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Un navire soupçonné de violer l’embargo vers la Libye intercepté par l’opération Irini (v3)

(B2) Les navires militaires européens ont bloqué au large de la Libye un tanker norvégien affrété par les Émirats arabes unis, jeudi (10 septembre), pris en violation de l'embargo international 

L'équipe d'abordage allemande prend pied sur le Royal Diamond 7 (crédit : EUNAVFOR Med Irini)

C'est la première fois qu'un navire est arraisonné en pleine mer en violation de l'embargo (du moins par l'opération EUNAVFOR Med Irini). Et la première fois également que les Allemands effectuent une 'action de force' dans ce cadre. Cette opération vient parfaitement illustrer l'équidistance de la nouvelle opération européenne qui intervient sur les violations de l'embargo des deux côtés , à l'Ouest (camp Sarraj) comme à l'Est (camp Haftar) de la Libye

Une opération assurée par le Hamburg

L'opération s'est produite à « sept heures du matin dans les eaux internationales, à 150 km au nord de la ville libyenne de Derna (Cyrénaïque) ». Sur ordre de l'amiral italien Ettore Tocci, la frégate allemande Hamburg a alors bloqué « l'accès aux eaux territoriales libyennes » du Royal Diamond 7, indique l'opération EUNAVFOR Med Irini dans un communiqué. Une opération effectuée avec le soutien du navire-amiral italien ITS Carlo Margottini. NB : C'est l'équipe d'arraisonnement allemande, héliportée avec l'engin de bord du Hamburg, qui est montée à bord du tanker.

Les Émirats arabes unis dans la ligne de mire

Ce tanker — propriété norvégienne, battant pavillon des Iles Marshall (1), géré par une société singapourienne, mais affrété par les Émirats arabes unis —, est soupçonné d'avoir violé l'embargo des Nations unies sur les armes à destination de la Libye. Les Européens ont opéré « sur la base d'informations fournies par le groupe d'experts des Nations unies sur la Libye, qui ont mis en évidence la nature suspecte de cette cargaison ».

Du carburant d'aviation pour Haftar

Le Royal Diamond 7 avait quitté le port de Sharjah aux Émirats arabes unis et se dirigeait vers Benghazi en Libye, siège de l'armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Il transportait « une cargaison de carburéacteur, susceptible d'être utilisée à des fins militaires ». Un carburant, considéré comme du 'matériel militaire' par les Nations unies et, par conséquent, soumis à l'embargo international, en vertu des résolutions 2292 (2016) et 2526 (2020) du Conseil de sécurité des Nations unies, précise-t-on au QG de l'opération Irini à Rome.

Détourné pour enquête dans un port européen

Le navire a été « détourné » vers un port de l'Union européenne, pour « une enquête plus approfondie ». La destination finale était encore en discussion, au moment de l'interpellation. C'est une « décision politique » impliquant les États a précisé à B2, un proche du dossier. Les ambassadeurs de l'UE se sont d'ailleurs réunis mardi (14 septembre) pour discuter de ce point (une réunion en format 'réservé', ambassadeurs + 1 pour garder un maximum de confidentialité aux échanges). En attendant, le navire évoluait lentement en mer Ionienne (au large de la Sicile). Le port de destination pourrait être soit en Italie, voire à Marseille (Sud de la France), port désigné pour le contrôle de l'embargo sur les armes dans le plan d'opérations de EUNAVFOR Med Sophia, ou en Grèce.

Destination la Grèce

Finalement, après quelques jours d'attente au large de la Sicile, il semblerait (information au 14.9 au matin) que le navire se dirige vers la Grèce. Destination exacte : le port du Pirée. Confirmation ce matin. « Le navire a été remis aux garde-côtes helléniques le 17 septembre » m'indique une source proche de la direction européenne. EUNAVFOR MED IRINI va ensuite « coopérer avec les autorités grecques pour l'enquête, notamment en fournissant les informations recueillies lors de l'inspection ».

(Nicolas Gros-Verheyde)


Un pas significatif

Il s'agit d'un « événement hautement significatif » a indiqué Peter Stano, le porte-parole du haut représentante de l'UE répondant à une question de B2 ce vendredi midi. Cela « démontre la capacité d'Irini à recueillir des informations pertinentes concernant des violations potentielles de l'embargo des Nations unies et sa réponse rapide et efficace à une telle violation » Il démontre aussi « ce que nous disons depuis le début : que l'opération Irini est impartiale. C'est une démonstration concrète de l'engagement de l'UE dans le processus de Berlin et un instrument mis à la disposition de la communauté internationale [...] pour mettre en œuvre l'embargo sur les armes et contribuer à mettre fin au conflit ». Et le porte-parole de la diplomatie européenne de rappeler « une fois de plus », une demande européenne : c'est « de la responsabilité de la communauté internationale dans son ensemble de mettre fin à l'ingérence étrangère qui alimente le conflit en Libye ».


Lire aussi : En Libye, les livraisons d’armes s’accélèrent selon l’ONU. L’embargo contourné tous les jours. Les loups dans la bergerie

  1. Ce navire propriété du Norvégien GSH 2 Chem-Prod Carrier est géré par Norstar Shipping une société basée à Singapour, mais aussi au Myanmar et au Japon.

Mis à jour (12.9 - 14.9 - 18.9) Précisions apportées sur le port de destination

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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