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L’infiltration des troupes afghanes, une réalité. L’OTAN prépare un plan

G. Longuet lors de sa conférence de presse à l'OTAN (Crédit : NGV / Bruxelles2)

(BRUXELLES2 au siège de l'OTAN) Un tabou est en train de sauter. L'infiltration d'éléments talibans dans certains camps de formation de la nouvelle armée afghane n'est non seulement plus démentie par les Alliés mais elle devient une préoccupation auquel il devient urgent de remédier. La "colère" de Sarkozy au lendemain de l'incident de Gwan a frappé les esprits. Et au QG de l'Alliance, même si on n'ose pas dire un mot public sur ces satanés "frenchies", force est de constater que nombre de conversations aujourd'hui étaient centrées sur la décision française de retrait anticipé, la fiabilité de l'armée afghane et de son recrutement... Bref

La mort de soldats français à Gwan, une erreur afghane, un fait pas isolé

La mort de 4 soldats français à Gwan, le 20 janvier, reste encore en travers de la gorge du Ministre qui n'hésite pas à pointer le problème. « Le soldat qui avait tué les compatriotes n’avait pas été suivi. Il s'était déjà engagé, avait déjà déserté, rejoint au Pakistan, puis était revenu vers Kaboul pour se faire réengager dans une unité intégrée dans le dispositif – français de Kapisa. » Bref « Il y avait un contrôle mais pas suffisamment adapté à une situation extraordinairement complexe et difficile. (...) L’armée nationale afghane n’avait pas fait de ce travail une priorité absolue. » La question sur toutes les lèvres est de savoir si l'acte est isolé. Et le ministre répond non. « L'enquête est encore en cours. Mais j'ai le sentiment que c’est une démarche qui n’est pas isolée »...

Un plan anti-infiltration

L'OTAN a ainsi décidé de réagir rapidement en mettant au point un « plan anti-infiltration » qui devrait être « mis au point d'ici la fin février » ainsi que l'a confirmé Anders Fogh (Rasmussen), le secrétaire général de l'OTAN. Une demande française, après l'incident de Gwan coutant la vie à 4 soldats français. « Les évènements (qui ont frappé nos compatriotes) sont minoritaires mais ont une valeur symbolique forte en crédibilité pour l’armée afghane », a précisé Gérard Longuet dans son point de presse aujourd'hui. « J’ai demandé que l’armée afghane prenne des mesures concrètes pour que le niveau, la qualité, le suivi de recrutement apporte le maximum de sécurité à ceux qui combattent à leurs cotés. » (*)

Au menu biométrie et suivi des engagés

Le plan devrait inclure davantage de biométrie et surtout de suivi historique. « Techniquement, on peut très fortement améliorer le suivi des engagés : savoir d’où ils viennent, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils continuent de faire dans leur présence et comportement dans leurs unités » poursuit le ministre de la Défense français. L'avantage est que l'Afghanistan est un « pays assez traditionnel. Les combattants ont leur famille, leur berceau, leur histoire. On peut obtenir en quelque sorte un certificat de moralité. Là où c’est plus compliqué, c’est vers la frontière du Pakistan » et également à Kaboul où vivent pas mal de déplacés.

18 incidents en 2011 mettant en cause un "soldat" de l'armée afghane

Au niveau allié, « on recense une quarantaine d'incidents en quatre ans - a confirmé le ministre, avec une accélération ces derniers mois - 18 en 2011, touchant la plupart des armées alliées : américaine, australienne... (...) Quantitativement, cela est marginal. Médiatiquement c’est insupportable en termes de crédibilité de l’armée afghane. » Pour autant, le Ministre ne veut pas parler « d'une infiltration systématique, aujourd'hui ». Mais dans l’avenir, ce pourrait être le cas « vraisemblablement ». Car les « différents réseaux talibans sont assez avisés sur le plan politique pour savoir que ce type d’action est pernicieux pour l’armée afghane. »

(*) A noter que la France a obtenu du ministre de la Défense afghan, Wardack, qu’il « injecte des sous officiers formés, connus des Français et qui devraient permettre d'apporter une meilleure ambiance » dans les troupes de l'ANA formées et soutenues par les Français.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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