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La mission Eupol Afghanistan sous la loupe des Lords. A lire…

Formation au contrôle sur check point à Kaboul (crédit : Eupol Afghanistan)

« Trop lente et trop tard à se déployer, trop petite pour réaliser ses objectifs » Voici le sentiment principal le rapport que vient de publier la Chambre des Lords (britannique) n'est pas tendre sur la mission de police EUPOL en Afghanistan. « Il y a un réel risque que l'UE échoue dans cette région où elle devrait montrer son leadership ».

Ce rapport n'est cependant pas à charge sur la mission européenne, contrairement à l'impression laissée par le communiqué de presse publié par la Chambre (qui ne reflète pas vraiment l'intégralité du rapport). La Chambre met en lumière, de façon plutôt objective (à mon sens), les points forts comme les imperfections de la mission européenne, et surtout les raisons des dysfonctionnements. Il souligne surtout combien est stratégique cette mission pour la stabilisation de la région et rappelle les Etats membres à leurs engagements. Ce rapport mérite donc d'être lue avec attention.

Pourquoi Eupol ne fonctionne pas comme souhaité ?

• Le manque d'engagement des Etats membres de l'UE pour fournir l'effectif nécessaire. On tourne en permanence entre 200 et 300 personnes, avec un turnover important, au lieu des 400 planifiés. Si cet effectif n'était pas atteint, « L'UE devrait en dernier lieu revoir le mandat d'Eupol ». De plus, nombre d'Etats mettent des restrictions à ce déploiement. Seuls trois pays, selon le rapport, se déploient dans la province de Helmand... Enfin, il y a nombre de difficultés logistiques. Kees Klompenhouwer, le commandant des opérations civiles de l'UE, soulignait la difficulté à trouver des locaux, « particulièrement dans les provinces où EUPOL dépend des Etats qui ont le 'lead' dans les PRT ».

• Le double jeu de certains pays est mis en évidence. L'existence d'un certain nombre de missions de police menées à titre bilatéral, par exemple par l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark et l'Italie... alors qu'il « devrait y avoir une seule mission européenne de police, dotée des ressources adéquates ».

• L'absence d'accord formel avec l'OTAN sur place est « préjudiciable à la vie du personnel d'Eupol sur place » même si, sur place, des accords ad hoc ont été passés. Ainsi l'ISAF a revu son plan d'opération (OpPlan) pour permettre d'apporter un soutien "limité" aux activités d'Eupol. Une situation « clairement inacceptable ». Et la chambre des Lords demande au gouvernement (britannique) de faire un « effort important » dans ce sens.

• Le fort taux d'illettrisme dans le recrutement de la police doit être pris en compte (70% des recrutés sont illettrés). Une action déterminée contre l'illettrisme doit être entreprise, souligne le rapport.

• Le système de commandement et contrôle est trop lourd. La division entre le processus de décision entre Bruxelles et le terrain fait que le « chef de mission n'a pas assez d'autorité pour prendre des décisions de nature opérationnelle ».

• Le dispositif de marchés publics européens est particulièrement « inadapté » à ce type de mission. A certaines reprises, pour financer certains projets rapidement, les responsables d'Eupol ont été obligés de demander l'aide... américaine, comme le relate Nigel Thomas, ancien chef par intérim de la mission Eupol. Les procédures d'équipement mis en place depuis le début de la mission vont au-delà d'un calendrier raisonnable. Et il importe de les « revoir » souligne le rapport.

Les effectifs, le problème récurrent d'Eupol

La majorité des effectifs est fournie par les Finlandais, les Allemands, les Néerlandais et les Suédois. La participation britannique est "pauvre" comme le remarque la Chambre des Lords (24 personnes contre 37 Finlandais) qui somme le gouvernement d'augmenter les effectifs. On peut noter que la participation française à cette mission est encore plus modeste : 8 personnes (selon l'effectif fin novembre), soit le même effectif que les Hongrois ou les Irlandais !

NB : Trois Etats tiers participent : Canada, Norvège et Nouvelle-Zélande.

La « qualité contre le nombre »

La mission Eupol est cependant indispensable, aux yeux des Lords, si on veut avoir un Etat afghan. Eupol « fournit une capacité unique et vitale à la stabilisation de la société afghane ». Et le travail réalisé est de "bonne qualité" et est en phase avec les "besoins d'une police civile". « C'est une opportunité pour l'Europe de montrer son poids en Afghanistan dans un domaine et des compétences où elle a une grande expertise ». Alors que la date limite pour le retrait militaire s'approche, il est important de « consacrer davantage de ressources à la mission pour qu'elle soit en mesure de réaliser ses objectifs » conclut le rapport.

La mission devrait aussi développer « simultanément » un versant judiciaire, recommande le rapport. Trop souvent, les « infractions et crimes ne sont pas poursuivis du fait de la corruption qui mine le système judiciaire ».

Au passage, les Lords critiquent le choix fait par l'OTAN de former en nombre, plutôt que la qualité, conduit à une impasse. « Les enseignements sont trop courts (six semaines) et insuffisants. Et le « taux important avec lesquels les policiers quittent le service (le rapport mentionne le chiffre de 75% de départs !) doit être reconnu ».

Télécharger le rapport ici

La page du rapport sur le site de la chambre des Lords

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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