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L’Europe est-elle prête à une nouvelle croisade ?

A entendre les accents de certaines déclarations officielles au lendemain des attentats de Bagdad en octobre, du Caire fin décembre, et même du Nigeria tout récemment, le débat qui s'amorce au niveau européen risque d'être difficile. Car tous les responsables européens ne semblent sur une même longueur d'onde, mis à part l'unanimisme de façade. Et le débat pourrait tourner court.

Dans une lettre commune signée le 5 janvier 2011 par 4 ministres des Affaires étrangères - F. Frattini (Italie) et M. Alliot-Marie (France) rejoints par J. Martonhyi (Hongrie), R. Sikorksi (Pologne) - demandaient à l’UE non seulement d’inscrire ce point à l’ordre du jour du Conseil des Affaires étrangères du 31 janvier mais aussi de « faire des propositions concrètes appelées à être mises en œuvre pour promouvoir le respect de la liberté de religion ou de conviction » et débattre sur les « moyens (à) mettre en œuvre pour apporter secours et protection aux personnes menacées ». Même si la lettre ne le mentionnait pas, certains responsables politiques parlaient de sanctions (financières notamment) contre les Etats concernés où la sécurité des Chrétiens ne serait pas suffisamment préservée. Entretemps, avec la tuerie au Nigeria, où 13 habitants d'un village à majorité chrétien ont été tués, le front politique européen reste ouvert. Le ministre italien Franco Frattini l'a encore rappelé : "la communauté internationale ne doit pas et ne peut pas fermer les yeux".

Une discussion pour rien le 31 janvier ?

Mais si le sentiment de réprobation du terrorisme est partagé par tous les responsables politiques, il ne suscite cependant pas la même analyse parmi les diplomaties européennes au niveau des mesures à prendre. Dans l’entourage de la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, on se veut donc prudent et on refuse tout amalgame et le "jusqu'au boutisme". « L'Europe doit défendre ses valeurs et ses intérêts ». Certes. Mais il ne faut « stigmatiser », par trop, des Etats musulmans qui ont toujours protégé les communautés chrétiennes, explique-t-on. En s'en prenant à un pays particulier, l'Egypte, « il y a un risque d'une radicalisation, d'un appel à une croisade qui est vraiment mal perçu dans certains pays arabes et musulmans ». « Confondre la lutte contre le terrorisme et le nécessaire dialogue entre les communautés qui ont toujours vécu dans ces pays » serait une erreur. Et l'argument de protection des minorités religieuses pourrait se retourner contre les pays européens en étant, à leur tour, utilisé par les pays arabes. Il faut surtout « ne pas donner prise à de nouveaux discours propres à illustrer un éventuel clash des civilisations ».

C'est tout le sens de l'appel lancé par Cathy Ashton, lors de son déplacement en Israêl, depuis Bethléem. Un appel à la tolérance passé plutôt inaperçu dans nos pays. "L'UE condamne toutes les formes d'intolérance et de violence contre les personnes à cause de leur religion ou leurs croyances, où ils se situent » avait-elle affirmé.

NB : sanctionner un Etat comme l'Egypte serait en quelque sorte donner une prime au terrorisme. Ils gagnent doublement la mise : directement, par la terreur sur la population, indirectement, par les sanctions et les relations endommagées entre le pays concerné et les pays européens. Le Vatican qui avait pris il y a quelques jours une position très offensive vis-à-vis de l'Egypte a d'ailleurs fait machine arrière après le rappel de l'ambassadeur égyptien au Caire.

Télécharger la lettre des 4

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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