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Afrique Ouest - SahelMissions Opérations

La mission EUTM Mali retardée… par la Belgique

Les hélicoptères belges AB 109 ne peuvent franchir le 17e parallèle. Un peu inutiles ? (crédit : ministère belge de la Défense)

(BRUXELLES2) Même si la Belgique ne l'avait pas proposé officiellement, tout le monde comptait sur les hélicoptères belges pour assurer l'évacuation médicale lors de la mission européenne de formation de l'armée malienne (EUTM Mali). La solution paraissait évidente. Les hélicoptères belges sont déjà sur place, au Mali, à Sévaré plus exactement, et opérationnels depuis quelques jours... Opérationnels d'ailleurs est un bien grand mot ! Selon un aviateur, les hélicoptères Agusta A109 ont une limite opérationnelle les empêchant de voler au-delà du 17e parallèle (pour cause de vent de sable). En clair pas au-delà de la boucle du Niger. Une solution possible était de mettre ces hélicoptères à disposition à Bamako, au titre des deux opérations (Serval et EUTM Mali). Avec l'avantage qu'ils soient pleinement opérationnels. Le ministère belge de la Défense n'a, pour l'instant, pas donné suite à cette requête.

En attente d'une évaluation ...

Entre le ministre de la Défense, Pieter de Crem (CD&V, chrétien-démocrate flamand) et le Premier ministre, Elio de Crem (PS), on ne peut pas dire que l'ambiance soit au beau fixe. Au ministère de la Défense, on renvoie toute question sur EUTM au « 16 » (le 16 rue de la Loi, siège du Premier ministre. Chez le Premier ministre, on rappelle le contexte. « Le Conseil des ministres belge a pris la décision d'un soutien logistique à l'opération Serval, le 15 janvier » a expliqué le porte-parole du Premier ministre à B2. Une position « expliquée au Parlement, qui spécifie expressément qu’il y aurait une évaluation préalable avant (toute autre décision). En début de semaine (lors d'un Kern exceptionnel), le gouvernement a confirmé cette position, évoquant la possibilité de participation belge à EUTM Somalie (sous réserve de cette) évaluation. Si l'évaluation est positive, le gouvernement pourrait décider l’envoi d’instructeurs ou de forces protection ou la mise à disposition des hélicoptères. » Quand aura lieu cette évaluation et qui doit le faire ? Personne n'est capable de le dire au 16 (le siège du Premier ministre). Et pour cause... C'est au ministre de la Défense, Pieter de Crem, et au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, de normalement produire cette évaluation. Mais ni l'un ni l'autre n'ont apparemment fourni ce document en temps et en heure (notamment pour la réunion du kern, le conseil des ministres restreints) ainsi que la définition des besoins. En attendant, ce sont les vacances, sacrées pour Pieter De Crem. Et Didier Reynders part en voyage officiel en Algérie, Mali et Côte d'Ivoire... Donc cela pourra attendre encore quelques jours, voire semaines.

Blocage de fait de la mission

La question est cependant plus qu'urgente. Le chef de mission européenne devait rendre un avis que la génération de forces était positive. Avis qui conditionne le lancement de la mission. Sans hélicoptères d'évacuation médicale, pas de génération de force positive, donc pas de lancement de mission. La seule solution serait alors de trouver un autre pays qui pourrait, en urgence, remplacer les Belges. Les regards se tournent vers Vienne (Autriche). Mais il faut un peu de temps pour convaincre les Autrichiens ! Surtout que le ministre de la Défense Darabos doit faire face à une bronca de l'opposition après le référendum raté sur l'abolition de la conscription.

Une candidature de Pieter de Crem à l'OTAN qui trouble le jeu

En coulisses, ce qui peut s'apparenter à un refus est dû à un mouvement d'humeur entre le ministre de la Défense, Pieter de Crem (*), qui est parti... un peu trop vite sur l'opération française et le Premier ministre, Elio di Rupo. Une guerre pichrocholine en quelque sorte qui a cependant un résultat majeur : retarder le lancement de la mission EUTM Mali. Il ne faut pas être trop devin pour voir que la candidature de Pieter de Crem au secrétariat général de l'OTAN n'est sans doute pas étrangère à cette soudaine position très réticente du ministère belge de la Défense sur une opération européenne. Selon nos informations, le général Lecointre aurait même proposé le poste de conseiller politique (POLAD) de la mission à ses côtés à un Belge. Mais aucune candidature n'a encore été proposée. Ce qui est une première !

Le message n'est pas passé

François Hollande et Elio di Rupo devaient s'entretenir de cette question en marge du sommet européen. Mais, apparemment, le président français n'a pas saisi l'importance du message. Et après plusieurs heures de négociation, il avait la tête ailleurs. Il a ainsi juste félicité son homologue belge pour le soutien apporté à l'opération française. En oubliant de lui parler de l'opération EUTM Mali.

Commentaire : la Belgique nous avait habitué à une autre attitude dans les opérations européennes. En prenant une position à contre-courant non seulement de son étiage habituel mais aussi de tous les Européens, elle se retrouve en bon dernier de la classe européenne pour une opération qui rencontre un large soutien politique. Tout cela pour d'obscures raisons politiciennes ou de carrière personnelle. Dommage...

(*) Le ministre de la Défense ne sera d'ailleurs pas présent à la réunion informelle des ministres de la Défense de Dublin.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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