Actu BlogAfrique Ouest - SahelMissions Opérations

Les Belges n’iront pas dans Barkhane en 2021. Et pour 2022 on verra !

(B2) La ministre belge de la Défense, Ludivine Dedonder, l’a confirmé ce mercredi (19 mai) en commission défense de la Chambre des députés, la Belgique ne rejoindra pas l’opération française au Sahel

La Belge Ludivine Dedonder (PS) et la Française Florence Parly (TDP app. LREM), tout sourires devant les photographes lors du dernier conseil ‘défense’ le 6 mai dernier (crédit : Conseil de l’UE)

En 2021 c’est exclu, pas de troupes disponibles

« En raison de plusieurs facteurs tels que la prolongation imprévue de la mission “Resolute Support” dirigée par l’OTAN en Afghanistan et la réorientation et le développement de nouvelles initiatives dans le cadre de la Coalition pour le Sahel, la Défense a dû revoir sa planification opérationnelle pour 2021 » indique Ludivine Dedonder, selon le compte-rendu officiel reçu par B2. « Un nouveau déploiement à grande échelle en 2021 n’est donc pas réaliste. »

Aucun engagement n’était pris

La Belgique fait donc lanterner un peu Paris. Il n’y a pas rupture d’une promesse assure la ministre. « Notre pays n’avait encore pris aucun engagement. » La France appréciera… Paris qui a demandé aux « États européens de déployer davantage de troupes conventionnelles dans le cadre de la task-force Takuba » va devoir ronger son frein. Et l’objectif de Florence Parly d’avoir une dizaine de pays dans Takuba risque jugé plus digne de la méthode Coué que de la réalité.

Pour 2022, on verra

Pour l’année suivante, la ministre belge se montre en effet plus que prudente, « les différentes options de déploiement pour 2022 sont actuellement à l’étude. » Une extension du déploiement militaire belge au Sahel « sera discutée en Conseil des ministres et au Parlement ». Le dossier « portant sur le programme des opérations pour 2022 » sera soumis au gouvernement « au dernier trimestre 2021 ».

Un esclandre avec Paris évité de justesse

Ce sujet de la participation belge à Barkhane était un haut sujet de tensions entre Paris et la Belgique. En témoigne l’affaire du tweet du député Theo Francken (N-VA). Dans la foulée d’une réunion de la commission chargée du suivi des missions à l’étranger, le député nationaliste avait tweeté ceci : “Operatie Barkhane: « geen deelname in 2021 #DedonderLudivin #Comdef » (Opération Barkhane: « pas de participation en 2021 »)

Les Français n’étaient pas encore au courant officiellement de la décision prise par le cabinet belge. Et le téléphone a alors ‘chauffé’ entre Paris et la Belgique. La ministre belge de la Défense avait alors exigé, quelques jours après, dans un courrier adressé à la présidente de la commission (Annick Ponthier, appartenant au parti d’extrême-droite Vlaams Belang) des sanctions (courrier publié par la RTBF). Ce qui avait finalement été appliqué : interdiction d’assister à des réunions auxquelles l’obligation de secret est applicable, jusqu’à la fin de la session ordinaire 2020-2021 et amende sous forme de retenue de 20% sur son indemnité parlementaire pour une période de trois mois. Non sans susciter quelques réactions courroucées d’autres députés, pourtant partenaires de la majorité, tels Denis Ducarme, trouvant la sanction exagérée. « Il n’y a pas de faute de Théo Francken, mais de la ministre Dedonder » tonne le député libéral (MR) selon le quotidien Le Soir.

Commentaire : un revirement, signe d’une mésentente ?

Contrairement à la position officielle, il s’agit bien d’un revirement du gouvernement belge. Même si aucune certitude n’était acquise, l’intention belge avait bel et bien été affichée, et répétée (apparemment) au moins lors d’un entretien bilatéral. Outre l’argument officiel du manque de troupes, on peut avancer deux autres éléments d’ordre politico-militaires. D’une part, l’absence d’un consensus politique entre les différents partenaires de la majorité, sur cet engagement à haut risque. D’autre part, l’absence d’un cadre vraiment fixé au plan multinational. Y-a-t-il d’autres éléments pour expliquer cette attitude belge ? Rien n’est à exclure… En tout cas, il y a de la friture sur la ligne entre Paris et la Belgique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).