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Réagir ou rétrécir ? Tel est le dilemme de l’Europe, selon Nicolas Sarkozy

(crédit : Elysée / L. Blevennec)

(BRUXELLES2) Nicolas Sarkozy l'avait déjà affirmé l'année dernière, dans son discours aux ambassadeurs (de France), l'Europe doit être plus ambitieuse. Il a enfoncé le clou cette année devant les mêmes ambassadeurs, sur un autre mode : le risque d'un affaiblissement stratégique de l'Europe. Tirant les leçons de l'opération en Libye, il a défendu mordicus l'intérêt d'une réintégration de la France dans l'OTAN comme de l'engagement en Afghanistan. Mais l'essentiel de son propos était lié aux évolutions dans le monde arabe, au printemps, à la révolution. Sarkozy a apporté un soutien à la reconnaissance de l'Etat palestinien, prône un changement de négociation du processus de paix au Moyen-Orient et avertit la Syrie : le prochain sur la liste. Et il annonce une série de propositions

La menace d'un rétrécissement stratégique

« L'Europe est menacée de « rétrécissement stratégique ». Que voit-on ? Une baisse continue des efforts de défense ; l’invocation d’un « soft power » qui sert de paravent au renoncement ; et, trop souvent, l’aveuglement face aux menaces. Or, le monde change. » La nouvelle vision de l’engagement militaire américain présentée par Obama « implique que les Européens assument davantage leurs responsabilités. (...) Il n’y aura pas de défense digne de ce nom en Europe sans des capacités militaires robustes et de vraies politiques industrielles et technologiques. » a-t-il ajouté.

L'accord franco-britannique est exemplaire mais reste un modèle isolé. « A eux seuls, la France et le Royaume Uni représentent la moitié des budgets et les 2/3 de la recherche de défense. Unis comme jamais depuis le Traité de Lancaster House, nos deux pays sont pratiquement les seuls en Europe à atteindre la norme de 2% du PIB consacrés à la défense. »

La première arme européenne : l'Euro

Il ne faut cependant pas le nier. La lutte pour la puissance européenne est d'abord économique. « Pour peser de tout son poids politique dans les affaires du monde, l’Union européenne doit d’abord en demeurer la première puissance économique. » Et le président Sarkozy de défendre tout l'intérêt de la zone Euro.

« L’euro est un enjeu majeur : n’oublions pas qu’il représente près de 30% des réserves de change mondiales. En 10 ans, il s’est imposé comme une monnaie forte et stable. La zone euro n’est pas l’homme malade que nous décrivent certains, mais bien une zone de richesse et de prospérité ; un pôle essentiel de l’économie mondiale ; un projet mobilisateur qui structure la construction européenne. »

En passant, Sarkozy a aussi défendu la position française sur Schengen. « Il faut renforcer les instruments européens, comme Frontex. Il faut mettre en place un système efficace d’inspection. Il faut pouvoir rétablir les contrôles aux frontières d’un État si celui-ci est incapable d’assurer la garde de sa portion de la frontière extérieure.»

La réintégration de la France dans l'OTAN : utile

C'est l'exemple récent de la Libye qui sert de modèle au président. « L’OTAN s’est révélée un outil indispensable au service de nos opérations militaires. Les États-Unis ne souhaitant pas s’engager fortement en Libye, pour la première fois depuis 1949 l’OTAN s’est mise au service d’une coalition emmenée par deux pays européens déterminés, la France et le Royaume-Uni. C’est parce que nous avions repris toute notre place dans le commandement intégré que cela a été possible. » « Dans cette crise, à travers l’initiative de la France et du Royaume-Uni, les Européens ont démontré pour la première fois qu’ils étaient capables d’intervenir de façon décisive, avec leurs alliés, dans un conflit ouvert à leurs portes. C’est un progrès remarquable par rapport aux guerres de Bosnie et du Kosovo. »

L'engagement en Afghanistan : nécessaire

Le président Sarkozy a répété son antienne : les Talibans perdent du terrain. « Conscients qu’ils ne peuvent plus l’emporter militairement sur le terrain, les Talibans ont de plus en plus recours aux actes terroristes. » (*) Et de préciser « Ils frappent aveuglément et espèrent ainsi nous amener à renoncer. Nous ne renoncerons pas. La transition décidée par les Afghans et les 48 pays de la coalition sera mise en œuvre. Elle va modifier en profondeur la forme de notre engagement auprès du peuple afghan, qui restera indispensable »

Ce ne sera pas la fin de la lutte contre le terrorisme, précise d'ailleurs le président : «  Des progrès en Afghanistan ne marquent pas la fin de la menace terroriste. La mort de Ben Laden est une grande victoire dont il faut féliciter le Président Obama. Mais Al Qaïda, même affaibli, reste présent. C’est vrai notamment au Pakistan dont l’évolution inquiète. C’est vrai aussi dans le monde arabe et en Afrique. La vigilance reste plus que jamais nécessaire. »

L'Etat palestinien c'est oui. Et l'Europe doit s'exprimer d'une seule voix

« La seule véritable sécurité, c’est la paix. C’est d’abord par la création de l’État palestinien qu’on l’obtiendra. Et Israël, dont le droit à l’existence et à la sécurité est imprescriptible, en sera le premier bénéficiaire. » « En cas d’échec, dans quelques semaines à New York, les États membres des Nations Unies devront se prononcer sur l’État de Palestine. Je souhaite que les 27 pays de l’Union européenne s’expriment d’une seule voix, et qu’ensemble nous assumions nos responsabilités. (...) ».

Changer la méthode de négociation le processus de paix au Moyen-Orient

Ce processus de paix est  «dans l'impasse », Sarkozy l'affirme. Mais il souligne aussi un problème, resté sous-jacent, commenté dans les milieux diplomatiques, mais peu souvent en public. « La méthode de négociation (...) doit changer. Le rôle des États-Unis est incontestable et irremplaçable, mais chacun voit bien qu’il n’est pas suffisant. Il faut élargir le cercle de la négociation, réfléchir au rôle et à la pertinence du Quartet, donner à chacun la place qui lui revient au regard de ses relations avec les parties. Gardons à l’esprit que l’Union européenne est le premier partenaire économique d’Israël et le premier donneur d’aide aux Palestiniens

Face aux révolution dans le monde arabe, « Le moment est venu de relancer et de refonder l’UPM et la France présentera ses propositions à ses partenaires dès les prochaines semaines. L’impasse du processus de paix ne doit pas empêcher l’UPM d’être le moteur d’une véritable renaissance de la Méditerranée. »

 Et les massacres en Syrie ?

« Je regrette que le Conseil de Sécurité n’assume toujours pas ses responsabilités face à la tragédie syrienne. Mais le pouvoir à Damas aurait tort de croire qu’il est protégé de son propre peuple. Le Président syrien a commis l’irréparable. La France, avec ses partenaires, fera tout ce qui est légalement possible pour que triomphent les aspirations du peuple syrien à la liberté et à la démocratie.»

  • Des devoirs d'une rentrée chargée
  • Le président français n'est pas avare d'annonces sur certaines initiatives ou à venir de la France auprès de ses partenaires européens et internationaux. Mentionnons : l'UPM ; le processus de négociation au Proche-Orient ; le système financier mondial (renforcement des réserves du FMI, régulation des flux de capitaux) ; la taxe des transactions financières (en septembre de concert avec la Chancelière Merkel)

(*) Propos sur lequel on peut être dubitatif. J'y reviendrai

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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