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Afrique Ouest - SahelMissions Opérations

On recherche deux sections de protection pour EUTM Mali (Maj2)

(BRUXELLES2 exclusif) L'apparente satisfaction au sein de la mission EUTM Mali cache mal une certaine inquiétude dans les milieux européens : il manque encore 2 sections (ou pelotons *) de protection (soit entre 60 militaires !) pour la mission européenne qui va assurer la formation de l'armée malienne. Si la protection est assurée sur Bamako, avec une section tchèque d'une trentaine d'hommes ; sur Koulikoro il n'y a pour l'instant qu'une seule section de fournie (par les Espagnols) sur les quatre nécessaires. Mais ceux-ci réfléchissent à l'hypothèse d'en fournir une seconde.  4 - 1 - 1 = 2. C'est mathématique. Parmi les Etats membres, il y a une certitude : la France comblera ce manque. Elle a déjà des hommes sur place. C'est « Non » répond-t-on côté français. Un diplomate l'a encore confirmé aujourd'hui. « On a pu trop attentivement déduire que la France fournirait les manques ». Mais la situation n'est pas la même qu'il y a 15 jours. « Nous sommes très lourdement engagés sur le terrain, les combats s’intensifient. Et toutes les forces sont nécessaires ».

Des combats rudes sur place, les forces françaises nécessaires, un ordre venu de l'Elysée

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian l'a confirmé ce matin dans une interview à nos confrères d'Europe1. « Nous avons fait une grande partie du travail (NB : 70% du travail selon le chef d'Etat-Major malien). Il n'est pas complètement fini. Et c'est la dernière partie qui est la plus dure » « Les combattants sont pratiquement face-à-face, ils se voient, et donc c'est à portée d'hommes, ça se passe au sol dans des conditions extrêmement dures ». Les pertes sont rudes : 4 morts français, une trentaine de Tchadiens et plusieurs dizaines de blessés, dont plusieurs gravement ont été rapatriés en France. Le message français aux Européens est donc clair : « il faut un partage de charges ». Et, selon nos informations, l'ordre viendrait du plus haut niveau de l'Etat. Aux Européens de fournir, estime-t-on à l'Elysée...

Travaux à effectuer sur place

Tous les regards se tournent vers la Belgique qui est déjà très engagée dans la mission EUTM Mali en fournissant deux hélicoptères. Sur le principe la décision est acquise. « Le gouvernement a décidé de participer à la mission de protection » a ainsi affirmé le ministre de la Défense, Pieter de Crem, devant la chambre des députés mercredi (6 mars). Mais il y a mis une condition. « Nous sommes allés sur place pour évaluer la sécurité du camp où nos hommes seraient en poste et avons immédiatement décidé que les garanties de sécurité étaient insuffisantes pour permettre à nos militaires de réaliser leur travail dans les meilleures conditions. « Le camp où les cours devraient être dispensés est un endroit semi-ouvert encaissé entre des parois rocheuses, ce qui n’est pas propice à sa sécurisation. (...) Si nous déployons des militaires pour protéger des troupes, ils doivent également être suffisamment protégés. » La mission EUTM Mali doit effectuer certains aménagements. Ce n'est qu'une fois « la Mission de formation de l'Union européenne (aura) déclaré que les conditions de sécurité sont remplies pour envoyer un détachement de protection » que la Belgique pourra se prononcer. « Une nouvelle proposition sera alors soumise au conseil des ministres. » NB : cette condition est également nécessaire pour le déploiement des hélicoptères belges au soutien médical. Le transfert de commandement devant se faire à la mi-mars.

D'autres pays

Les discussions ont donc lieu avec d'autres pays. L'Espagne a été sollicitée afin d'augmenter son contingent. Ce qui aurait l'avantage d'une certaine cohésion de la force protection. L'objectif des responsables de la mission était de n'avoir qu'un pays pour la "force protection" afin de garder une certaine cohésion, et d'éviter une dispersion ou tout problème de commandement. Ce principe pourrait ne pas être tenu

Commentaire : un peu de constance messieurs, dames !

On peut être tout de même consterné du manque de volontarisme des Européens pour cette mission. La plupart des pays sont prêts à envoyer des centaines voire des milliers d'hommes en Afghanistan, pour une mission parfois inutile. Mais pour trouver 60 à 90 hommes au Mali, destinés à garder une structure, dans une mission de formation décidée en commun et dont tout le monde loue l'utilité et la nécessité, il n'y a personne ou presque... Il y a tout de même un léger problème !

Cela n'empêche nullement certains pays d'être très demandeurs de postes. La Finlande et la Pologne ont ainsi soutenu la candidature d'un des leurs au poste de représentant spécial de l'UE pour le Sahel. Il est vrai que la position est plus enviable, plus calme, très stratégique sans oublier le salaire (suffisant 😉 qui est, du reste, payé sur le budget de l'Union européenne. Où est la logique ? Il y a une certaine contradiction à vouloir assumer des postes de premier plan, dans une région au niveau européen, tout en n'assumant pas sur place le minimum des engagements européens pris à 27.

Serait-ce le risque potentiel (limité tout de même à Koulikoro) ou les difficultés rencontrées dans le nord Mali actuellement qui rend prudent ? Je citerai le général Lecointre, qui commande la mission EUTM Mali : « Je serai horrifié que les Etats membres soutiennent moins l’action de l’Union européenne au prétexte qu’il y a des morts français. Le sacrifice français et tchadien doit être un aiguillon pour s’investir. Ce d’autant que la mission n’aura aucun rôle de combat direct » et qu'elle se situe loin de ceux-ci...

(*) La terminologie varie selon les armées et les pays

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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