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Même pas peur !

Leila Aichi à l'IHEDN (© NGV / B2)(BRUXELLES2) Intervenant dans un débat "sur la suite des attentats" de janvier lors des rencontres IHEDN à Paris, ce samedi (6 juin), la sénatrice verte Leila Aichi n'a pas eu froid aux yeux. Elle n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat sur un certain nombre de sujets : la société française ("inégalitaire"), sur le risque à parler en France d'une guerre de religion ("dangereux pour la cohésion nationale"), sur la loi "anti-terroriste" ("liberticide"), sur Daech (qui doit autant à Buch qu'à la religion). Même pas peur ! était le sous-titre de ce débat. Leila l'a illustré à propos ce sous-titre...

Réconcilier Ecolos et Militaires

Dans un amphi de l'école militaire, peu habitué aux envolées écologistes, elle a tenu à assumer son rôle, sans renier sa parole. Intéressée aux questions de sécurité, de défense, mais aussi attachée aux valeurs écologistes, elle veut réconcilier ces deux pôles parfois contraires : « J'ai réuni pour la Saint Valentin Dany Cohn-Bendit et le général Ract-Madoux », ancien chef-d'état major de l'armée de terre et aujourd'hui gouverneur des Invalides.

Une société inégalitaire

D'emblée, Leila Aichi place son discours sur l'après attentat sur la crise sociale en cours. « Jamais la France n’a été aussi inégalitaire, regardez notre schéma d’éducation ; ce sont les classes populaires qui financent l’école de l’élite en France. Notre système carcéral a des défaillances, les attentats l'ont montré. » La cohésion nationale n'est qu'apparente. « Il y a une juxtaposition de groupes qui vivent côte à côte, sans forcément se comprendre les uns et les autres. Ce qui pose un vrai risque pour la cohésion nationale. Oui, on peut se poser la question de savoir si le 11 janvier (lors de la manifestation "Charlie"), la France était représentée dans toute sa diversité ».

Le danger de parler de la guerre de religion

Les propos « sur la cinquième colonne (comme) sur la guerre des religions sont extrêmement dangereux. » Il faut lutter « contre les extrémistes » et non pas créer de nouvelles divisions. « Dans un pays où nous avons la première communauté musulmane et la première communauté juive d’Europe, il faut faire attention à ces termes, si on veut assurer la cohésion nationale ». Il ne faut pas oublier que « l’extrémisme et la radicalisation de la religion sont un instrument au service d’une politique. (...) Attention aux rhétoriques trop simplistes. »

Une loi "anti-terroriste" liberticide et peu efficace

La récente loi « anti-terroriste » est un texte « liberticide ». On ne peut « pas condamner des gens juste sur une intention. C’est dangereux. On ne peut pas retirer une carte d’identité française. La dernière fois qu'on a pratiqué cela, c’était sous la terreur, en 1793. » Et ce n'est pas efficace. En témoigne « une jeune à qui les parents avaient retiré sa carte d'identité, qui s'est cependant retrouvée en Syrie...» Cette loi est juste de « l'affichage politique » estime la sénatrice de Paris. Un « coup médiatique ». Une « réponse simple, et même simpliste à une question complexe. Et je ne suis pas sûr qu'elle ait un impact sur la sécurité ». Et d'ajouter : « On a moins besoin de textes que de moyens ».

Syrie, Iran, Russie... Il faut parler avec tous

« Je pense qu’il faut parler avec la Syrie. Quand j’entends qu’on ne parle pas avec Bachar El-Assad et les extrémistes. Mais avec qui on parle. On peut pas résoudre ce type de problèmes en disant qu’on ne parle avec la Syrie, avec l'Iran, la Russie. C’est ne pas tenir compte de la réalité. » Sur Daech (Etat islamique), Leila Aichi estime aussi qu'il ne faut pas se leurrer. « Dans Daech, on trouve un grand nombre de militaires irakiens. (...) Il ne faut pas oublier que Daech est aussi le résultat de l'intervention américaine, de Bush, en Irak. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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