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Le delirium tremens du Daily express sur la participation britannique aux projets de défense européenne

(B2) De temps en temps, il faut lire la presse britannique populaire sur l'Europe. C'est un moment où on peut hésiter entre le fou rire et l'ébahissement devant autant de contre-vérités, de mauvaise foi et de vrais mensonges. La dernière livraison du Daily Express est, en la matière, un exemple.

Sous le titre « EU Army outrage as British troops risk being forced into EU defence force after Brexit », il se livre à une féroce attaque sur les dispositions figurant dans l'accord (sur le Brexit en matière de défense. En grande partie totalement fausse.

Que dit le quotidien populaire ?

« At present, the divorce deal promises to keep the UK linked to a series of EU military structures including the European Defence Fund, the European Defence Agency and Permanent Structured Cooperation (PESCO). »

« Britain could be forced to pay billions of pounds into EU defence projects and contribute troops and other military assets to Brussels defence units as a result. »

Étonnant ! D'une part les dispositions en cause — qui figurent dans la déclaration politique signée avec le Royaume-Uni — remontent tout de même à quasiment un an. Les spécialistes du 'European Research Group', un think-tank férocement anti-UE, dirigé par l'ancien ministre Steve Baker, semblent venir de les découvrir. D'autre part il y a une série de confusions, voire de fausses informations.

Six confusions voire informations fausses

1° Le Fonds européen de défense comme la coopération structurée permanente sont des dispositifs plutôt que des structures au sens militaire du terme.

2° Toutes ces initiatives ont une incidence capacitaire, pas opérationnelle en soi. Cela n'entraîne aucune mise à disposition de troupes.

3° Les projets capacitaires ne sont pas des projets de l'UE en soi, ce sont des projets initiés, contrôlés, gérés par les États membres.

4° Cela reste toujours basé sur le volontariat comme toutes les initiatives de défense. Le Royaume-Uni pourra toujours choisir de payer.

5° Globalement, c'est à l'avantage du Royaume-Uni, et de l'industrie britannique en particulier qui pourraient continuer à coopérer avec des entreprises européennes, voire bénéficier de financements européens pour des projets nationaux.

6° C'est une demande expresse des Britanniques qui se 'roulent par terre' pour garder un pied dans ces initiatives récemment mises en place comme le Fonds européen de défense ou la coopération structurée permanente, et dans celle plus ancienne de l'Agence européenne de défense.

Pas de contribution britannique de plusieurs milliards

Quant à la facture à payer, on est dans le grand n'importe quoi. Si on prenait l'information au pied de la lettre, le Royaume-Uni était forcé de payer des milliards £ pour les projets de la défense, au ratio du poids britannique dans le PiB cela signifierait que la défense européenne a un budget de plusieurs dizaines de milliards € par an. On n'est plus dans l'imagination, on est dans le mensonge voire le délire total. S'il y a une facture à payer par le Royaume-Uni pour ces projets capacitaires, ce serait de l'ordre de quelques millions d'euros, et non pas pour des projets européens, mais des projets nationaux. C'est le budget européen qui contribue aux projets des États membres et non l'inverse.

Pas de contribution militaire sans décision souveraine britannique

Enfin sur la contribution opérationnelle britannique, ce n'est pas dans le cadre de l'agence européenne de défense qu'elle s'exerce, mais dans le cadre des opérations de la PSDC. Et là encore, la décision se fait 'au cas par cas', sur décision totalement souveraine du Royaume-Uni (avec l'information et/ou l'autorisation du Parlement britannique) et peut être retirée à tout moment.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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