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Un avion de chasse turc abattu près de la Syrie (maj7)

Un F4 2020 (Terminator) cousin de celui abattu qui serait un RF4 (crédit : armée turque)

(BRUXELLES2) Le message de l'Etat-Major turc publié vendredi (22 juin) en début d'après-midi (à 14h45) est laconique. « Un avion de chasse a décollé de l'aéroport de Malatya / Erhac (*) à 10h30. Le contact radio a été perdu en mer au sud-ouest de la province de Hatay à 11h58 ». Une région limitrophe de la Syrie qui a pour capitale une ville célèbre... Antioche (Antalya). « Les efforts de recherche et de sauvetage ont commencé immédiatement ». La proximité du lieu de disparition avec la frontière syrienne, laissait incliner l'implication de la Syrie. Celle-ci pourrait être confirmée rapidement. L'avion abattu est un F-4 (alias Phantom).

Deux frégates (Mersin, Iskenderun) et un bateau de la Garde côtière se déplacent sur la zone présumée du crash, près de Ral El Basit. Plusieurs hélicoptères ont également été déployés. Un conseil de crise a été convoqué par le Premier ministre Erdogan. L'incident est d'autant plus grave qu'il touche un pays de l'OTAN. Les 27 ministres de l'UE devaient mener une discussion lundi matin (25 juin) sur la Syrie. Le cours de cette discussion pourrait ainsi changer rapidement selon les nouvelles qui seront annoncées dans les heures ou jours qui suivent.

Le Premier ministre accuse la Syrie

(Maj. Ven 23h30) A l'issue du Conseil de crise, le Premier ministre Erdogan a précisé que selon toutes vraisemblances, l'avion avait été abattu « par la Syrie ». Le Premier ministre n'a pas voulu cependant répondre sur ce que faisaient ces avions au-dessus des eaux territoriales syriennes : « nous n'avons pas d'informations précises sur ce sujet » a-t-il précisé en réponse à un journaliste. Les Turcs confirment cependant que l'avion se trouvait à 8 miles des côtes syriennes (donc dans les eaux territoriales). La Syrie a de son coté confirmé avoir abattu un avion turc au-dessus de ses eaux territoriales selon les médias locaux repris par l'AFP.

(Maj sam 19h) Mais des deux cotés de la frontière, on s'efforce de ne pas envenimer la situation. Ainsi le Premier ministre turc s'est refusé à indiquer les « mesures » qu'il comptait prendre par la suite. Du coté de l'OTAN, on préfère afficher une prudence certaine, expliquant qu'il n'y a pas eu de saisine de la Turquie. Et en Syrie, on préfère parler d'accident que d'attaque. D'ailleurs les marines syrienne et turque coordonnent leur effort pour les recherches en mer des deux pilotes disparus.

Réunion de l'OTAN convoquée

(Maj Dim 14h) La Turquie a haussé le ton dimanche matin. L'épave de l'avion a été localisée à au moins 1000 mètres de profondeur « dans les eaux internationales » selon la Turquie. Et si l'avion a survolé un moment les eaux syriennes, il n'était pas armé et n'agissait pas dans le cadre d'un acte hostile à la Syrie mais pour tester un nouveau radar turc. Aucun avertissement n'a - semble-t-il - été adressé aux pilotes de l'avion, précise-t-on en Turquie. Le pays a saisi l'Alliance atlantique. Une réunion doit avoir lieu mardi (26 juin) au niveau des ambassadeurs, sous l'égide de l'article 4 du Traité de l'Alliance atlantique. Article qui prévoit des consultations « chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée ». Un niveau intermédiaire avant l'article 5 qui prévoit une réaction.

(Maj Dim 18h) La Turquie a envoyé une "note diplomatique" à la Syrie lui demandant des éclaircissements. « Nous condamnons la destruction de notre avion et vous demandons de trouver les auteurs de cet incident et nous en tenir informés » précise la note selon le quotidien Hurriyet. « La Turquie se réserve le droit de demander des excuses officielles et une compensation »

Réactions

Le Foreign office (UK) a réagi durement par la voie de William Hague. « Cet acte scandaleux souligne à quel point bien le comportement du régime syrien va au-delà de ce qui est acceptable et je condamne (cet acte) sans réserve. »  Lire le communiqué ici. Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères, s'est dit « consterné » par cet incident demandant de façon urgente une « enquête approfondie » mais se félicitant aussi de la réaction de sang-froid de la Turquie. A New York, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, a appelé les deux parties à la « retenue ».

(Maj Lundi 15h à Luxembourg) L'Union européenne n'a pas réagi sur le champ. Mais lundi au Conseil des ministres des Affaires étrangères, elle a « condamné » la destruction de l'avion turc le jugeant « inacceptable par la Syrie », a offert toute « sa sympathie aux familles des aviateurs impliqués », et « félicité » la Turquie pour sa « réaction initiale mesurée et responsable ». L'Union européenne appelle à « une enquête approfondie et urgente » et demandé à la Syrie de « coopérer pleinement avec la Turquie pour permettre un accès complet à une enquête » et à la communauté internationale « d'apporter son soutien à ces efforts ». L'UE demande instamment à la Syrie de « s'assurer qu'il se conforme aux normes et obligations internationales ». Pour Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, qui a tenu une conférence de presse en marge du Conseil, c'est un « geste totalement inacceptable que la France condamne, dans la mesure où cet avion était sans arme et qu’il n’y a pas eu avertissement préalable ».

Lire également sur les désertions dans l'armée syrienne : article séparé, voir ici

(*) au centre de la Turquie

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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