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Entretien avec Jack Lang : contre la piraterie, il est “urgent d’agir”

Après le dépôt de son rapport à l’ONU, Jack Lang a commencé une série d’entretiens avec les principaux responsables. Jeudi dernier il était avec Lady Ashton (la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères) à Paris, pour “une heure d’entretien approfondi“.  Après avoir “secoué le cocotier”, l’ancien ministre de la Culture de F. Mitterrand, et professeur de droit international, compte sur une réaction rapide de la communauté internationale.

Vous venez de vous entretenir avec Lady Ashton. Avez-vous le sentiment d’être entendu par les Européens, par la Haute représentante ?

Parfaitement. Nos vues se rejoignent. Nous partageons les mêmes préoccupations. J’ai senti une femme énergique, très politique, volontaire et décidée à avancer. Nous sommes sur la même longueur d’onde. C’est important. Il faut tirer le même sens.

Sur quels points, cette convergence vous semble la plus importante ?

Nous avons la conviction commune que le développement économique est une condition d’amélioration de la sécurité et de la lutte contre piraterie. Et réciproquement. L’amélioration des conditions de sécurité permettra de faciliter développement. Si on veut vaincre la piraterie, il faut, en effet, s’attaquer à toute la chaîne : faire du développement économique pour donner un espoir d’emploi, encourager les Etats à poursuivre les pirates et agir à terre au Puntland. Actuellement la plupart des pirates sont libérés. Il est urgent d’agir.

Quand vous dites « urgent », cela veut dire quoi : quelques mois, quelques années. On sait que le temps de l’action internationale est lent ?

Non. Quand je dis urgent, c’est maintenant. Actuellement, dans 9 cas sur 10, les marines doivent rendre la liberté à des suspects. Il faut donc consolider ce qui a déjà été engagé, encourager les Etats de la région à poursuivre les pirates. Et inventer d’autres solutions complémentaires, comme des tribunaux au Puntland et au Somaliland. Il faut aussi non seulement poursuivre les pirates mais aussi les gros bonnets.

En favorisant une solution locale, vous ne dédouanez pas un peu les Etats du pavillon de leurs obligations ?

Je ne suis pas du tout contre les poursuites par l’État du pavillon. Au contraire. Il faut vaincre l’impunité par tous les moyens…

…Mais certains Etats européens ne veulent pas poursuivre les pirates : la Finlande, le Royaume-Uni par exemple ?

Si certains Etats européens, du nord par exemple, ne veulent pas, ne peuvent pas poursuivre, ils doivent prendre d’autres mesures. Nous pouvons aider à la construction de capacités judiciaires, pénitentiaires. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Si les Etats ne prennent pas des mesures énergiques, nous serons submergés.

Le rapport est déposé. Et maintenant ?

Mes propositions ont été accueillies positivement par le Conseil de sécurité. Nous préparons une résolution. Cela devrait être prêt d’ici un mois. Ce sera un texte avec des propositions concrètes et opérationnelles. C’est important : il ne s’agit pas d’avoir des belles déclarations. Mais d’agir.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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