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Afrique Nord Libye

EUBAM Libye, c’est parti ?

(BRUXELLES2) Alors que le Premier ministre libyen est en visite officielle à Bruxelles ce lundi (27 mai), les Européens mettent la dernière main à EUBAM Libya qui devrait se déployer, officiellement, à compter de début juin. Les premiers effectifs (la core team) sont déjà, sur place, à Tripoli pour préparer ce déploiement de cette mission qui aura un objectif essentiel : l'assistance à la gestion des frontières libyennes. Cependant EUBAM va-t-elle rejoindre la liste de certaines missions civiles européennes en difficulté une fois sur le terrain ? C'est le sentiment qui peut se dégager à écouter certains responsables européens expliquer les rôles et enjeux sur place.

« The eagle has landed »

« The eagle has landed ». C'est par ces termes, assez martiaux, qu'un officiel européen s'est réjoui de l'approbation de la mission par les 27, mercredi dernier (*). Pourtant la mission n'aura pas de fonction exécutive... Son objectif essentiel est - explique-t-il - de : « aider, conseiller, entrainer les différents services en Libye impliqués dans la sécurisation des frontières » et participer au « renforcement des capacités (capacity building) ». Le but « n'est pas seulement la sécurité physique, mettre quelqu'un à la frontière et empêcher les migrations illégales mais s'occuper des frontières comme nous le faisons en Europe, sans imposer le modèle ». La formation s'étendra à différents services libyens comme « les douanes, la police, les gardes frontières, les services vétérinaires, mais aussi les droits humains notamment concernant les migrants venant de la région du Sahel ».

110 personnes à Tripoli

Pour accomplir cette mission, 110 personnes seront basées à Tripoli « car la situation sécuritaire est encore difficile » mais pourront se déplacer sur le terrain pour aider et surveiller les efforts.

Mais le diable réside dans les détails. Si on se penche sur les futures missions et domaines d’activité de la mission, cela reste encore flou. La mission doit se regrouper autour de « deux modules : un module d'entrainement pour différents domaines et un autre pour assister le gouvernement en terme de stratégie notamment pour préparer des législations qui n'existent plus et qui doivent être remises en place ». Et lorsque l'on interroge les officiels sur les secteurs où ils vont intervenir en premier, la réponse est toujours la même. « On ne travaille pas sur un seul aspect, cela dépendra des autorités libyennes. On a identifié des domaines où l'on peut commencer l'entrainement de façon efficace et avec des gens fiables ».

« C'est au gouvernement libyen de décider »

Le gouvernement doit, en effet, décider « des déploiements, des nombres et des équipements » et les Européens ne sont là que pour conseiller et entrainer. Le problème est que « pour l'instant (…) différents services disent des choses différentes, ils doivent donc se mettre autour de la table et se mettre d'accord ». Un rôle important est laissé aux autorités locales. La différence avec les autres terrains d'intervention est cependant nette. « Ce pays est différent de ceux où l'on intervient d'habitude. Ce n'est pas un pays pauvre. Et ils peuvent se permettre des dépenses. Mais c'est au gouvernement de décider ».

La Libye et les troubles au Sahel

Pour les Européens, la coordination entre les différentes missions présentes dans la région (EUTM Mali, EUCAP Niger) reste cependant essentielle. « Les troubles au Sahel ont commencé avec la guerre en Libye » rappelle-t-on du coté européen (**). On envisage aussi d'étendre « l'engagement » au Mali. « Nous envisageons d'ajouter la police ou la gendarmerie » pour lutter contre les problèmes dans le nord du pays apprend-t-on de sources européennes.

Même pas arrivé, on pense déjà au départ

Il faudra « définir une stratégie de sortie pour la mission ». Ce qui est « déjà prévu de façon basique ». L'UE compte poursuivre son aide à la Libye à travers « d'autres instruments dont on dispose, des instruments financiers pour poursuivre notre engagement, l'Etat de droit, la justice qui sont déjà en cours ».  C'est aussi le cas pour la gestion des stocks d'armes. L'Europe fournit ainsi « de l'aide à travers l'instrument de stabilité pour sécuriser les sites de stockage d'armements ». L'Union participe aussi au déminage par exemple. Ces différentes aides s'élèveraient à environ « 5 millions d'euros ».

(*) La décision cadre a été adoptée, par procédure écrite, mercredi (22 mai), et le texte est paru au journal officiel vendredi (24 mai).

(**) NB (NGV) : vision un peu optimisme et réductrice de la zone. La zone troublée du sud libyen ne date pas de 2011 !

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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