Le Mv Rachel Corrie en route vers Gaza. Premier test de la clause de solidarité ?
(BRUXELLES2, analyse) Une interception "musclée" du MV Rachel Corrie, ce navire irlandais qui file vers les côtes palestiniennes et israéliennes pour briser le blocus qui entoure la bande de Gaza (avec à son bord un prix Nobel de la paix, Maired Corrigan-Maguire), pourrait entraîner, à mon sens, la mise en oeuvre de la clause de solidarité du Traité de Lisbonne. « En cas d'agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir », précise l'article 42.
Un test de la clause de solidarité qui repose sur une demande de l'Irlande
Cette clause vise surtout les Etats non membres de l'OTAN... comme l'Irlande. Si la menace concerne les Etats membres de l'OTAN et de l'UE, c'est, en effet, le traité de l'Alliance Atlantique et son article 5 qui s'applique en priorité, le Traité a bien pris soin de le rappeler, à plusieurs reprises. Ce qui fait tout l'intérêt à mon sens, de l'affaire actuelle qui se déroule au large de Gaza et mérite une attention soutenue, en termes de précédents politique et juridique. L'Union européenne est ainsi en première ligne.
Certes tous les éléments ne sont pas réunis pour son application, à commencer par une demande du gouvernement irlandais et on peut aussi discuter la notion de "territoire" pour un navire (1). « Aucune demande en ce sens n'a été faite auprès des Etats membres » m'a-t-on affirmé du coté du cabinet de Catherine Ashton...
Le gouvernement irlandais reste, en effet, assez prudent, réclamant le passage de l'aide humanitaire vers Gaza et la sécurité de ses concitoyens, et refusant de négocier aux lieux et place de l'ONG : "The persons on the Rachel Corrie represent independent NGOs. The department respects this and it is not our role to negotiate on their behalf" explique ainsi la dernière déclaration du ministère des affaires étrangères, publiée dans la presse irlandaise ce matin. "The Government continues to call for safe passage for the Rachel Corrie to Gaza. The Government’s top priority is the safety and welfare of the Irish citizens concerned and all those aboard the vessel; to avoid any further bloodshed or violence; and to see the safe delivery of humanitarian aid to the people of Gaza."
Quels paradoxes de l'histoire ...
Quand les 27 ont rédigé cette clause (dans le Traité constitutionnel tout d'abord puis dans le Traité de Lisbonne ensuite), ils n'avaient sans doute pas dans l'esprit qu'elle pourrait être mise en oeuvre très vite et que la menace pourrait provenir d'un pays "ami", comme Israël !
Et quand l'Irlande, soumise à une pression référendaire de ces citoyens (rejet du Traité de Lisbonne lors du premier passage) méfiants par rapport à une "militarisation" de l'Europe, avait insisté, en 2009, pour encadrer solidement cette clause dans un protocole additionnel au Traité (2), elle ne pensait pas qu'elle pourrait être un des premiers bénéficiaires de cette clause. Ce protocole enlève d'ailleurs tout caractère automatique à l'application de la clause en précisant que : "Il appartiendra aux États membres de déterminer la nature de l'aide ou de l'assistance à fournir à un État membre qui est l'objet d'une attaque terroriste ou est l'objet d'une agression armée sur son territoire."
Mais on ne peut que constater que, six mois à peine après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, cette clause de solidarité assez anodine en apparence, pourrait entrer en application, au moins de façon dissuasive. Encore faut-il que les Etats membres de l'UE en aient la volonté...
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) A supposer qu'on considère qu'un navire battant son pavillon constitue un élément de son territoire susceptible de justifier une intervention internationale. Ce qui, à mon sens, peut se justifier. Car le droit de la mer prévoit l'application de la loi de l'Etat du pavillon en haute mer. Mais je laisse d'autres plus compétents que moi en discuter.
(2) Lire : Le protocole "irlandais" sur la Défense: un simple couper-coller... Vraiment ?
(crédit photo : Free Gaza)
Bonjour,
Un navire d état ou un bâtiment militaire bénéficient d immunités et de privilèges selon la Convention des Nations Unies internationale sur le Droit de la mer (CNUDM), mais pour la France, il n’est pas pour autant un démembrement ou une partie du territoire national. Ainsi, une personne qui se refugierait à bord d un bâtiment de guerre en escale dans un pays étranger ne pourrait demander l asile politique ou à être considéréré comme réfugié, car il ne se traouve pas sur le territoire national.
Dans notre cas d espèce, l’arraisonnement d’un bâtiment privé battant pavillon irlandais n est pas susceptible d’entraîner la mise en oeuvre de la clause de solidarité car le territoire de l Irlande n’est pas l’objet d’une menace à double titre.
Cordialement
C’est un avis personnel mais ils n’en ont certainement pas…
Quand on voit le peu d’ambition qu’ils ont pour l’europe… Ils ne vont pas se risquer à ce genre de jeux. Et à mon avis le gouvernement Irlandais ne fera aucune demande en ce sens. Il a pris ses distances avec les personnes qui sont à bord pour ne pas en avoir besoin justement. Sauf si Israël décide de couler le bateau à l’exocet aucun d’entre eux ne lévera le petit doigts. Leurs petits jeux de pouvoir les accaparent bien trop pour qu’ils osent mouiller autre chose qu’un T-shirt pendant leur jogging hebdomadaire.