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Le contrôle russe du pouvoir par l’énergie, démonstration

(B2)Les Russes, les Ukrainiens disent oui, disent non, à la réouverture du gaz, jouent au chat et à la souris avec les Européens - et la république Tchèque qui occupe la présidence de l'UE - pour des motivations plus ou moins diverses (lire le gaz, une arme). Pour tenter de comprendre, pourquoi cette attitude, relisons le journaliste et essayiste Thierry Wolton quand il décrit la prise de contrôle par le gouvernent russe du secteur de l'énergie - et la façon dont il en use (1). C'est intéressant, surtout en pleine crise (à nouveau) du gaz.

Pour lui, "les millions de tonnes de pétrole, de gaz, et de minerai divers" sont pour la Russie un instrument de reconquête de sa "souveraineté" et de pouvoir - au même titre que l'action militaire ou la démographie - selon une stratégie bien planifiée, graduellement mise en oeuvre, avec contrôle interne, puis externe des ressources. Il cite Poutine qui expliquait lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, en septembre 2005 : « La Russie ne peut dominer dans aucun autre domaine que celui de l’énergie ». "Hier la puissance de l’URSS reposait sur la dissuasion nucléaire, aujourd'hui la force de la Russie tient en sa capacité à pouvoir fermer les robinets du gaz et du pétrole", complète Wolton.

Une stratégie planifiée. (...) En 1996, Poutine rédigea une thèse sur « la planification stratégique du renouvellement de la base minérale et des matières premières de la région de Leningrad dans le contexte du passage à une économie de marché » à l’institut des mines de St-Petersbourg. Inspiré par le recteur de l’Institut, le professeur Vladimir Litvinenko, devenu le conseiller énergétique du président (NB à ne pas confondre avec Alexandre, officier du KGB assassiné à Londres en octobre 2006 au premium 210). Il milite pour un contrôle des richesses du sous-sol afin que la Russie soit maîtresse chez elle et qu’elle puisse peser de tout son poids dans le monde : »Les hydrocarbures sont notre principale force et notre meilleur argument sur la scène mondiale » (Moscow Times 6 juin 2006).

Le contrôle interne des ressources. "Pour tenir en main tous les leviers, le Kremlin a procédé par étapes : élimination des oligarques gênants, exclusion des majors occidentales des gisements les plus rentables (BP et Shell par exemple), contrôle des investissements du secteur par le FSB, mise en place d’un réseau d’entreprises capables de tenir leur rang sur les marchés
extérieurs (Gazprom, Lukoil, Rosneft…)."

Le contrôle externe des ressources. "Maîtriser les sources d’approvisionnement et les moyens d’acheminement, faire pression sur les pays récalcitrants, promouvoir un nouvel ordre mondial, le Kremlin ne manque ni de moyens ni d’alliés pour parvenir à ses fins. Les ex-dominions de l’URSS ont été les premiers à ressentir la poigne russe. Ukraine, Géorgie, Arménie, Moldavie, Azerbaïdjan, tous ont été obligés de céder à Gazprom des parts de leurs sociétés gazières ou de leurs réseaux de gazoduc s’ils voulaient éviter une faillite après la hausse intempestive des prix décidée par Moscou." C'est le premier temps.  "Dans un 2e temps, qui se déroule actuellement, la Russie veut renforcer la dépendance de ses clients en les coupant d’autres sources d’approvisionnement possible. Les gaz turkmène, kazakh et ouzbekh qui offraient à l’Europe des alternatives possibles à la production russe, sont passés sans le contrôle de Gazprom, des accords avec le Venezuela de Chavez et l’Algérie de Bouteflika font peser une menace sur les flux pétroliers en direction de l’Europe. (…) Moscou se rapproche de plus en plus des autres nations riches en matières premières dans l’espoir de les rallier sous sa bannière et de tenir la dragée haute à des Occidentaux en manque d’hydrocarbures."

Faut-il commenter ?...

(NGV)

(1) "Le KGB au pouvoir, le système Poutine" (Ed. Buchet Chastel, janvier 2008, 236 pages, 19 euros)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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