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Afrique Nord Libye

Le quotidien difficile d’EUBAM Libya

logo-EUBAM(BRUXELLES2) Les 45 hommes et femmes de la mission européenne d'assistance aux frontières (EUBAM Libya) présents à Tripoli se retrouvent aujourd'hui dans une situation difficile, à la fois du fait de la difficulté dans le pays mais aussi de la lenteur des procédures européennes.

Un pays instable, difficile 

« La situation sécuritaire, très volatile, se détériore. Il y a une multiplication des actes de violences et assassinats politiques mais aussi de membres de forces de police ou militaire » reconnait Hansjörg Haber, le commandant des missions civiles de l'UE. Certes « Ce n’est pas comparable avec l’Afghanistan. » Mais l’enlèvement du Premier ministre dans l’hôtel Corinthia — où logent les membres de la mission —, comme les attaques répétées et régulières sur plusieurs consulats ou ambassades européennes n’est pas des plus rassurants. Les gardes de la mission n'ont pas été épargnés. (Lire : Quelques armes disparues en Libye… Ca arrive). Et dans le pays, ce n'est pas mieux. La « sécurisation » en particulier au sud du pays et dans le port de Misrata revient à des milices qui gardent une indépendance vis-à-vis de Tripoli. Il faut ajouter à cela les règles complexes européennes qui imposent de passer des marchés publics selon la législation européenne.

Des difficultés européennes

La mission doit déménager prochainement vers son nouveau "QG" situé sur le site "Peacock". Mais les travaux ont pris du retard. La faute... est là à rechercher du côté des procédures auxquelles sont soumises les missions européennes qui sont identiques à celles pratiquées en Europe. Une hérésie selon les spécialistes de la gestion de crises. « Comment voulez-vous appliquer dans un pays comme la Libye nos règles de marchés publics comme à Bruxelles, Berlin ou ailleurs en Europe ? — explique-t-il l'un d'eux. C'est très difficile. Cela ralentit le déploiement et la mise en place des missions. »

Un repositionnement de la mission

Même si le point de vue officiel est "aucun changement", dans les faits, la mission va évoluer. Plusieurs options sont envisagées et actuellement travaillées. Il s'agit notamment de revoir le calendrier de déploiement de la mission, c'est-à-dire avoir un rythme plus lent, adapté aux conditions du pays ; et de prévoir un maximum d'activités hors du territoire, pour les formations, à Malte par exemple. Moins il y a d'Européens sur place, moins il y a d'hommes à protéger. Mais il n'est « pas question de renoncer à la mission ». Au contraire.

Pas de reconstruction d'un Etat sur un claquement de doigt

Comme l'explique l'eurodéputée Annemie Neyts-Uyttebroeck, « On a incroyablement sous-estimé la complexité et la difficulté des tâches ». « Il y a toute une réflexion que l’on doit mener au plan européen sur la façon de reconstruire un État où cela n’existe pas » précise-t-elle. « A chaque fois, ce sera compliqué et difficile. Ne nous voilons pas la face. On n’instaure pas la démocratie, l’État de droit d’un claquement de droit. »

Plus de détails dans le Club (EUBAM Libya confrontée aux difficultés. Une réflexion en cours)

Echec de la mission de formation de l'OTAN

Les difficultés européennes ne sont d'ailleurs pas isolées, comme le détaille à B2, un spécialiste de la zone. La plupart des pays se sont, en fait, cassés le nez sur la question libyenne : les coopérations bilatérales (britannique, italienne...) ou multilatérales ont pris du retard pour ne pas dire qu'elles sont stoppés. Ainsi le grand projet de l'OTAN de former la "garde nationale" libyenne est-il pour l'instant au point mort. Au point que le secrétaire général de l'Alliance a annoncé aujourd'hui vouloir envoyer une mission de conseil pour assister les structures de défense libyennes. Un projet déjà annoncé en juin en fait et resservi aujourd'hui. (lire : L’OTAN prépare une mission de formation en Libye). L'équipe serait réduite (environ une dizaine de personnes) et pas établie en permanence.

(Nicolas Gros-Verheyde et Leonor Hubaut)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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