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Ashton revendique un Service diplomatique “autonome”. Détails

(BRUXELLES2) Cathy Ashton, la diplomate en chef de l'UE a fait sa première proposition de texte sur l'organisation et le fonctionnement du Service européen d'action extérieur (SEAE). Ce texte reprend en bonne partie les préceptes dégagés par le rapport de la présidence en septembre dernier (1). Mais le précise, voire s'en détache légèrement sur certains points. Il donne en partie raison au Parlement (2) sur le contrôle budgétaire mais refuse de céder sur l'organisation du service (pas de représentation politique mais un secrétariat général structuré).

Il donne surtout au SEAE les moyens de son action et une certaine autonomie par rapport à la Commission européenne. Maintenant ce texte va certainement être critiqué. Mais il a un intérêt tout aussi certain : permettre au SEAE de sortir des limbes et à la discussion législative de commencer. Au passage, on peut remarquer que Cathy Ashton a respecté le délai pour présenter sa proposition (avant avril). Et que son contenu est plutôt plus ambitieux que ce qu'on aurait pu craindre au départ...

La Haute représentante se donne des marges d'action

De fait, la Haute représentante s'est surtout donné des marges de manoeuvre pour la gestion future du Service, lui conférant une certaine "possibilité d'autonomie". Et s'il y avait un mot qui transcende tout le texte, c'est ce mot là : autonomie budgétaire, autonomie juridique, autonomie dans la gestion du personnel, autonomie des règles de sécurité, etc.

Définition du SEAE

Le SEAE est « un bureau autonome de l'UE, séparé de la Commission et du secrétariat général avec la capacité juridique nécessaire pour accomplir ses tâches et atteindre ses objectifs. » est-il écrit. Il a son siège à Bruxelles et comprend une « administration centrale » et les délégations de l'Union dans les pays tiers et auprès des organisations internationales (NB : les représentations dans les Etats membres restent rattachés à la Direction générale de la communication de la Commission). Le service soutiendra bien entendu le travail de la Haute représentante. Mais il pourra aussi « assister le président de la Commission, la Commission et le président du Conseil européen ».

Autonomie de gestion du personnel

C'est la Haute représentante qui sera l'autorité investie du pouvoir de nomination (et non la Commission ou le Conseil). Ce qui a deux conséquences : sur le choix des personnes recrutées au SEAE et leur statut.

« Toutes les nominations seront faites sur la base du mérite et une base géographique la plus large possible. » On peut remarquer qu'il n'y a pas donc d'engagement à une égalité entre Etats membres, et encore moins de quotas. Une notion réprouvée par Cathy Ashton (2).

• La HR entend rester, d'une certaine manière libre de définir certaines procédures de sélection. Ce sera ainsi à la Haute représentante de « définir les procédures de sélection ». Tout comme ce sera à elle de définir les règles de mobilité et de rotation à l'intérieur du service. Les agents du siège devront périodiquement servir dans les délégations, et vice-versa (comme dans tout service diplomatique classique).

• De façon générale, le statut du personnel de l'UE (fonctionnaires, contractuels et autres contrats) sera pleinement applicable. Tous les agents temporaires seront traités sur le même pied « d'égalité » quelle que soit leur provenance (services diplomatiques des Etats membres ou personnel de l'UE), ce qui implique un aligement non seulement des salaires et des primes (autrement dit un diplomate français ou suédois ne devra pas toucher plus, sous forme d'indemnité diverses, qu'un diplomate bulgare ou letton).

Une structure classique d'un Département d'Etat ou d'un Ministère des Affaires étrangères

Structure du Service

Le SEAE sera administré par un secrétaire général, assisté de deux secrétaires généraux adjoints. Il comprendra un certains nombre de directions générales, organisée à la fois de façon géographique et multilatérale ou thématique. L'essentiel reprend l'organigramme déjà diffusé sur ce site. Un service juridique est institué travaillant étroitement avec le service juridique du Conseil comme de la Commission. La coopération avec la Commission est - à mon sens - un des points les plus délicats pour le SEAE. Il est ainsi précisé que le SEAE prendra « part aux procédures et travaux préparatoires des textes préparés par la Commission dans son domaine ». C'est-à-dire aux procédures inter-services. Le SEAE disposera d'un département de sécurité et de règles propres.

Spécificité des structures de gestion de crise.

Les structures civilo-militaires de gestion de crise voient leur autonomie largement confortée. La CMPD (cellule civilo-militaire de planification), le CPCC (Etat-major civil de crise, l'Etat-Major militaire et le Centre de situation (centre d'analyse et de renseignement) sont placés sous l'autorité directe et la responsabilité du Haut représentant ». Il n'est pas mentionné de façon expresse un rattachement au secrétaire général du SEAE. « Les spécificités de ces structures, aussi bien que les particularités de leurs fonctions, recrutement et statut du personnel sont respectées ». La gestion quotidienne restera faite soit au sein de chaque DG, soit par le secrétariat général.

Partage budgétaire avec la Commission et contrôle du Parlement assuré

Elément clé de cette proposition, le SEAE devra avoir l'autonomie budgétaire nécessaire et considéré comme une "institution", avec une "section spécifique dans le budget de l'UE". Il sera ainsi soumis aux conditions de décharge habituelle. Ce qui, au passage, règle les problèmes antérieurs qui ont opposé le Parlement européen au Haut représentant, Javier Solana, sur certains budgets PESC (3). Pour les instruments financiers, un partage subtil est effectué selon la nature des fonds, diplomatique (PESC...) ou mixte : extérieur/développement/voisinage...).

• Les fonds "diplomatiques" sont sous la haute main de la Haute représentante, mais en tant que vice-présidente de la Commission. Ils sont donc gérés, classiquement, sous le contrôle budgétaire et les procédures "ordinaires" de la Commission. Mais la Vice-présidente en est
seule responsable de A à Z (de la programmation générale à l'usage opérationnel). Il s'agit du : budget PESC, de l'instrument de Stabilité, de l'instrument pour la Coopération avec les pays industrialisés, de la Communication et diplomatie publique et des missions d'observation
électorales.

• Les fonds "mixtes", le SEAE a une compétence partagée avec les commissaires compétents (élargissement ou développement ou autre) pour la programmation des autres fonds extérieurs : Fonds européen du développement (FED) et Instrument de Coopération développement (DCI), Instrument européen de Partenariat et de Voisinage (ENPI), Démocratie et droits de l'homme (EIDHR), Coopération avec les pays industrialisés (ICIC), Coopération pour la sûreté nucléaire. Le SEAE assure ainsi la programmation des trois premières étapes : enveloppes financières globales pour chaque région, "country and regional strategic papers" (CSP/RSP) et "national and regional indicative programmes" (NIP/RIP). Tandis que les deux dernières étapes (allocations nationales et mise en oeuvre) reste de la responsabilité du commissaire. La programmation sera plus étroitement faite en commun avec le commissaire concerné — Développement pour le FED et le DCI, Elargissement pour le INPI — et la proposition budgétaire sera faite "conjointement" au collège des commissaires.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Les grandes lignes du service diplomatique de l'UE approuvées
(2) Le PE dicte ses trois volontés à Cathy Ashton
(3) Le Parlement mécontent du manque de transparence du budget PESC  Télécharger le texte de la proposition

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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