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Les fusilliers-marins “protecteurs de thoniers” intégrés à Atalanta ? (maj)

(BRUXELLES2) Les fusiliers-marins et commandos marine qui protègent les navires de pêche français au large des Seychelles pourraient-ils être intégrés dans l'opération européenne anti-piraterie Atalanta ? En tout cas, certains diplomates y songent...

Démenti d'Atalanta

Du coté d'Atalanta, on dément « tout besoin ou intention d'intégrer ces détachements de protection des navires à l'intérieur de l'opération européenne ». Actuellement, ces hommes ne dépendent que du commandement français et sont déployés dans le cadre accord armée-pêcheurs, avec l'accord du gouvernement des Seychelles pour la présence sur son sol de plusieurs militaires. Si évolution, il y a, elle pourrait se faire à l'occasion de la signature de l'accord sur le statut des forces (SOFA) qui doit être signé  prochainement entre l'UE et les Seychelles (1).

Extension aux autres navires de pêche ?

Le dispositif resterait inchangé, notamment avec une participation des armateurs de pêche à la prise en charge des militaires, une présence à bord de navires de marines et une base logistique aux Seychelles. Mais cette solution permettrait tout d'abord d'avoir une base juridique d'intervention un peu plus solide pour cette double présence, et également d'étendre le dispositif aux autres navires de pêche, battant pavillon espagnol particulièrement, en contournant le problème légal en Espagne.

Des problèmes d'ordre législatif s'opposent, en effet, en Espagne selon le gouvernement au déploiement de militaires espagnols à bord de navires de pêches, ainsi que des difficultés opérationnelles (2). Cette évolution opérationnelle permettrait de contourner ce problème. La solution de gardes privés, recommandée par le gouvernement espagnol, ne satisfait pas du tout les pêcheurs qui estiment cette protection  insuffisante — rien ne vaut un bon "Marine" selon eux —, voire dangereuse d'un point de vue de responsabilité, sans compter son coût supérieur : on estime entre 24.000 euros à 36.000 euros, voire 55.000 euros par mois et par bateau. Et le fonctionnement de l'opération Atalanta ne leur apporte pas suffisamment de sécurité, estiment-ils.

Atalanta mise en cause

En Espagne l'angoisse des pêcheurs monte. Après l'attaque (repoussée) des bateaux de pêche français Drennec et Glénan et l'attaque (aboutie) de l'Alakrana, ils se sentent particulièrement menacés. « Si les pirates ont osé avec les Français, il n'y a pas de zone de protection qui vaille la peine », comme le rapporte la Voz de Galicia. Les Pêcheurs accusent notamment le commandement d'Atalanta de ne pas avoir réagi. "Depuis une semaine, nous ne cessons d'alerter Northwood (le QG d'Atalanta). Et rien n'a été entrepris. (...) Une frégate grecque est basée aux Seychelles, expliquent-ils. "Elle n'a pas bougé".

Sécurité privée à la rescousse

Les thoniers basés à Bermeo (pays Basque) ont déjà mandaté une société privée britannique, Minimal Risk (3), selon El Pais, pour protéger leurs bateaux basés aux Seychelles et qui battent le pavillon de l'archipel. Le coût revient à 55.000 euros par mois par navire, sans compter les frais de voyage du personnel, l'entretien et les assurances. Avantage pour les marins, comme leurs bateaux battent le pavillon des Seychelles, ils n'ont pas à respecter les limites imposés en Espagne pour les sociétés privées, notamment en interdisant les fusils à longue portée ou armes de guerre.

Selon un accord passé avec le gouvernement des Seychelles, les armes des "mercenaires" resteront sous la garde du capitaine quand il rentrera au port. Sept navires seraient concernés par cette protection : l'Errowape, le Demiku, le Xixili (appartenant à Echebastar, le propriétaire de l'Alakrana) ; l'Intertuna I et II (Albacora); le Artza (Atunsa) et le Txori Aundi (Inpesca). Les navires non protégés navigueraient en tandem avec un navire protégé. Mais pour les thoniers, cette solution de gardes privés est un pis aller. Ils préfèrent et de loin la solution de "marines" qui leur paraît plus sûre à la fois au niveau opérationnel et de la responsabilité.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Cette évolution pourrait cependant nécessiter une modification de l'Action commune - décision européenne qui base l'opération Atalanta. Ce qui pourrait être fait d'ici novembre, à l'occasion de la prolongation de l'opération (une réunion conjointe des Ministres de la Défense et des Affaires étrangères a lieu, les 16 et 17 novembre 2009).

(2) Le gouvernement espagnol argue notamment qu'il n'a pas comme les Français de base à Djibouti. En fait, c'est surtout la possibilité de baser ses militaires aux Seychelles, qui est essentielle.

(3) Société basée à Hereford, dirigée par un ancien des SAS, Bob Cole, Minimal Risk est notamment intervenue en Irak, comme consultant sécurité et pour protéger les équipes de télévision de la BBC à Basra et Koweit en 2003.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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