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Une folie meurtrière : 28 morts

(Archives B2) Entre 1982 et 1985, durant trois années, ils ont drainé leur folie meurtrière. Qui ? On ne sait toujours pas. Mais les victimes s’allongent sur le sol au fur et à mesure de leurs pérégrinations.

Cela commence un beau jour d’août 1982, en France. Un fait somme toute banal. Place des Nations à Maubeuge, l’épicerie Piot est cambriolée. Du vin est volé. S’ensuit une fusillade entre la police et les voleurs. Un policier est blessé. Les suivants n’auront pas cette chance. Quelques jours plus tard, l’armurerie Dekaise, à Wavre, petite ville de Bruxelles, est braquée. Le commerçant et un client sont blessés. Un policier est tué.

Toutes les attaques vont désormais se concentrer en Belgique, dans un cercle plus ou moins restreint autour de Bruxelles et de Charleroi. Le 23 décembre, le concierge de l’Auberge du Chevalier à Beersel est exécuté de six balles dans la tête après avoir été torturé. Le 12 janvier 1983, on retrouve le cadavre d’un chauffeur de taxi dans sa voiture. Des successions de crimes sans lien apparent encore. Le 3 mars 1983, un gérant de supermarché, le Colruyt de Hal, près de Bruxelles toujours, est abattu lors d’un hold-up. L’équipée meurtrière s’emballe. Le 16 septembre, c’est au tour d’un couple, de retour de Paris, et d’un gendarme d’être retrouvés morts près du Colruyt de Nivelles. Le 3 octobre, à Ohain, le patron du restaurant « Les Trois canards » est liquidé sur le parking de son restaurant. Les tueurs fuient à bord d’une Golf GTI rouge alors, repeinte ensuite, et siglée « I Love Australia ». Un fait anodin qui n’est pas sans importance aujourd’hui. Un véhicule identique ayant été utilisé ensuite, à plusieurs reprises.

Le 7 octobre 1983, le gérant du supermarché Delhaize, à Beersel, est tué ; deux caissières et un client sont blessés. Le 1er décembre, c’est au tour d’un couple de bijoutiers d’être assassiné. Pendant plusieurs mois, rien. Et la folie reprend, hallucinante. Le 27 septembre 1985 est un jour particulièrement noir. Deux supermarchés sont attaqués, l’un à Overijse (banlieue de Bruxelles), l’autre à Braine l’Alleud. 8 morts. Le 9 novembre, nouvelle attaque à Alost, 8 morts, 7 blessés. Et, puis, silence complet. Plus aucune attaque. Ni revendications. Ni explications. Et très peu de traces. Encore moins de « bavardages » du milieu. Ce n’est pas faute d’essayer pourtant.

Les enquêtes s’emballent se multiplient. La PJ de Bruxelles, compétente tout d’abord, est dessaisie. Le procureur du Roi de Nivelle, Jean Leprêtre, une forte personnalité, aujourd’hui à la retraite, s’empare du dossier. Il a des suspects sous la main. Des borains. Inculpés, ils seront acquittés et relâchés faute de preuves suffisantes. Un autre magistrat, de Termonde cette fois, s’en mêle aussi. Il a un suspect en or. Un gangster, déjà condamné, Philippe De Staercke, a fait des aveux partiels. Seulement ceux-ci ne tiennent pas. Ils sont par trop incohérents. L’intéressé les rétractera bien vite. D’autres pistes sont aussi évoquées : le terrorisme , une tentative de déstabilisation de l’Etat, venue de l’extrême droite ou de l’étranger. La Belgique est un des seuls pays à avoir été épargné par la vague de terreur rouge qui s’est abattue sur l’Europe. Des ex-gendarmes seront aussi soupçonnés. Les pistes sont multiples. Il faut dire qu’il y de quoi. Si on se fie à la piste du banditisme pur, le mobile supposé du crime, l’argent, paraît faible. Faible quand on sait que les hold-up n’auraient rapporté « que » 171 000 euros (un peu plus d’un million de francs). Faible… pour 28 morts.

Nicolas Gros-Verheyde (à Bruxelles)
article publié dans France-Soir, janvier 2003


Le principal auteur serait mort ?

Entre autres questions que suscite les tueries du Brabant, deux ne cessent de harceler la mémoire.

Premièrement, quel mobile a bien pu motiver de tels actes ? Sur ce point, affirme -t-on en Belgique, toutes les pistes restent ouvertes, du grand banditisme au terrorisme, voire à l’action de services secrets étrangers. Trois magistrats du parquet de Mons se sont bien rendus à Berlin pour consulter les archives de l’ancienne Stasi. Ils n’y ont rien trouvé. Ou plutôt si… mais rien de plus normal. Un dossier a bien été ouvert sur les tueries du Brabant par leurs collègues polonais sur le meurtre des bijoutiers à Anderlues, le 1er décembre 1983, deux personnes d’origine polonaise.

Deuxièmement, comment une telle folie meurtrière a pu s’arrêter tout d’un coup. Toutes les explications ont eu cours un jour : ordre politique, emprisonnement d’un des meneurs, départ à l’étranger… A la cellule d’enquête de Jumet, que nous avons contacté, on se montre pour le moins perplexe. Un tel personnage, assoiffé de sang, ne s’arrête pas comme çà. Tout d’un coup. S’il était emprisonné ? Cela se serait su. En Belgique, comme ailleurs, les murs des prisons parlent. De même pour la mafia. Alors tout simplement, le meneur a bien pu décédé de mort plus ou moins naturelle. Une maladie dont il se savait atteint. Un accident de voiture. Banal certes mais courant de nos jours. Ou alors liquidés par ses compagnons de fortune, apeurés de la tournure prise par les évènements, ou … ses commanditaires !

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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