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Russie Caucase Ukraine

Le dégel des conflits “gelés” est-il enclenché ? 2e esquisse.

(B2) Les zones poreuses et autres conflits gelés en Europe seraient-ils en voie de résorption. Comme l'histoire s'accélère, en ce moment, reprenons les derniers épisodes :

1ère phase : mi-février. L'initiative revient à l'Occident. Les Etats-Unis et la plupart des pays de l'Union européenne reconnaissent l'indépendance du Kosovo, annoncent l'envoi d'une mission police-justice-douanes (Eulex) destinée à remplacer la mission de l'Onu (Minuk). Les Russes crient aux orfaies, tempêtent au Conseil de sécurité. Mais d'action concrète, il n'y en a plus ensuite. Le Kosovo peut annoncer la création d'une armée propre, soutenue par l'Otan. Et le secrétaire général de l'Onu peut préciser tranquillement en juin-juillet dans plusieurs courriers adressés aux "parties intéressées" ce qui ressemble à un désengagement progressif de la Minuk, sans vraiment susciter d'ire sinon une nouvelle déclaration des Russes disant que cette décision est illégale. Mais c'est tout. Le nouveau gouvernement serbe, qui a saisi le jeu russe, rentre dans le rang rapidement et joue l'intégration européenne (en poursuivant une réclamation devant la justice internationale).



2e phase : début
août
. Cette fois, ce sont les Russes qui sont à la manoeuvre. De façon musclée, type Blitzkrieg. Profitant d'une erreur stratégique des Géorgiens (conseillés par les Américains) qui ont tenté de récupérer - de façon aussi musclée l'Ossétie du Sud, ils ripostent en engageant l'armée russe, de façon "démesurée" diront les uns, "limitée" diront les autres (qui ont souvenir les violents combats à Budapest en 1956 = environ 3000 morts dont 700 russes ou plus récemment la "sale" guerre d'Afghanistan). L'objectif est clair : s'assurer le contrôle de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, de façon définitive. Les Occidentaux s'alarment. Les Etats-Unis, l'Otan, l'Union européenne disent ce n'est pas bien, c'est disproportionné". En moins de 48 heures, un cessez-le-feu est ficelé, aux conditions russes, avalisé par Nicolas Sarkozy au nom de l'Union européenne (1). Les Russes retirent leurs troupes, un peu plus lentement que prévu, un peu moins loin que prévu, les fameuses "mesures additionnelles de sécurité". Et ils annoncent la reconnaissance lde 'indépendance des deux régions autonomes le 26 août. Ce qui n'est pas une surprise. La presse russe faisait l'écho depuis quelques jours de cette préparation (ce qui est sûrement une des explications de la convocation subite du Conseil européen par la présidence française qui ne pouvait ignorer cette évolution).

Et, maintenant, prosaiquement, regardons en face, il reste trois autres "conflits gelés" à régler au niveau européen:

- Nagorni-Karabakh, entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. L'un est plutôt soutenu par la Russie, l'autre par les Occidentaux. Devinez qui va gagner... dans une zone d'influence russe ?

- Transnistrie, ce sont les Russes, là aussi, qui sont à la manoeuvre - et les Occidentaux le savent bien. Contrairement à la Géorgie, la transition pourrait, ici, être douce, sauf provocation de dernière minute. Medvedev (président russe) a rencontré Voronine (président moldave), tout récemment, le 25 août. Il l'a assuré qu'il y avait de "très bonnes possibilités de régler le problème transnistrien" et que "la Russie était prête à faire de son mieux en vue d'assurer le règlement définitif de la crise transnistrienne". Déclaration exceptionnelle selon notre confrère russe, Kommersant, qu'il ne faut donc pas prendre à la légère. Il s'agit en fait de permettre la réintégration dans la Moldavie de la province sécessionniste en préservant une large autonomie pour elle mais aussi, et surtout, les intérêts stratégiques russes, sur place : non adhésion de la Moldavie à l'Otan, présence de l'armée russe (La 14e armée est basée dans cette bande de terre), protection de la minorité russe (lire les détails de ce rapprochement esquissé depuis plusieurs mois).

- Chypre, qu'il ne faut pas oublier dans cette liste. Le Nord de l'ile est toujours sous "domination" (occupation/libération) turque (une "opération de paix" lancée en juillet ... 1974 par l'armée turque et une reconnaisance solitaire). Ce devrait être l'Union européenne, au premier chef concerné, qui devrait négocier. Chypre est membre de l'UE depuis mai 2004. Et la Turquie candidate à l'adhésion depuis 1999. Mais, étonnamment, point de déclaration tonitruante ou menaçante, ni de sanction. Et on espère que l'ONU pourra sortir de sa poche un nouveau plan de paix (le précédent avait avorté avant l'adhésion de Chypre à l'Union, les chypriotes grecs l'ayant refusé...).

Citons encore quelques points crispants

- Macédoine, ce sont là les Américains qui sont en charge de la question. La médiation - sous couvert de l'ONU - mais avec un médiateur américain - pour trouver un modus vivendi avec la Grèce sur le nom du pays est nécessaire pour permettre l'adhésion du pays à l'Otan (comme ensuite à l'Union européenne)

- Serbie, la signature finale de l'accord de stabilisation (et l'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union européenne) est conditionnée à l'arrestation/reddition du dernier criminel de guerre serbe en fuite (Mladic). C'est l'Union européenne qui a pris en charge cette "réinsertion".

- Espagne, les autonomistes basques de l'ETA n'ont pas encore déposé les armes, malgré plusieurs tentatives de négociation (contrairement à leurs homologues de l'Ira qui sont rentrés dans le chemin pacifique, progressivement depuis la signature d'un accord de paix historique en avril 1998). L'Union européenne n'a pas de position sur la question sinon la condamnation du terrorisme et de la lutte armée.

(NGV)

Crédit photo : OSCE Georgia/ Mikhail Evstafiev, les russes commencent à se retirer, BMP (transport d'infanterie) russes sur la route de Vladikavkhaz, le 16 août.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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