B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages

Analyse BlogDiplomatie UERussie Caucase Ukraine

La neutralité n’est pas une tare

(B2) Comment mettre fin au conflit entre la Russie et l'Ukraine ? Réflexions

Trois solutions : deux militaires, une diplomatique

Pour faire taire le conflit entre l'Ukraine et la Russie, il n'y a pas une série de solutions. Soit engager une force militaire importante avec une aide massive militaire aux côtés des Ukrainiens, ce qui revient à équilibrer les forces et prolonger le conflit. Soit faire adhérer l'Ukraine de façon ultra rapide à l'OTAN, déclencher l'article 5 et envoyer des troupes euro-atlantiques aux côtés forces ukrainiennes. Ce serait le début d'une guerre russo-américaine par Européens interposés. Soit, dernière option : négocier.

Que peut-on "offrir" à la Russie ?

Les deux premières options sont concrètement exclues. Ne reste que la troisième. Pour négocier, et offrir à la Russie de quoi pouvoir retirer ses troupes sans tarder, il faut pouvoir lui offrir une garantie. La garantie de la non-adhésion à l'OTAN n'est pas possible en termes politiques. En revanche, proclamer la neutralité de l'Ukraine ne serait pas impossible et pas anodin sur le cours des évènements. La neutralité n'est pas une tare. Plutôt que l'exemple de la Finlande, si souvent cité, c'est l'exemple autrichien qui devrait être mis en avant.

L'exemple autrichien

Le retrait des troupes soviétiques d'Autriche, effectif en 1955, a été acquis au prix de cette neutralité. Et sa sécurité a toujours été garantie, y compris dans un moment rude, celui de 1956, qui a vu les troupes soviétiques intervenir à Budapest. L'Autriche est aujourd'hui membre de l'Union européenne, c'est un pays stable... et riche. Sa non adhésion à l'OTAN n'est pas un handicap, loin de là. Au contraire, ce serait même un atout. Vienne a toujours été le lieu de rencontres entre l'Est russe et l'Ouest. Encore aujourd'hui, elle accueille les négociations entre les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies (+ l'Allemagne) et l'Iran, pour l'accord sur le nucléaire iranien (JCPOA).

Un renoncement minime

Pour les Ukrainiens, ce serait sans doute une déchirure, mais largement moins que de voir réduit leur pays à feu et à sang par une troupe d'occupation russe. Ou de devoir vivre en permanence sous la menace d'une nouvelle intervention (à supposer que celle-ci se termine). La neutralité proclamée pourrait pousser les forces russes à se retirer, du moins des positions conquises aujourd'hui (1). En soi, face à la guerre, la neutralité est le moindre mal.

Que peut-on "offrir" à l'Ukraine ?

En échange, les Européens pourraient offrir à l'Ukraine une perspective plus claire d'adhésion à l'Union européenne. Non pas en 2030 comme le réclament les Polonais. Mais avec une négociation sur ce qu'on appelle le statut de pays candidat à l'Union européenne. Histoire d'arrimer solidement l'Ukraine au "bloc" de l'Ouest. On aurait ainsi un compromis possible entre une neutralité militaire adoptée par un certain nombre de pays européens (cf. encadré) et un rapprochement économique et politique avec l'Ouest. Ce sera difficile à accepter par les uns et les autres. Mais ce peut être un bel objet de négociation.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. La Crimée semble perdue pour l'Ukraine aujourd'hui. Pour les républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk, cela peut être négociable en échange d'un statut large d'autonomie.

Six pays neutres et non alignés. Dans l'Union européenne, on compte trois pays neutres (Autriche, Irlande, Malte) et trois pays dit non alignés, non membres d'une Alliance militaire (Finlande, Suède, Chypre). Cela ne les empêche nullement de participer à des opérations militaires (les Irlandais étaient très présents à EUFOR Tchad en 2008, les Autrichiens dans EUTM Mali en 2021 et comme nation cadre de EUFOR Althea, les Finlandais et Suédois ont été engagés aux côtés de l'OTAN également). Hors de l'Union européenne, la Suisse (exemple le plus célèbre), mais aussi la Serbie ont adopté une position de neutralité. NB : la neutralité est généralement inscrite dans la Constitution du pays, voire dans un traité international. Tandis que le non-alignement procède d'un positionnement politique qui peut évoluer au fil du temps. Le droit de la neutralité est codifié depuis 1907 dans les Conventions de La Haye (voir la page de l'ONU).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®