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Militaires italiens emprisonnés en Inde : l’UE prête à aider pour une solution

La marine italienne a lancé une page de soutien aux fusiliers marins (Crédit : Marine italienne)

(BRUXELLES2 à Copenhague) Changement de position au service diplomatique européen, dans l'affaire des militaires italiens VPD embarqués à bord du Enrica Lexie soupçonnés de meurtres de pêcheurs - qu'ils auraient pris pour des pirates (version que contestent les Italiens).

Une prise de conscience du problème au service diplomatique

Les Européens ont été très discrets sur cette affaire, estimant qu'il s'agissait d'une affaire surtout bilatérale. Ce fut la première réponse d'un porte-parole de Me Ashton à la question posée par B2. Réponse assez lapidaire, genre Ponce-Pilate. Puis les esprits ont évolué, assez rapidement, il faut dire. Il y a quelques jours, le même porte-parole assurait ainsi « suivre de près la situation de façon très étroite. L'Italie n'a pas requis notre assistance. Mais nous suivons la situation de façon très étroite. Et nous espérons que ce dossier sera résolu de façon satisfaisante. » En entrant à Copenhague, au conseil informel des ministres des Affaires étrangères, le 9 mars, la Haute représentante de l'UE, Catherine Ashton, a offert son assistance pour résoudre la crise. « Dans de nombreux pays, c'est souvent une voie bilatérale qui est poursuivie avec succès. Mais la délégation de l'Union européenne sur place et moi-même sommes toujours prêt. J'ai déjà eu des conversations avec le gouvernement italien. Et je suis prêt à y travailler de plus près. » « Ma porte est toujours ouverte. Nous sommes toujours prêt à un soutien. » Et d'autres nouvelles pourraient suivre.

L'Italie demande l'aide des Européens

L'Italie a d'ailleurs officiellement demandé le concours de ses pairs. Le ministre italien Terzi a remis à ses homologues européens une note de trois pages, en anglais, décrivant par le menu à la fois les faits, le contexte juridique du dossier. Et la Haute représentante, Catherine Ashton, a précisé qu'elle comptait bien s'occuper de ce dossier

Dans cette note, que B2 a pu se procurer, le ministre italien expose les différents points du contexte international (la politique internationale de lutte contre la piraterie, les VPD, la juridiction dans les eaux internationales, la zone économique exclusive, la notion de juridiction nationale...). Il attire l'attention de ses collègues ministres européens sur cette affaire qui n'est pas pour lui un simple sujet bilatéral mais une question de principe qui peut avoir des conséquences importantes. Le point clé de son argumentation est la situation du navire italien - et donc des militaires italiens auteurs des tirs - à 9°20' nord et 75°59' Est, soit en « haute mer », un point contesté par les Indiens sur deux motifs : 1) de fait, ils estiment que le navire "touché" était dans ses eaux territoriales ; 2) de droit, ils soulignent l'existence d'une zone économique exclusive autour de 200 miles de leurs côtes. Pour le ministre italien, cette position est dangereuse. C'est un « principe contraire à la liberté de navigation dans les eaux internationales ». La liberté de circulation en mer pourrait ainsi être « entravée par une extension arbitraire de la juridiction au-delà des limites définies par la loi internationale. » Et d'ajouter un argument - qui est assez percutant, à mon avis, et a certaines chances d'être entendu dans plusieurs ministères - : « L'exclusivité de juridiction de l'Etat du pavillon dans les eaux internationales est un point important pour l'engagement collectif actif contre la résurgence de la piraterie, tout comme la ce droit exclusif de l'Etat de juger ses militaires est un point essentiel des opérations internationales de maintien de la paix. Si un tribunal local commence (des interrogatoires).

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Commentaire : l'impression d'une certaine confusion

Les preuves disparaissaient les unes après les autres

Deux points rendent le dénouement de cette affaire confuse, deux points essentiels pour faire la lumière sur les faits. D'une part, les corps des pêcheurs tués ont été incinérés très vite (conformément à la tradition indienne), mais apparemment sans autopsie approfondie, ni moyen d'avoir une expertise balistique contradictoire. Ensuite, comble de "malachance", la boite noire du Lexie, qui enregistre toutes les conversations dans la salle de commandement a été retrouvée. Mais réutilisée. Enfin, les autorités italiennes pestent, en sous-main, contre le commandant du navire qui a accepté de suivre les autorités indiennes, dans un port indien, et donc de livrer les militaires italiens aux autorités.

La confusion italienne

Le gouvernement Monti semble à la peine sur cette affaire. Certes les Italiens n'ont pas lésiné sur les moyens de pression contre les Indiens envoyant coup sur coup en Inde le ministre adjoint des Affaires étrangères, Staffan De Mistura, puis le ministre lui-même, Giulio Terzi ; les deux visites semblant s'entrechoquer, il y a eu comme une confusion. Les Indiens ont mal vécu ces pressions, publiques, et se sont plutôt raidis qu'au compromis. Il est nécessaire aujourd'hui d'impliquer une tierce partie dans l'histoire. Et ce pourrait être l'affaire d'un diplomate européen qui pourrait essayer de dénouer les fils de cette affaire embrouillée de part et d'autre.

L'hypocrisie indienne

Nous trouvons là des Indiens très champions de morale quand il s'agit de "leurs" pêcheurs tués. Il y a quelques années, nous avions observé d'autres pêcheurs tués par un navire de guerre, opérant en mission anti-piraterie, proche de la Somalie. Une méprise apparemment doublée d'un abandon. Les auteurs de ce forfait ayant quitté également les lieux. Et personne ne les avait arrêtés. Une autre fois, c'est un navire de la mission anti-piraterie européenne (Eunavfor) qui avait été alerté après le passage meurtrier d'une frégate indienne qui avait tiré sur ce qui était présumé être un skiff pirates.

Lire ainsi :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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