'est politiquement où cela coince.

De quoi parle-t-on ? Il s'agit de mettre en application la convention de Montego Bay et les résolutions du Conseil de sécurité. C'est-à-dire de placer une législation dans chaque Etat membre qui transpose la compétence universelle en matière de piraterie maritime et permette des poursuites selon un droit moderne et non une législation datant des siècles derniers, qui harmonise les procédures pénales (cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme) et évite les conflits de juridiction (négatif ou positif). Concrètement qu'est ce que la piraterie : une prise d'otages et une criminalité organisée.

Les bases juridiques au niveau européen

Contrairement à ce qu'on veut entendre, il y a bel et bien des bases juridiques dans le Traité européen qui permettent d'agir. Notamment les articles 82 (coopération judiciaire) et 83 (prescriptions minimales pénales). L'article 91 (sécurité dans les transports) pourrait être d'application également.

  • Article 83. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de directives conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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