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Portuaire, maritime, « Je crois à l’Europe des projets » (Jacques Barrot)

(B2) Portuaire, marins: il est possible d’avancer… Trois questions à Jacques Barrot, commissaire européen chargé des Transports

La directive sur les services portuaires a été rejetée au Parlement européen ? Comptez-vous présenter une nouvelle directive ?

Jacques Barrot — Non. J’ai assumé ce projet qui avait été conçu par la précédente Commission. Mais il n’est pas question de soumettre un nouveau projet. Je respecte trop la volonté des parlementaires pour ce faire. Mais il faut continuer la modernisation des ports. Nous pouvons agir sur d’autres plans tout aussi efficacement. Sur les aides publiques, tout d’abord, ce n’est pas très clair, on pourrait édicter des lignes directrices. Sur la transparence des coûts des services portuaires, une étude pourrait être commandée, on pourra ensuite examiner si un règlement est nécessaire. Enfin je serai vigilant sur tout manquement aux règles européennes, de la concurrence notamment, il s’agit de ne pas laisser se mettre en place des monopoles.

L’exemple de la compagnie Irish Ferries, qui entend remplacer ses marins irlandais par des Lettons, pays moins chers a révélé une lacune au niveau européen. La marine marchande est exclue des règles sur le détachement des travailleurs, quelle solution préconisez-vous ?

— Je parie sur une solution mixte, internationale et européenne. Le navire est, en effet, un petit bout du territoire national et il est délicat de réglementer uniquement sur une partie – le droit du travail – sans toucher au reste. L’OIT (l’Organisation internationale du travail) a adopté le 23 février une convention qui consolide la législation du travail maritime. Ce texte peut être intégré rapidement dans le droit communautaire. Si la voie de la négociation entre partenaires sociaux devait échouer, nous sommes bien décidés à proposer une directive en ce sens.

L’Europe est en panne disent certains augures. Est-ce votre avis ?

— Non. Il n’y a que l’aspect constitutionnel qui est bloqué. Sur le reste nous avançons. L’Europe n’est ainsi pas tombée en panne sur les perspectives financières, les services, l’énergie. Et je crois fermement à une l’Europe des projets. Quant l’Europe agit ainsi, çà marche. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Galileo ou du Gsm. Je pense qu’il est possible de développer des entreprises communes. C’est ce que je compte faire avec Sesar pour le contrôle aérien. On peut aussi agir sur les normes. Par exemple sur la télévision haute définition. Voilà de fabuleux projets. Où le levier politique de la Commission européenne d’un coté, les motivations des industriels de l’autre, peuvent faire avancer des projets qui n’avanceraient pas autrement.

Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde

Paru dans Ouest-France, mars 2006

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).