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EUFOR Tchad 5: “Eufortien” et fier de l’être

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(BRUXELLES2 à N'Djamena et Abéché) Les Français sont déjà en nombre, à la suite d’une volonté politique déterminée et grâce à une présence déjà ancienne — le Tchad et la République centrafricaine sont, en effet, deux pays où les militaires français ont des bases fixes. Mais, ils ne sont plus les seuls ! Italiens (personnel médical et paramédical pour l’hôpital de campagne), Belges (forces spéciales et forces d’installation de camp), Autrichiens (forces spéciales et Pionniers), Finlandais et Suédois sont aussi là, à effectifs quasi-complet, ainsi que des éléments précurseurs irlandais. On croise également un ou deux Britanniques, Polonais, Slovaque, Tchèque, Luxembourgeois... essentiellement à l’Etat-major de la force. Celui-ci est réparti entre N’Djamena (PC arrière, logistique) et Abéché (PC avant), le général Ganascia fait la navette régulièrement entre les deux. Une navette qui continuera quand le Camp des étoiles installé, ne serait-ce que pour le contact avec les autorités nationales.

Le déploiement en cours

Faire un décompte … des forces présentes est ardu, et un peu inutile, les effectifs changeant chaque jour, voire chaque heure. Ce qui est plus significatif est la mise en place opérationnelle. Il n’y a, ainsi, à la mi-avril, qu’un bataillon presque complet — renommé en terme européen « brigade multinationale » — qui était en place à la mi-avril : celui des Français à Farchana (450 hommes sur un total attendu de 600), ainsi que l’unité — qui lui est rattachée — à Birao (République centrafricaine) dans la région dite des « trois frontières ». La force de réaction rapide du "théâtre", constituée tout d’abord des forces spéciales françaises, relayées par les Suédois, est également opérationnelle. Les deux autres gros bataillons arrivent plus tard : les Irlandais vers fin avril, les Polonais vers fin mai - juin. Ceux-ci avaient annoncé au départ leur arrivée en septembre mais les autorités européennes leur ont demandé de se déployer plus tôt.

Chacune de ces brigades doit comprendre des forces multinationales. La brigade multinationale Centre - sous commandement français - comprend également Roumains et Slovènes. La brigade multinationale Sud – sous commandement Irlandais – inclue des Néerlandais, Suédois et Finlandais. La brigade multinationale Nord - sous direction polonaise - doit aussi comprendre d’autres éléments. Du coté des pays tiers, 60 Albanais doivent rejoindre assez rapidement le Tchad – chargés de relayer les Finlandais dans la garde des camps. Et une centaine de Russes sont aussi attendus en même temps que leurs hélicoptères (pilotes, mécaniciens, maintenance).

Le dispositif santé renforcé

L’Eufor dispose d’un effectif médical conséquent. L’hôpital de « Rôle 2 » - tenu par les Italiens à Abéché, positionné sur le camp Crocci actuellement, qui sera ensuite déplacé sur le camp des étoiles, est un modèle du genre. Composé de 100 personnes (ambulanciers, logisticiens, carabinieri) dont 34 médecins et infirmiers), il est calqué sur un service d’urgence classique. Dans ses tentes climatisées, il est à même de faire toutes les interventions classiques : 2 salles d’opérations, une salle de réanimation et soins intensifs, une salle orthopédique, 50 lites d’hospitalisation, un laboratoire — apte à faire une batterie de tests (sanguin, maladies type Hiv, Diphtérie, monucléose, composition de l’eau...), un dentiste et un pharmacien.

Chaque Brigade dispose d’un poste de secours, type « Rôle 1 », particulièrement renforcé. Ainsi le poste de Farchana comprend 30 personnes dont 8 médecins et infirmiers (alors qu’un « Rôle 1 » classique comprend 1 médecin et 2 infirmiers). Le camp Europa à N’Djamena ne dispose que d’un « Rôle 1 », il dispose en effet d’une infrastructure hospitalière plus conséquente, notamment le Centre chirurgical « Rôle 2 » des forces françaises « Epervier », bien équipé, voire des hôpitaux de la capitale. Un hôpital « Rôle 2 » est également opérationnel à Birao (République centrafricaine). Contrairement aux structures bilatérales, françaises, ouvertes à la population locale, les structures strictement « Eufor » sont normalement, sauf situation particulière, réservées aux militaires ou civils travaillant sur la base sous contrat.

L'égalité hommes femmes

La mission Eufor compte deux « Gender adviser », une suédoise et une française, chargées de faire respecter l’égalité des genres et faciliter la mixité des armées au jour le jour. Les deux conseillères — une fonction nouvelle dans les missions européennes — veillent à ce que les personnels féminins soient bien intégrés dans les unités, où la promiscuité et la rusticité des installations sont souvent la règle, à assurer un travail de prévention et d’information (notamment sur la conduite à tenir dans un pays musulman) et à pouvoir réagir au besoin à des questions plus délicates (harcèlement…).

Le rôle des forces spéciales

Les forces spéciales ont été déployées en premier, dès janvier. Cela « a créé un grand fantasme » explique le lieutenant colonel Axelos. Mais pour nous, ce qui nous intéressait était surtout « leur capacité d’action autonome. Ce sont des forces d’action en premier, utiles sur un théâtre difficile où existe de l’insécurité, pour faire les premières reconnaissances des emplacements possibles, des pistes, prendre premiers contacts population ». Au fur et à mesure que les bataillons se déploient, elles vont se replier » - c'est déjà le cas d'une partie des forces spéciales françaises -, sauf celles qui seront parties intégrées de la force de réaction rapide.

Rythme de travail

Entre un état-major et une équipe sur le terrain, les horaires et charges varient considérablement. Mais on peut dresser le portrait robot d’une journée. Cela commence très tôt, entre 5h 30 et 6h00, pour profiter des moments de faible chaleur et faire de l’exercice physique (footing…). La période 13h – 16 h est considérée comme rouge. Et la sieste ou la mise à l’abri en secteur climatisé est "fortement recommandée". Au repas du soir vers 19h, suit une période de temps libre, mise à profit souvent par les officiers ou personnels pour terminer ce qui n’a pu être fait dans la journée. Sauf prescription particulière, les militaires ont la permission de minuit (23h30 en réalité), mais doivent signaler leur absence au poste de garde, comme d’ailleurs pour toute sortie hors du camp dans la journée, avec heure approximative de rentrée. Une précaution nécessaire afin de pouvoir déclencher l'alerte ou rapatrier les équipes en cas d'incident. Sauf urgence, personne ne travaille la nuit — mis à part les gardes de faction — afin de préserver les équipes. « Il s’agit de durer » explique un officier.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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