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Le nouveau directeur de l’agence européenne de défense sera-t-il « Une » ?…

CF Arnould en compagnie de Sedivy et de Hoop Scheffer (crédit : Otan)

Si vous avez encore quelque espoir d'obtenir un poste de haut niveau dans le futur service diplomatique, scrutez les prochains jours et gardez votre ligne téléphonique ouverte ! Cathy Ashton, la haute représentante de l'UE, procède aux derniers entretiens d'embauche...

Pour l'Agence européenne de défense, la Haute représentante (HighRep) semble cependant avoir déjà une petite idée bien affirmée... Propulser l'actuelle chef de la structure de planification militaro-civile de crises (CMPD), Claude-France Arnould. La proposition formelle n'est pas encore faite. Mais elle ne suscite pas une approbation générale parmi les diplomates à Bruxelles.

Présente à Bruxelles depuis 2001, CF Arnould a cependant oeuvré pour la politique de défense depuis la création de la PESD, d'abord au sein de la direction Défense du Conseil de l'Union européenne puis à la tête de la nouvelle CMPD (1). Elle a l'avantage de bien connaître les arcanes de la défense européenne, tant à Bruxelles que dans les capitales. Française (2) et femme de surcroit (3), elle représente sans doute un compromis politique judicieux pour la Baroness qui peut ainsi apparaitre comme dégagée de l'emprise des capitales en nommant "sa" candidate, sans paraitre se soumettre à la France (qui avait un autre candidat). Au passage, elle lui permet d'assainir son organigramme. Les relations entre les deux femmes ne sont, en effet, pas au beau fixe. Ce n'est pas de notoriété publique mais c'est un secret de polichinelle. Cathy Ashton ne semble pas apprécier, de façon générale, ceux/celles qui ont été trop proches de son prédécesseur, Javier Solana.

Grincements de dents

Du côté des Etats membres, cette nomination fait cependant grincer des dents. Or, ce sont les Ministres de la Défense qui ont normalement le dernier mot pour l'Agence puisque c'est le comité directeur de l'Agence qui se prononce sur proposition du HighRep. Principal reproche fait à  CF Arnould : elle ne provient pas du sérail des directeurs d'industrie de la défense (il y a d'autres candidats issus de ce sérail). Et la France occupe déjà certains postes dans le domaine, stratégique de l'industrie de défense. Ainsi, de "l'autre coté" à l'OTAN, c'est le général Abrial qui est à la tête du Commandement "transformation" (SACT) de Norfolk et Patrick Auroy est secrétariat général adjoint chargé des investissements de défense). « Ca commence à faire beaucoup de Français » explique un diplomate, plutôt francophile par ailleurs. C'est aussi la méthode de Cathy Ashton qui semble mise en cause. « Quand Javier Solana avait pressenti un candidat pour l'agence européenne de défense, il consultait de façon informelle les Etats membres jusqu'à obtenir le consensus. Avec Cathy Ashton, nous sommes un peu mis devant le fait accompli ». Les Etats membres oseront-ils s'opposer à cette proposition ? On peut en douter.

D'autres postes en jeu

Car Cathy Ashton compte sur les autres nominations pour amadouer chacun. En évitant à chaque pays qui a présenté un candidat à l'Agence de défense de subir un camouflet. Le gouvernement finlandais s'affirme ainsi sûr de pouvoir obtenir le poste du SitCen (le centre de renseignement de l'UE) pour un des siens (4). Le gouvernement français a, pour l'instant, d'autres chats à fouetter. Entre l'accord de coopération de défense avec les Britanniques, le sommet de l'OTAN, la présidence du G20 et le remaniement interne, il y a peu de place pour d'autres manoeuvres bruxelloises, d'autant que les ministères hexagonaux se sont un peu ridiculisés en présentant chacun un candidat. Quant au pays de la Squadra Azura, qui commençait à désespérer de ne pouvoir placer un des siens à un poste de direction du service diplomatique, il pourrait obtenir un premier succès. C'est un Italien (5) qui devrait être nommé au poste de coordination des structures de réponse de crises, un poste nouvellement créé. Le problème est, en fait, ailleurs...

Qui prendra la tête de la CMPD ?

Resterait alors à remplacer CF Arnould à la tête de la CMPD. Et là, c'est une autre paire de manches. Un des candidats souvent cités dans les milieux bien informés est le Tchèque Sedivy, ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, qui ne recueille pas l'unanimité, loin de là, et ne semble pas le meilleur choix tant au point de vue professionnel (faible expérience de l'UE, des missions de défense européennes, ...), que politique. La république Tchèque n'a jamais été un promoteur de la PeSDC, elle est même le cancre des 27 sur le sujet. « C'est le plus sûr moyen de donner un mauvais coup à l'Europe de la défense et de tuer la CMPD » résume un proche du dossier. Un point de vue qui semble partagé par plusieurs spécialistes. A suivre...

(1) Lire : Claude-France Arnould prend la tête de la nouvelle direction civilo-militaire de l'UE

(2) Selon un accord non écrit, si le premier directeur de l'agence européenne de défense était un Britannique, le second un Allemand, le troisième devait revenir à la France (un des trois plus gros contributeurs de l'industrie de défense, hier, le premier aujourd'hui).

(3) La Haute représentante a promis, notamment au Parlement européen, d'assurer un équilibre hommes - femmes dans la nomination aux plus hauts postes. Or la diplomatie brille dans de nombreux pays par une surreprésentation des hommes, qui frôle parfois un certain machisme... Et la candidate retenue est généralement bien appréciée des parlementaires européens.

(4) Lire : Un Finlandais va-t-il prendre la tête du SitCen ?

(5) Nom, biographie et commentaire. Lire ici

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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