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CIG 2007. Un compromis destiné à ne pas être utilisé ? Récit de l’intérieur

(B2 - archives) Salle 20.45, au Conseil de l’Union européenne, un peu plus de 15 h, le 3 octobre, les experts juridiques des 27 États membres applaudissent, et s’autocongratulent, en présence de l’ambassadeur portugais, venu spécialement les féliciter, « au nom de la Présidence », de la fin de leur travail de révision du projet des traités européens.

Une seule fausse note...

Le représentant polonais, contrariant les usages diplomatiques, prend la parole pour exprimer une (nouvelle) réserve de son pays sur le rôle de la Cour de justice dans la coopération pénale : la Pologne veut réfléchir à la possibilité de bénéficier de la même liberté de choix que les Britanniques, dit-il. Stupeur générale: la demande est ridicule, la Pologne ne bénéficie d’aucune dérogation en matière de Justice. L’expert polonais reste stoïque, habitué à relayer les demandes, souvent fantaisistes, de son gouvernement…

Un point très sensible restant ouvert

L’application des mesures Schengen et Justice Affaires intérieures par les Britanniques était le seul sujet laissé ouvert par les 27 dans le mandat donné en juin à la CIG (point 19 L). Un point très politique, mais si sensible, que les leaders européens, unanimes, ont préféré « faire régler au niveau technique ». C’est en effet une nouvelle latitude laissée aux Britanniques de ne plus appliquer certaines règles de Justice et d’Affaires intérieures qui est ainsi mise en place. Mais avec un net encadrement voulu par les 13 États du « Schengen lover group » (le groupe des amis de Schengen). Au point que plusieurs spécialistes se demandent si cette dérogation « sera un jour appliquée ».

La dérogation JAI : une question d'affichage surtout

De fait, le Royaume-Uni qui participe à une nette majorité des textes (environ 80%) en matière de Justice et d'Affaires intérieures ne compte pas se dégager de ces obligations. « C’est comme l’arme nucléaire » indique un expert. « Elle est uniquement là pour ne pas être utilisée ». Ce compromis permet ainsi un affichage, très politique, de la détermination britannique. Le 10 downing street (siège du Premier ministre) a d’ailleurs approuvé la dernière mouture du texte et était tenu informé, pas à pas, des négociations (un de ses experts siégeait dans la salle).

Une vingtaine de versions successives

Pas moins de 24 versions successives, certaines purement formelles, ont été nécessaires pour arriver à cet accord. La proposition britannique d’origine, présentée en juillet, était « absolument inacceptable » affirme un diplomate. De nombreuses 'bilatérales' ont dû être organisées, réunissant d’abord la présidence (Conseil et Portugal) avec le Royaume-Uni, puis avec certains « Schengen Lover », et enfin des trilatérales. La Commission européenne a été associée dans certaines réunions spécifiques, mais pas le Parlement européen. Les solutions (sur la Cour de justice) ont ainsi été acquises avec l’accord de l’exécutif européen qui considère que « l’essentiel est sauvé ».

A noter que les pays candidats n’étaient associés à aucune discussion mais ont été tenus informés par la présidence portugaise du résultat.

(Nicolas Gros-Verheyde)
article publié dans Europolitique le 8 octobre 2007

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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