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Le calendrier de retrait précisé par G. Longuet. Les vraies questions sont posées…

(BRUXELLES2 au siège de l'OTAN)  A écouter Gérard Longuet, le ministre français de la Défense, on se demande si les bonnes questions ont été posées, et résolues, jusqu'ici, notamment lors du sommet de Lisbonne, sur l'engagement international en Afghanistan. Que ce soit au niveau du format de l'armée afghane, de son objectif, de son financement ou du calendrier de retrait, le débat semble plutôt s'ouvrir qu'être clos. La discussion, à bâtons rompus, entre le Ministre et quelques journalistes dont B2, au sortir cette première séance de travail de l'Alliance Atlantique consacrée à l'Afghanistan, est assez éclairante. Extraits de l'entretien...

Pas de critique du choix français

Le choix français de retrait anticipé ne semble pas avoir été critiqué par ses partenaires. Du moins pas en séance et publiquement, ce n'est pas le genre de la maison. « On peut difficilement critiquer un pays qui est le 4e contributeur et qui s’interroge parce que ses soldats paient de leur vie des choix ou des insuffisances tactiques. » a lâché le ministre. « J’ai expliqué la position de la France, je pense avoir bien été compris par le secrétaire général. Les ministres ont retenu ce que j’ai dit (lors des entretiens en bilatérale, une demi-douzaine qu'a mené le Ministre), même s’ils n’ont pas parlé dans leur intervention. (...) Chacun réfléchit dans son coin car il a le même problème. » Finalement (…) La discussion a forcé nos partenaires à prendre en compte notre engagement.

Le calendrier de retrait, précisé

Le ministre a d'abord précisé les chiffres sur le retrait, esquissés par le Président de la république il y a quelques jours. « La France a sur place 3600 hommes - 2400 engagés dans des actions des combat, et 1200 en encadrement, logistique et soutien à Kaboul. 1000 hommes - combattants seront retirés en 2012. Les 1400 qui resteront engagés le seront en soutien de l'armée afghane et partiront en 2013. Il en restera 1200 à Kaboul, chiffre qui diminueront progressivement. (...) Après 2014, 400-500 resteront. »

Un processus de transition en Kapisa

« Assurer la transition. Ca ne se fait du jour en lendemain. Ce n'est pas comme changer de locataire. Cela prend du temps » a précisé le ministre. En « Mars 2012, c'est le début du transfert en Kapisa », ce n'est pas la fin du transfert. Celui-ci sera terminé « à l’été 2013. Il faut plus d’une année ». Et durant ce processus, il reste des soldats combattants, et armés. « Il n'est pas question de laisser par exemple des unités médicales et d'évacuation sanitaire auprès des Afghans sans avoir des unités de protection. On se retire dans des conditions où tout militaire français doit être défendu. »

Le mandat est accompli: l'objectif ce n'est pas la Suisse

« Le mandat (donné à l'ISAF) n’était pas de transformer l’Afghanistan en une Suisse. Le mandat était de sortir les terroristes - c’est fait - et de permettre à l’État de doter d’une armée permettant de résister à des offensives diverses venant de réseaux talibans ou autres - la mission est en passe d’être réussie. Prenez l’exemple de la Kapisa. Il y a 2 ans, il y avait deux bataillons de 640 hommes, dépenaillés et pas entraînés. Nous avons aujourd'hui 4000 hommes formés, équipés, recevant leur solde et qui sont en première ligne. » Il a aussi précisé qu'il « faut une bonne année pour effectuer un retrait. La bataille des dates n'a donc pas vraiment de sens. (...) C’est comme quand on apprend à nager, on dégonfle la bouée petit à petit ». 

Le nombre de forces afghanes, un peu exagéré !

L'important est la transition avec l'armée afghane, qui prend environ entre 6 mois et 1 an (voire 18 mois selon l'OTAN), s'étalant entre "lead" responsabilité jusqu'à la "full" responsabilité pour les "locaux". Avant tout, selon le ministre « il faut poser les bonnes questions : combien recruter, quels objectifs quantitatifs et qualitatif... » Il faut savoir « quel bon format est nécessaire pour l’armée afghane ». A commencer par le nombre. « A quoi sert en effet de recruter 5.000 soldats par mois si dans deux ans on diminue les effectifs (sauf à faire du DDR, désarmement démobilisation, réintégration pourront persifler certains). Que vont faire ces 100.000 policiers et soldats. (...) Le chiffre de 352.000 hommes pour les forces de sécurité est un peu exagéré. 230.000 serait plus raisonnable, surtout si on la compare à l'armée de Najibullah qui en avait 170.000. » « Ne vaut-il mieux pas faire du qualitatif. (Dans ce cas,) il faut mieux recruter », précise le Ministre. Et en particulier, il faut améliorer la sélection et le screening.

Ce que veut Karzai, une armée classique

Le souci du président afghan, Hamid Karzai - selon le Ministre - est d’avoir « une armée à la mesure du Afghanistan ». C'est-à-dire une armée « qui ne soit pas une armée de contre insurrection (NB : comme le présentent les Alliés) mais plutôt comme une armée d’un État indépendant assurant sa souveraineté. » « Une armée moins nombreuse paraît acceptable » pour le dirigeant afghan. « Mais il faut bien prendre conscience - précise-t-il - que Karzai a besoin d’une armée classique. Il faut former des conducteurs de chars, des forces spéciales. C’est ce qu’ils nous demandent. (...) C'est un débat très clairement ouvert et sera tranché à Chicago. »

Le coût futur : suffisant et soutenable

Il convient de ne pas se tromper de format. Car cette armée nationale a un certain coût, au bas mot « 4 milliards $ » selon le ministre citant le chiffre retenu par le groupe des contributeurs. Un chiffre plus élevé circule du coté américain (6 milliards $) ou britannique (7-8 milliards $). « Ce qu'il faut bien prendre en compte, c'est que l'effort doit être suffisant et soutenable. » Certes c'est moins proportionnellement que les coûts additionnés des engagements de chaque Etat participant à la coalition (400 à 450 millions d'euros par an pour la France) mais c'est une somme donnée à l'Afghanistan, en « espérant que les ressources du pays prendront le relais ».

Lire également :

(Maj vendredi avec d'autres précisions apportées par G. Longuet lors de sa conférence de presse et un éclaircissement sur les dates de retrait, plutot confuses dans la première version)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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