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L’appel du 18 juin… c’est aussi l’appel de Churchill aux Européens

ChurchillBureau.jpg(B2) Le 18 juin 1940, le Premier ministre britannique Winston Churchill vient, en effet, devant la Chambre des communes. Le lendemain de la demande d’armistice de la France. Il met non seulement en cause l’erreur tactique française mais aussi ce qu’il faut bien appeler une trahison politique, une rupture de l’accord signé le 28 mars 1940 de ne pas signer de paix séparée. Puis, fidèle à sa constante politique, il appelle à continuer la lutte, éventuellement avec “tout autre gouvernement français” (1).

Coté tactique, le constat du Premier ministre conservateur est direct : « le colossal désastre militaire qui s’est produit lorsque le Haut commandement français n’a pas retiré de Belgique les armées du Nord, alors même qu’il savait que le front français était  irrémédiablement enfoncé à Sedan et sur la Meuse. Ce retard a entraîné la perte de 15 à 16 divisions françaises et mit hors d’action, à un moment critique l’ensemble du Corps expéditionnaire britannique ». L’armée britannique et 120.000 soldats français rembarquent à Dunkerque mais y perd « (son) artillerie, (ses) véhicules et (ses) équipements modernes ».

Coté politique, sa lucidité l’est plus encore : « Nous ignorons encore ce qui se passera en France, et si la résistance française se prolongera, sur le sol de France et dans l’Empire. Le gouvernement français va laisser filer de grandes occasions et sérieusement compromettre l’avenir de la France s’il ne continue pas la guerre conformément aux clauses du traité dont nous n’avons pas cru devoir le délier. » Mais il lance un appel au changement : « Quoi qu’il advienne en France, avec le gouvernement actuel, ou avec tout autre
gouvernement français, nous tous, sur cette île et dans l’Empire, ne renierons jamais la fraternité qui nous unit au peuple français ».

Coté stratégique, Churchill dresse ce qui peut être un inventaire de la capacité de résistance des Britanniques contre les Nazis : « plus d’un million 250.000 hommes sous les armes et derrière eux, un demi-million de volontaire de la défense locale (LDF), dont une partie seulement est déjà équipée de fusils…, les troupes d’élites venues des Dominions… l’aviation de chasse plus forte qu’elle ne l’a jamais été par rapport à celle des Allemands » Etc. Et il réitère la résolution de la Grande-Bretagne et de l’Empire britannique de continuer la lutte « même s’il y faut des années, même si nous sommes seuls ». « Nous ne renonçons à aucune de nos revendications légitimes ; nous ne reculons pas d’un pouce, pas d’un iota. Les Tchèques, les Polonais, les Norvégiens, les Néerlandais, les Belges ont lié leur sort au nôtre : tous seront un jour rétablis dans leurs droits. »

Plusieurs gouvernements européens rejoignent Londres, capitale-refuge pour la Résistance

A Londres, à l’été 1940, De Gaulle devait se sentir un peu seul face à des gouvernements de plusieurs pays européens qui avaient choisi, souvent avec armes et bagages de rejoindre la résistance.

Un des premiers gouvernements à rejoindre les Britanniques est le Norvégien. le roi Haakon VII et le gouvernement se réfugient à Londres. Il est suivi par le gouvernement néerlandais, qui Reine en tête, arrive en mai. La Reine Wilhelmine dissuade son Premier ministre, Dirk Jan de Geer, de signer une paix séparée, puis le renvoie l’estimant peu fiable. C’est Pieter Gerbrandy qui prend le relais. Dans la corbeille, les Pays-Bas apportent la flotte néerlandaise, les réserves pétrolières des Indes orientales néerlandaises (Indonésie).

ArmeePolonaiseCampSuisse.jpg

Le 19 juin, c’est au tour du gouvernement polonais de se constituer à Londres pour “continuer le combat” (il a quitté la France, d’abord Paris puis Angers).

Le général Wadysaw Sikorski lance un appel à la radio, le 19 juin, aux soldats polonais présents sur le continent de continuer le combat comme allié du Royaume-Uni et appelle les unités polonaises présentes en France (environ 80.000 hommes) rejoindre l’Angleterre, soit par voie navale, soit par la Suisse. Une partie a déjà rembarqué à Dunkerque (notamment la 10e armée de cavalerie blindée).

Des unités polonaises, qui ont été parmi les dernières à combattre en France… jusqu’au 18 juin, notamment autour de Belfort. La première division et la deuxième division passent en Suisse.

Le gouvernement tchécoslovaque, dirigé par Beneš et avec Jan Masaryk aux Affaires étrangères, choisit aussi le chemin de Londres. Puis c’est au tour du gouvernement belge, malgré un peu d’hésitation, et la capitulation du Roi Léopold III. Les Belges apportent leur colonie belge du Congo, précieux apport notamment pour les minerais.

Le gouvernement français (avec Pétain) est ainsi un des seuls gouvernements alliés (avec le gouvernement danois) à être resté au pouvoir et avoir collaboré avec le pouvoir nazi !

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Extraits de “Discours de guerre” de Winston Churchill

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).