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Opération Artémis Congo, un succès. Défauts de jeunesse de la PESD

(archives B2) L’opération Artémis au Congo est un succès même si la coopération européenne en matière de défense souffre encore de défauts de jeunesse

L’Union européenne a dressé, mercredi, devant la presse, le bilan de la mission Artémis. Menée à Bunia du 12 juin au 1er septembre, cette opération a vu la participation de 17 pays européens - assistés du Brésil, du Canada et de l’Afrique du sud - et l’engagement de 2000 hommes au total (avec les relèves) dont 400 étaient situés sur la base arrière à Entebbe (Ouganda). Elle est désormais relayée par la Mission des Nations-Unies au Congo (Monuc) ; les derniers soldats présents à Bunia, 300 français, ayant regagné leur base samedi dernier.

Succès opérationnel et politique

“Nous considérons cette opération comme un grand succès", s’est félicité Aldo Ajello, le représentant spécial de l’Union européenne pour la région des Grands lacs, “d’un double point de vue, humanitaire et politique”. “A l’arrivée des premiers soldats, il y avait peu de gens dans la ville, un grand nombre de soldats, des enfants bien souvent, aux yeux vitreux et armés de kalachnikovs qui les dépassaient” a-t-il témoigné.

"Quelques semaines plus tard, j’y suis retourné avec Javier Solana (le secrétaire général du Conseil et Haut représentant pour la politique extérieure), les gens étaient revenus, il n’y avait plus d’armes en ville, du moins d’armes visibles, et les enfants soldats avaient disparu. Il y a une semaine, la situation s’était encore améliorée et la venue du contingent de la Monuc, fort de 5000 hommes et surtout d’hélicoptères indiens de combat, qui va se déployer en Ituri produit déjà une forte impression sur les milices”. ["L’Union européenne a fait la preuve de sa réactivité et de sa capacité militaire à s’engager dans une opération qui était une réponse urgente à une situation dramatique."]

D’un point de vue politique, “le blocage du processus de paix a été levé, l’hypothèque de l’intervention de pays étrangers (Ouganda et Rwanda) a été éloignée. Toutes les institutions sont là et fonctionnent. Un chef d’Etat major, quatre vice-présidents ont été nommés. L’assemblée parlementaire a été mise en place. Une unité de police intégrée de 3000 hommes, composée de toutes les composantes du gouvernement est en cours de constitution pour être envoyée en Ituri”.

Mais un succès précaire

Aldo Ajello a cependant reconnu que ce succès était précaire. “Effectivement les milices continuent d’engager. Mais ce n’est pas étonnant. A chaque fin de conflit, c’est le même phénomène. Chacun tente de se positionner face au pouvoir, pour montrer sa force… Il est donc urgent de former rapidement une nouvelle armée congolaise et simultanément de procéder à la démobilisation des milices et leur réintégration “soit dans l’armée, soit dans la vie civile. Si le représentant spécial a assuré que “tous les criminels de guerre seront poursuivis devant la nouvelle Cour pénale internationale”, il a aussi souligné “que subsiste un problème pour les faits remontant avant 2002.”

Point qui pourrait trouver une solution dans l’avenir. L’Union européenne reste, de toute façon, engagée dans la région en apportant un soutien financier de 205 millions d’euros au processus de paix et technique (structuration et formation de forces de police, appui judiciaire par la formation de juges et de gardiens de prison, appui à l’administration).

Intervention rapide mais faiblesses pour les opérations futures

Tirant une leçon de cette opération, le chef de l’état-major militaire de l’UE, le général Rainer Schuwirth, a pour sa part fait remarqué que cette opération “a montré la capacité de l’Union européenne à intervenir rapidement et fortement”. Un propos partagé par le général français Bruno Neveux , commandant de l’opération Artémis. Le chef d’état-major militaire a mis en avant deux points qui pourraient être des faiblesses lors d’opérations futures : “la question des transports” surtout quand le théâtre d’opérations est éloigné de l’Europe et “les moyens de transmission et de communication”.

Quartier général à Paris a bien fonctionné

Quant à la nécessité d’un quartier général européen, basé à Tervuren, c’est le général Neveux qui semblait plus mitigé. Sans vouloir prendre partie, “cette décision relève d’une décision politique”, le commandant de l’opération Artémis a plutôt souligné “que le concept de nation cadre a parfaitement fonctionné. Il a offert la structure pour lancer une opération en liaison avec toutes les institutions à Bruxelles.” La France a, en effet, fourni les commandants de l’opération ainsi que l’ossature des états-majors correspondants et pu tirer partie du soutien apporté par ses différentes bases dans plusieurs pays d’Afrique (Tchad, Libreville, Entebbe). Pour la première fois, un état-major européen de niveau stratégique, “l’Operation Headquarters” (OHQ) avait d’ailleurs été mis en place à Paris.

Depuis 1999, l’Ituri, région située à l’ouest de la république démocratique du Congo (ex-Zaïre) près de l’Ouganda, est le théâtre d’affrontements violents qui ont fait quelque 50 000 morts et 500 000 déplacés.

(Nicolas Gros-Verheyde)

article publié dans Agence Europe, septembre 2003

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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